Bericht des Schweizer Konsuls in Algier betreffend die "terroristischen" Vorkommnisse. Er vergleicht die Situation Algeriens mit jener in Tunesien und Marokko. Für Arber liegt das allgemeine Problem Algeriens und Nordafrikas eher im wirtschaftlichen, denn im sozialen oder politischen Bereich. Die Situation der Schweizer und ihre Sicherheit ist ein weiteres wichtiges Thema.
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 19, doc. 133
volume linkZürich/Locarno/Genève 2003
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2200.41-05#1000/1696#128* |
Old classification | CH-BAR E 2200.41-05(-)1000/1696 10 |
Dossier title | Algérie (1952–1954) |
File reference archive | B.24.11.9 |
dodis.ch/9399 1) LE TERRORISME EN ALGÉRIE 2) PROTECTION DES SUISSES
Dans mon premier rapport du 2 écoulé2 portant le même titre que celui-ci – et dont vous avez bien voulu m’accuser la réception par vos lignes du 63, reçues ce matin – j’ai eu l’honneur de souligner que la thèse gubernatoriale que m’a exposée le directeur de cabinet f. f.4 d’informateur, me paraissait être par trop parsemée d’ignorances et de suppositions sinon de propos diplomatiques. Il est aujourd’hui de notoriété que, si le Gouvernement général de l’Algérie ne fut peut-être pas autant surpris que le grand public algérien de la soudaineté et de la simultanéité des tragiques événements insurrectionnels qui se sont déroulés dans la nuit de la Toussaint sur de nombreux points du territoire, il l’a tout de même été dans une large mesure. Les services de renseignements, parallèles ou superposés, qui, depuis des mois, devaient suivre les infiltrations des fellaghas, n’ont pas été à la hauteur de leur tâche. En effet, le Gouvernement général déclara d’emblée que les auteurs de ces coups de banditisme n’étaient qu’au nombre de quelques centaines et qu’il n’y avait point ou fort peu de fellaghas algériens. On a reconnu depuis lors que le nombre indiqué d’environ trois cents est sensiblement plus élevé, qu’il est composé, en majeure partie, de Musulmans nationalistes et communistes d’Algérie et que le parti MTLD a prêté son concours à l’organisation et à l’exécution du plan révolutionnaire. Depuis les premiers actes de terrorisme (sur 70 au lieu de 30 points indiqués d’abord par le GG), le recrutement forcé de nouveaux éléments opéra, mais le ralliement spontané en procura tout autant sinon plus.
Je vous ai envoyé, les 3 et 4 novembre5, quelques pages et coupures de presse d’Alger relatant l’évolution de la situation. J’en ai aussi adressé directement – une fois – à la DAP du DPF. Par la suite, j’y ai renoncé parce que j’ai pu me rendre compte que la presse métropolitaine reproduisait d’abondantes dépêches d’Algérie corroborant, avec un peu moins de détails peut-être, les faits relatés par les journaux algérois au sujet de l’évolution insurrectionnelle dont il s’agit.
Cette évolution, vous le savez, est assez satisfaisante. Les renforts de France et la rapidité de leur envoi ont fortement contribué à calmer les esprits. Policiers et militaires firent généralement l’objet de réceptions correctes, sinon sympathiques et même encourageantes; de nombreux indigènes des confins des territoires menacés ont offert leur concours, notamment comme guides et informateurs. Comme quoi la force – et sans doute aussi la certitude de manger à satiété – est toujours attirante chez les Arabes, non seulement chez les sympathisants, mais aussi parmi les hésitants.
On craignait beaucoup que, durant la fête légale du Mouloud (1424 e anniversaire de la naissance du Prophète Mahomet) – le 8 novembre – les insurgés ne réitèrent leurs incursions. Ils ne bougèrent pas. La même crainte régnait pour la fête d’hier de l’Armistice. Il y eut quelques accrochages provoqués plutôt par les troupes de répression que par les hors-la-loi.
Il y en eut de plus dramatiques entre temps: quelques tués et blessés des deux côtés. Mais la simultanéité chez les fellaghas paraît être rompue et l’organisation désaxée partiellement par la dissolution du MTLD (Mouvementpour le Triomphe des Libertés Démocratiques, ex- PPA, Parti Populaire Algérien supprimé en 1939) et l’interdiction de sa presse, notamment l’«Algérie Libre» (Messali) et «LaNation algérienne» (Lahouel). Ce dernier réussit à s’enfuir, tandis que les sièges du parti et les domiciles et bureaux des principaux dirigeants et journalistes firent l’objet de perquisitions et de saisies, suivies de près de 200 arrestations et d’actions judiciaires. Les réactions furent rares et vaines. La presse communiste tempêta. Le Préfet d’Alger6 saisit deux numéros du quotidien «AlgerRépublicain» et deux numéros également de l’hebdomadaire «Liberté».
La grande majorité de l’opinion européenne et la presse bourgeoise réclament avidement la fin d’une «intolérable provocation» (Echo d’Alger), la suppression du parti et de ses organes moscoutaires, l’arrestation des traîtres qui s’obstinent à encourager les rebelles et à prôner que tout le mal vient de l’égoïsme «colonialiste» et des moyens militaires de la répression.
Hier, dans chaque lieu de garnison, les troupes défilèrent. On saisit évidemment cette occasion pour en imposer le plus possible sur les masses et surtout les velléitaires d’actes terroristes. A Alger, ce fut tout particulièrement imposant: 3’000 hommes de toutes troupes, avec un bataillon de parachutistes en leur pittoresque uniforme, et un matériel formidable comprenant toute la gamme des armes, de la mitraillette aux plus gros des canons et des tanks. La foule applaudit avec plus d’enthousiasme qu’en d’autres occasions similaires. Il est vrai que l’application des soldats à faire du défilé une très belle parade – incités en cela par les récentes actions terroristes, qui animèrent aussi les spectateurs – provoqua le contentement de ces derniers.
Hélas! La criminalité collective ou individuelle, qui a déjà fait tant de victimes en Tunisie et au Maroc, est désormais déclenchée en Algérie. Il est même étonnant qu’elle surgisse avec un retard aussi considérable, après tout ce qui s’est passé dans les protectorats voisins. Etonnant aussi que ce soit sous un Ministère énergique et prêt à instaurer des réformes d’envergure souvent promises auparavant et fort mal tenues. Il semble bien que les organisateurs d’Alger, du Caire et de Moscou aient craint que la mise en application des réformes en question les privât pour longtemps de la chance d’arriver à leurs fins révolutionnaires.
Armée et police viendront-elles à bout de cette criminalité? Les dispositifs sont en place, les étaux se resserrent, les fellaghas seront, la plupart, exterminés ou capturés. L’ordre sera rétabli en grande partie, sauf complication extérieure. Néanmoins, il faut s’attendre à ce que le calme complet ne revienne pas avant qu’une solution d’entente ait pu être trouvée entre la France et les meneurs musulmans avides d’indépendance totale ou, pour le moins, de participation au pouvoir, d’ascension au pinacle de toutes les hiérarchies et d’amélioration accélérée des conditions économiques et sociales des masses indigènes.
La France, c’est à répéter une fois de plus, a fait en Algérie des efforts considérables pour l’équiper et la développer. Mais, il faut aussi le réitérer, elle est restée bien en retard sur le plan humain, en excipant de ses engagements de ne pas contrecarrer la religion, les mœurs et coutumes des Musulmans. Beaucoup trop d’illettrés, de chômeurs, de parias, de mendiants, de malades, de sans-métier, etc., constituent un fort pourcentage des masses fatalistes et fanatiques. Le salaire-horaire du manœuvre est actuellement de 91 ffrs.; le salaire de l’ouvrier agricole varie entre 300 et 406 ffrs par journée de besogne, du lever au coucher du soleil (avec une heure d’interruption), sans nourriture, sans logement et sans aucune autre indemnité patronale – sauf les allocations familiales et de sécurité sociale (maternité, chirurgie, invalidité, décès) versées par les Caisses de compensation. Plus d’un tiers des enfants ne peut être instruit, faute d’écoles suffisantes; l’apprentissage rationnel n’est pas organisé; le gourbi, les haillons, et la paresse aussi, il faut le dire, subsistent toujours sur une grande échelle. Aussi les sans-travail, les miséreux et les crève-la-faim sont-ils encore en nombre excessif, qui côtoient des fortunes nombreuses et parfois démesurément immenses. C’est pourquoi le problème général algérien – comme le problème nord-africain français – est réellement plus économique et social que politique. C’est pourquoi encore on ne pourra tuer complètement l’insurrection qui s’est déclenchée dans la nuit de la Toussaint sans que, pour l’anéantir, la France ajoute à la force punitive l’exécution immédiate des réformes audacieuses qu’elle a envisagée, sinon la régression économique, les grèves, les troubles et l’insécurité se multiplieront en Algérie – avec les aboiements et les agissements de dirigeants musulmans et communistes d’ailleurs.
L’Algérie, devenue jadis le prolongement de la Métropole par la création de trois départements préfectoraux – coiffés d’un énorme Gouvernement général – alors que ses habitants autochtones n’étaient que des «sujets» ou, beaucoup plus rarement, des «naturalisés» français, l’Algérie s’échappe pratiquement et de plus en plus de cette structure par les mesures d’autonomie en maints domaines qui lui furent successivement concédées depuis le début du siècle. Et c’est d’autant plus surprenant que le statut du 20 septembre 1947 reconnaît à chaque indigène algérien la nationalité française au même titre que le Métropolitain. Mais, en matière d’élections, les élus autochtones, dont les électeurs du 2 e collège sont considérablement plus nombreux que les Français d’ici, ne peuvent jamais dépasser le nombre d’élus européens en chaque conseil; très souvent, ce nombre est inférieur. D’ailleurs, le statut précité reconnaît aux mauresques le même droit de vote qu’aux Françaises; néanmoins, les femmes indigènes n’ont pas encore accès aux urnes.
A propos d’élections, il me paraît indiqué de signaler un fait récent, qui se renouvelle presque à l’occasion de chaque votation du 2 e collège, et qui témoigne de similitude entre les résultats hitlériens de naguère ou de dictatures communistes actuels et ceux des scrutins de ce 2 e collège. Dimanche 7 octobre, la région de Bir-Rabalou élisait un délégué à l’Assemblée Algérienne pour remplacer M. Laktar Brahimi, décédé. Inscrits: 20’210; votants: 16’222; exprimés: 16’216. C’est le fils du défunt, candidat administratif, qui l’emporta par 16’206 voix, contre 10 à son concurrent non persona grata auprès du Gouvernement général. Le bourrage des urnes n’est pas encore aboli, mais cela ne prouve pas que sans truquage l’élu n’eût pas été victorieux. Tout de même, le résultat et le système sont pitoyables pour ne pas dire plus. Naturellement, les électeurs intéressés crient à la fraude et au scandale. Et le temps arrange tout, sauf la méfiance et l’iniquité qui persistent…
Les événements du 1er novembre m’ont incité à examiner le problème de la protection de nos administrés qui se trouvent dans les régions plus ou moins isolées, parcourues ou frôlées par les insurgés, et celui de la défense du poste consulaire. J’ai demandé7 à mes deux collègues de Tunis et de Rabat de me faire connaître les mesures qu’ils avaient prises et les expériences faites à ce sujet.
MM. de Tschudi et Voirier m’ont répondu en substance8:
1) qu’ils ne sont pas partisans de l’organisation d’une défense armée du
Consulat, qui risquerait de provoquer et de renforcer les attaques des insurgés;
2) que l’armement des populations menacées est du domaine gouvernemental;
3) que la délivrance du port d’arme à des Suisses est à recommander par
le Consulat lorsque la moralité des requérants est favorablement connue
et que ou que les circonstances l’exigent;
4) que la question très délicate des lettres de protection est encore à l’étude
au Département politique.
Je me rallie aux conclusions de mes collègues quant aux trois premiers points, en me réservant d’y revenir après entretiens avec mes collègues d’Alger et le Cabinet gubernatorial.
En ce qui concerne les lettres de protection, il serait indiqué d’en posséder quelques dizaines d’exemplaires en textes français et arabe, quitte à ne les délivrer qu’à bon escient.
D’ailleurs, aucun de nos administrés ne paraît avoir été molesté, ni aucune propriété endommagée ou pillée; aucun d’eux ne nous a écrit pour se plaindre. Au demeurant, ceux qui sont fixés dans les contrées et montagnes menacées sont peu nombreux. Maintenant que nous possédons des données un peu plus précises sur les théâtres d’opération, je fais établir une liste des compatriotes exposés et je vous en reparlerai après avoir pris contact avec eux.
- 1
- Rapport: E 2200.41(-)-/39/10.↩
- 2
- Non reproduit.↩
- 4
- Lire: faisant fonction.↩
- 5
- Non retrouvées.↩
- 6
- J. Vaujour.↩
- 7
- Cf. la lettre de J. Arber à C. A. de Tschudi et à H. Voirier du 4 novembre 1954, E 2200.73 (-)1977/80/1.↩
- 8
- Cf. les lettres de C. A. de Tschudi et de H. Voirier du 10 novembre 1954 à J. Arber, ibid.↩