Britische Auffassung der Wiederaufnahme der Beziehungen zwischen der Schweiz und der UdSSR. Rat Cadogans, der sowjetischen Forderung des Ausdrucks eines Bedauerns schweizerischerseits keine Folge zu leisten.
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 16, doc. 64
volume linkZürich/Locarno/Genève 1997
Plus… |▼▶Emplacement
Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2800#1990/106#63* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2800(-)1990/106 13 | |
Titre du dossier | Reprise des relations avec l'U.R.S.S. : tentatives de 1944 et 1946 : correspondance, notes et procès-verbaux (1944–1946) | |
Référence archives | 221.5 |
dodis.ch/50
Je saisis l’occasion du départ du présent courrier pour compléter les renseignements que j’ai eu l’honneur de vous transmettre, par la voie la plus rapide, les 22 et 23 février, au sujet de nos relations avec l’URSS2.
Dès la réception de votre message3, m’autorisant à prendre un contact personnel et inofficiel avec la haute direction du Foreign Office en l’affaire dont vous aviez bien voulu m’entretenir, je me suis rendu à la Chambre des Communes, d’une part pour entendre les discours de M. Bevin et de M. Eden, qui devaient terminer les débats sur la politique étrangère britannique; d’autre part aussi dans l’espoir de pouvoir joindre le Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, dont on m’avait signalé le projet de partir en vacances à la conclusion des débats. Ce dernier espoir a été, malheureusement, déçu; toutefois, je verrai M. Bevin peu après son retour à Londres, lorsqu’il viendra à un déjeuner que nous organisons en son honneur.
J’aurais pu solliciter une entrevue urgente avec M. Philipp Noel-Baker. Toutefois, cet excellent ami de la Suisse aurait, je crois, soit réservé son jugement pour avoir des consultations avec la direction politique du Foreign Office, soit manifesté une réaction vive, mais personnelle, à l’égard de «l’exigence soviétique», sans avoir eu l’occasion d’approfondir un problème peut-être mieux connu dans ses détails par le Sous-Secrétaire d’Etat permanent. Or, Sir Alexander Cadogan, lorsque je l’ai vu, à la fin de la semaine dernière, était encore en fonctions à la tête des services du Foreign Office, qu’il ne passera que ces prochains jours à Sir Orme Sargent. C’est à lui que je me suis adressé, en reprenant le fil de conversations assez nombreuses que j’avais eues avec lui dans le passé – dès l944 et avant, pour ainsi dire, chaque réunion des trois grandes Puissances. Sir Alexander, ainsi que vous l’avez vu par ma dépêche du 22, a été extrêmement catégorique. Il s’est prononcé avec une netteté de termes qui dépassait mes prévisions.
Après avoir pris connaissance, à titre personnel et confidentiel, du projet de note (sans la variante) que M. Zellweger avait été autorisé à discuter avec l’Ambassadeur de l’URSS à Belgrade4, il fit observer tout de suite que même l’expression: «que le Conseil Fédéral entendait modifier son attitude antérieure» pouvait être exploitée et qu’elle ne manquerait pas de donner lieu à des interprétations diverses. Je lui ai expliqué que l’absence prolongée de relations entre notre pays et l’URSS constituait un poids très lourd pour nous, tant en politique extérieure comme il le savait bien, que dans le domaine de la politique intérieure; et que, partant, le Conseil fédéral était naturellement désireux d’aller aussi loin que possible dans la voie d’une transaction honnête. Sir Alexander finit par me comprendre, mais il trouvait d’emblée l’exigence soviétique d’une expression de regrets comme tout à fait inadmissible. «Regrets de quoi?», disait-il, et après que nous eussions récapitulé très franchement les différentes étapes de l’évolution qui nous avaient malheureusement empêchés de renouer plus tôt avec les Soviets5, il exprima l’opinion personnelle que le Conseil fédéral ne pourrait absolument pas exprimer des regrets unilatéraux. Il m’a dit, parlant d’une manière tout à fait inofficielle: «j’estime que votre pays ne peut pas faire cela». Il a ajouté: «les Russes sont des gens extraordinaires; ils demandent souvent autre chose que ce qu’ils veulent. S’ils demandent des regrets, c’est qu’ils visent autre chose». (Cette dernière réflexion confirme la mienne, qu’un désaveu public et officiel de notre politique antérieure créerait une situation nouvelle dépassant notre cas).
Mon interlocuteur souligna également que si on ne peut évidemment pas rester en politique étrangère toujours sur la même position, il faut ménager des transitions; cela confirme également mon impression précédemment transmise, qu’un virement brusque et un «peccavi» unilatéral ne seraient pas compris en Angleterre. Une pareille déclaration pourrait faire impression dans les pays occidentaux de l’Europe, dont plusieurs ont des difficultés avec les Soviets.
En résumant, Sir Alexander disait qu’une solution raisonnable et possible, selon lui, serait l’expression réciproque de regrets des deux parties (Suisse et URSS) «des circonstances qui n’avaient pas permis de normaliser plus tôt les relations entre les deux pays». Si l’URSS n’est pas d’accord sur cette base, Sir Alexander estime, toujours personnellement, que bien que cela soit très regrettable, il faut attendre.
En m’assurant la discrétion la plus absolue, Sir Alexander a pris note de ma communication et m’a dit qu’il devait en parler, à titre secret, «avec une ou peut-être deux personnes haut placées», vu l’intérêt qu’on avait aussi à Londres à la normalisation de nos rapports avec Moscou. Mais il a ajouté: «il sera peut-être difficile de vous faire une nouvelle communication sur nos vues, dans une question qui concerne votre pays et les Soviets et non pas l’Angleterre». D’ailleurs, m’a-t-il fait entendre, nous connaissons maintenant son opinion. – Il est, bien entendu, très nécessaire de garder un caractère absolument secret à l’avis personnel et confidentiel du chef permanent du Foreign Office. Conformément à ce que je vous ai suggéré et à ce que vous m’avez autoriser à faire ici, il s’est agi d’une conversation «off the record». Il pourrait être dangereux que la propagande soviétique, qui ne cesse d’attaquer jour par jour, maintenant, et avec une extrême violence le Ministre britannique des Affaires étrangères, puisse prétendre que l’Angleterre «retarde, par ses conseils, la reprise, selon la formule demandée à Moscou...». Mais une chose est tirée absolument au clair, c’est qu’en cédant aujourd’hui à la demande [de] Moscou, même sous une forme atténuée, nous ne trouverions ici de la compréhension que dans des milieux très limités, et probablement restreints aux lecteurs du «Daily Worker» communiste.
- 1
- Lettre: E 2800/1990/106/13.↩
- 2
- Non reproduit. Sur la politique de l’URSS au début de 1946, cf. notamment le rapport politique de K. Bruggmann du 21 février 1946 sur les réactions américaines au discours de Staline du 9 février, E 2300 Washington/48.↩
- 3
- Télégramme de M. Petitpierre à P. Ruegger du 21 février 1946; non reproduit.↩
- 4
- Pour les diverses variantes de projets de note, cf. E 2001 (E) 3/1 et E 2800/1990/106/13.↩
- 5
- Pour les relations entre la Suisse et l’URSS, cf. ibid. et E 2001 (D) 8/1-5.Cf. aussi la table méthodique du présent volume: Union soviétique – Relations politiques. C’est par un échange de lettres entre l’Ambassadeur de l’URSS et le Ministre de Suisse à Belgrade, le 18 mars 1946, que les relations diplomatiques ont été établies entre l’URSS et la Suisse.↩
Liens avec d'autres documents
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Russie (Politique) Rétablissement des relations diplomatiques avec l’URSS (1946)