Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
13. France
13.3. Protection de la propriété intellectuelle
Pubblicato in
Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 4, doc. 332
volume linkBern 1994
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E14#1000/39#288* | |
Vecchia segnatura | CH-BAR E 14(-)1000/39 45 | |
Titolo dossier | Reklamationen von Ausstellern betr. Zuerkennung von Auszeichnungen, Aufführung im Katalog, Präsentation und Platzierung der Ausstellungsgegenstände, Rücktransport der Austellungsgegenstände, Musterschutz (1897–1901) |
dodis.ch/42742
L’avocat de M. Grauer-Frey dans l’affaire de contrefaçon de dessins industriels imputée au fabricant Daltroff h St-Quentin2 a fait, dans le courant de l’année, diverses démarches pour arriver à une solution de cette affaire conforme à nos vœux. Il a entretenu de la question le Ministre du Commerce, M. Millerand, et l’a fait entretenir par des délégations des syndicats français intéressés.
Le terrain ayant été ainsi préparé, je m’attendais à ce que, dans la discussion à la Chambre des députés sur la protection provisoire des dessins industriels pendant l’Exposition universelle de 1900, il serait donné des assurances satisfaisantes. La loi a été adoptée par la Chambre sans discussion dans la séance du 27 novembre (Journal officiel, compte rendu in extenso, p. 1948) et transmise au Sénat.
Dans ces conditions j’ai estimé nécessaire d’avoir un entretien avec M. Millerand.
Il m’a déclaré ce matin que le passage de l’exposé des motifs à l’appui du projet de loi No 768 envoyé à votre Département le 4 mars3, passage inséré au bas de la page 2, devait être compris dans ce sens qu’il suffirait du dépôt légal d’un dessin au Conseil des prud’hommes à Paris pour assurer la protection de ce dessin sans qu’on puisse exiger du déposant qu’il ait une fabrique en France et cela en dérogation de l’arrêt de la Cour de Paris du 20 mai 1898 dans l’affaire Grauer-Frey.
J’ai répondu que je ne demandais pas mieux que d’accepter cette interprétation, mais qu’il serait très important de rassurer les nombreux exposants étrangers par une déclaration explicite de sa part à la tribune, lorsque la loi viendrait en discussion au Sénat, attendu que le texte même de la loi n’exclut pas expressément la jurisprudence de la Cour de Paris.
M. Millerand m’a promis de faire devant le Sénat la déclaration demandée. Il avait déjà promis à M. Pouillet, avocat, de faire cette même déclaration à la tribune de la Chambre des députés, mais n’avait pu se rendre à la séance. Espérons qu’il ne sera pas empêché de tenir sa promesse lorsque l’affaire viendra devant le Sénat.4
J’ai ensuite passé à la question permanente, indépendante de l’Exposition de 1900, et j’ai demandé à M. Millerand si nous ne recevrions pas bientôt une réponse à notre proposition du 14 février5 de déclarer, de part et d’autre, que nous renoncions à exiger l’exploitation des dessins industriels pour les protéger sur nos territoires respectifs.
Le Ministre du Commerce a répondu qu’il avait connaissance de notre proposition, mais qu’il ne croyait pas qu’elle lui eut été transmise officiellement par le Ministère des Affaires étrangères. M. Millerand regrette beaucoup qu’une négligence de procédure ait empêché la Cour de cassation d’examiner l’arrêt de la Cour de Paris. Le Ministère du Commerce ne peut pas rester dans l’incertitude sur la validité ou la désuétude du décret impérial de 1861 en vertu duquel des milliers de dépôts étrangers se font à Paris. Le Ministère du Commerce a donc invité celui de la Justice à former d’office un pourvoi dans l’intérêt de la loi auprès de la Cour de cassation (art. LXXX de la loi du 27 ventôse an VIII, communiquée à votre Département en octobre 1899 dans l’affaire Haldimann, etc., usage des eaux du Doubs). M. Millerand a rappelé, tout récemment encore, sa demande à son collègue, M. le Garde des sceaux Monis. Si la Cour de cassation annule l’arrêt de Paris, la question sera réglée au profit de la Suisse, mais la France demandera probablement à Berne une déclaration de réciprocité. Si le pourvoi est écarté en cassation, M. Millerand est disposé à négocier cette même déclaration de réciprocité.
J’ai dit au Ministre que le Conseil des Etats venait d’être saisi par le Conseil fédéral6 et s’occuperait incessamment d’un projet de loi dont l’art. 11 ch. 2 donnait au Gouvernement les pouvoirs nécessaires pour renoncer à l’obligation d’exploiter les dessins industriels vis-à-vis des Etats qui accorderaient la réciprocité, et j’ai fait observer qu’il serait désirable d’obtenir une solution favorable le plus tôt possible, afin de faciliter l’adoption de cet article de loi. M. Millerand préfère le terrain judiciaire qui lui permettra peut-être de dire qu’il n’y a pas de question en ce qui concerne la France.
Il m’a paru utile de vous signaler, au moment où la discussion va s’ouvrir devant le Conseil des Etats, les dispositions, somme toute, personnellement favorables du Ministre français du Commerce aussi bien sur le sens de la loi de protection provisoire pour la durée de l’Exposition de 1900 que sur l’idée fondamentale consistant à échanger une déclaration de réciprocité ayant pour but d’introduire la non-obligation d’exploiter entre les deux pays.
En vous priant de communiquer sans retard ce qui précède au Département de Justice et Police [...].
- 1
- Lettre (Copie): E 14/47.↩
- 2
- Pour ce litige sur l’application de la législation pour la protection de la propriété intellectuelle, cf. notamment la lettre de Lardy à Droz du 21 décembre 1897, disant: [...] Une question fort grave vient d’être engagée à Paris sous forme de poursuites en police correctionnelle. Un fabricant suisse, M. Grauer-Frey à Degersheim (St-Gall) avait déposé au greffe du tribunal de commerce à Paris des dessins de broderies. Il fut avisé qu’un de ses dessins avait été contrefait par la maison Daltroff, la première maison de broderies mécaniques de St-Quentin et de France. Il fit faire les constatations d’usage et poursuivit Daltroff devant la dixième Chambre correctionnelle du tribunal de la Seine, en contrefaçon. Il résulte des plaidoieries et de diverses lettres produites aux débats que Daltroff est poursuivi par une autre maison suisse, Iklé frères, pour le même délit et qu’il serait un «professionnel de la contrefaçon» bien qu’à St-Gall où il possède aussi une fabrique, il fasse partie d’une association dont les membres s’engagent à ne pas se copier les uns les autres, même lorsque leurs dessins n’ont pas été déposés. [...] La 10cme Chambre correctionnelle du tribunal de lèrc instance de la Seine, sur les conclusions conformes du substitut du Procureur de la République, dont le ton a été peu aimable et même agressif contre la Suisse, a admis sur toute la ligne la manière de voir de M. Poincarré. Le tribunal a, en conséquence, refusé de déclarer Daltroff coupable de contrefaçon, parce que à ses yeux, Grauer-Frey n’étant pas fabricant en France, ne peut pas faire protéger dans ce pays ses dessins, et par conséquent, se trouve sans titre pour porter une plainte en contrefaçon. [...] (E 14/47).↩
- 3
- Non reproduit.↩
- 4
- Dans sa lettre du 25 décembre 1899, Lardy fait savoir au DPF que le Sénat a discuté le 23 décembre 1899 un projet de loi relatif à la protection industrielle pour les objets admis à l’Exposition universelle de 1900. Voici reproduit un extrait de ce document: [...] Probablement à l’instigation de M. Millerand, un Sénateur, M. Milliès-Lacroix, a demandé des explications. Le Ministre du Commerce a alors déclaré à la tribune: «Il est certain que le projet de loi a pour but de protéger non seulement les inventeurs, mais aussi les dépôts de dessins; il ne peut pas y avoir le plus petit doute sur la portée de ce projet; je suis par conséquent convaincu que si par hasard une difficulté se trouvait soulevée de ce chef, la déclaration très formelle que j’apporte ici suffirait à le lever.» M. Milliès-Lacroix a insisté dans les termes suivants: «M. le Ministre estime alors que la jurisprudence de la Cour de Paris ne peut pas faire obstacle à l’application de la loi qui nous est proposée?» M. le Ministre du Commerce: «Absolument pas.» (E 14/47).↩
- 5
- Cf. PVCF du 14 février 1899 (E 1004 1/196).↩
- 6
- Cf. Message du Conseil fédéral concernant la révision de la loi fédérale sur les dessins et modèles industriels du 21 décembre 1888, du 24 novembre 1899 (FF, 1899, V, pp. 908–932). Ce message a été discuté au Conseil des Etats et au Conseil national lors de la session du 4 au 23 décembre 1899. La loi entra en vigueur le 30 mars 1900.↩
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