Bericht über verschiedene Schweizer Investitionsprojekte in Venezuela und die Affäre der Emeg AG. Informationen über die Zusammensetzung der neuen Regierung Venezuelas. Der Direktor der Schweizer Rückversicherungsgesellschaft informiert über möglichen Wahlbetrug bei den Präsidentschaftswahlen vom Herbst 1952.
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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 19, doc. 61
volume linkZürich/Locarno/Genève 2003
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E7110#1967/32#46171* | |
Old classification | CH-BAR E 7110(-)1967/32 1721 | |
Dossier title | Ausschreibungen (1953–1953) | |
File reference archive | 872.1 • Additional component: Venezuela |
dodis.ch/9385
J’ai l’honneur d’accuser réception de votre lettre du 28 avril2 par laquelle vous m’avez mis au courant d’une démarche de M. Robert Greif de l’Emeg SA à Zurich, concernant la participation éventuelle de l’industrie suisse aux nouveaux projets de développement au Venezuela. Vous me demandez de vous renseigner d’une part sur la nature des projets dont M. Greif vous a entretenu et, d’autre part, sur la situation politique au Venezuela qui pourrait avoir une influence sur la réalisation de ces projets.
Les principaux projets d’industrialisation au Venezuela qui peuvent intéresser l’industrie suisse sont les suivants:
1. Le projet d’une industrie sidérurgique basée sur l’exploitation des importantes mines de fer situées au sud du fleuve Orénoque, de chaque côté de son affluent Caroni. Il vous est connu par les divers rapports que je vous ai adressés à ce sujet3, notamment ceux concernant les voyages au Venezuela du Professeur Robert Durrer, directeur général des Usines von Roll à Gerlafingen qui a été consulté à plusieurs reprises par le Syndicat du fer vénézuélien.
2. Le plan d’électrification. La production d’électricité ne suffisant pas pour les besoins du pays, le Venezuela s’efforce depuis de nombreuses années de mettre en valeur les grandes ressources hydrauliques du pays. Plusieurs nouvelles usines hydro-électriques ont été projetées ces dernières années, dont celle de la rivière Uribante dans les Andes vénézuéliennes, à laquelle s’est intéressée particulièrement la Compagnie des grands travaux de Marseille. Afin de mettre au point ce projet, un expert suisse, le Professeur Stucki, directeur de l’Ecole polytechnique de l’Université de Lausanne, a été consulté.
Le plus important projet d’électrification dont la «Corporación venezolana de Fomento», entité autonome gouvernementale, s’est occupée, est celui du Caroni, affluent de l’Orénoque dont diverses chutes offrent des possibilités presque illimitées de production d’énergie électrique (voir les rapports de la Légation des 3 novembre4 et 19 décembre 19505). Le plan de la création d’une grande usine électrique dans cette région se trouve en étroite liaison avec les projets de l’établissement d’une industrie sidérurgique et d’une industrie d’aluminium. La mise au point de ce projet de grande envergure n’a guère fait de progrès depuis deux ans. D’autre part, la construction de lignes de transmission à grandes distances destinées à relier entre elles les différentes centrales électriques existantes et futures du Venezuela est un problème qui n’a pas encore été résolu.
3. Les chemins de fer. Le réseau ferroviaire actuel du Venezuela est extrêmement limité et les lignes existantes sont délabrées et ne répondent plus aux exigences de nos jours. Quelques voies de chemin de fer, notamment celles entre Caracas et Valencia et entre Valencia et Puerto-Cabello, sont en voie d’être modernisées. Un plan d’extension des chemins de fer a été établi, mais n’a pas encore été étudié en détail. Etant donné les grandes distances à couvrir et la structure accidentée du terrain, l’établissement d’une ligne de chemin de fer reliant les principaux centres économiques du Venezuela exigerait un capital extrêmement important. Le rendement d’une nouvelle ligne n’étant nullement assuré, la réalisation de ce projet reste problématique. Ajoutons que la compagnie Schindler et la fabrique de wagons Schlieren s’intéresseraient à la livraison de matériel de chemins de fer et ont pris contact avec les autorités vénézuéliennes par l’entremise de leurs représentants à Caracas.
Ces trois grands projets de développement sont de nature à rendre indispensable la collaboration et les conseils techniques d’industries étrangères. Quant à leur financement, il serait d’une envergure nécessitant le recours aux marchés de capitaux étrangers, bien que le gouvernement vénézuélien soit disposé à faire de grands apports et que le capital privé du pays y participerait.
Attitude du gouvernement vénézuélien
Le gouvernement vénézuélien appuie par principe dans la mesure du possible toute initiative tendant à renforcer le potentiel industriel du pays. Le Président constitutionnel, le Colonel Marcos Perez Jimenez, récemment installé6, a déclaré dans son discours inaugural, qu’il compte vouer son attention toute particulière aux projets précités. Il est connu qu’il s’intéresse vivement aux projets d’industrialisation et qu’il a l’intention d’accroître le plus rapidement possible la puissance économique du pays. Le gouvernement ayant un caractère autoritaire, la Présidence aura le mot décisif à dire dans tous les projets aussi bien lorsque leur réalisation est proposée par l’un ou l’autre des Ministères, que ceux qui seront réalisés par l’industrie privée.
Méthodes de réalisation
Il existe en ce moment une controverse en ce qui concerne les méthodes de réaliser l’industrie sidérurgique. Tandis que la première initiative avait été prise par une institution gouvernementale, la «Corporación venezolana de Fomento», celle-ci abandonna ses projets après une étude superficielle. Depuis une année environ des industriels privés se sont activement occupés de la question et ont formé un Syndicat vénézuélien du fer qui met actuellement au point des projets en collaboration avec un expert suisse7. Entre-temps, le Ministère pour l’industrie et le commerce, ainsi que celui des mines, ont repris de leur côté les études dans ce domaine. Il existe dès lors actuellement une concurrence entre l’initiative gouvernementale et l’industrie privée et il est à prévoir que la solution devrait être trouvée dans la formation d’une corporation mixte dans laquelle l’industrie privée conserverait l’initiative et travaillerait avec un fort appui du gouvernement. En ce qui concerne les projets d’électrification et des chemins de fer, c’est nettement l’initiative gouvernementale qui domine et il est probable que l’un ou l’autre de ces projets soit exécuté par des instituts officiels autonomes auxquels le gouvernement accorderait certains privilèges.
Pour ce qui est de la collaboration des industries étrangères dans la réalisation de ces projets de développement, il paraîtrait que le moment actuel soit particulièrement propice pour s’assurer une participation. Le nouveau gouvernement vénézuélien étant maintenant installé pour cinq ans, il est à prévoir que l’étude de ces projets va être poussée. Les industries étrangères qui réussiront à prendre part au stade initial des études et à faire examiner dès le début leurs projets et suggestions auront le plus de possibilités d’obtenir plus tard des contrats importants.
Reconnaissant ces possibilités, plusieurs gouvernements ont envoyé récemment des missions au Venezuela. Les Américains s’intéressent aux trois projets. Une des grandes aciéries américaines, la US Steel Corporation, cherche à être appelée par le Venezuela dans le but d’y établir une industrie sidérurgique. Par ma lettre du 25 février dernier8, je vous ai mis au courant de la récente visite au Venezuela du Président de cette compagnie9.
D’autres pays, comme par exemple la France, s’intéressent également à ce projet; je me réfère à ce sujet à ma lettre concernant la visite ces derniers jours du Président de la Banque franco-italienne pour l’Amérique du Sud, M. Burnier (qui est d’ailleurs Suisse), qui, dans des entretiens avec plusieurs ministres d’Etat, a offert au Venezuela l’aide financière et technique de la France. L’Allemagne de son côté envoie fréquemment des experts au Venezuela, afin d’étudier sous ses divers angles l’établissement de nouvelles industries dans ce pays.
Négociations avec le gouvernement vénézuélien –
le rôle d’un intermédiaire:
Comme j’ai eu l’occasion de vous l’exposer lors de la conclusion du contrat des téléphones par la maison Emeg SA avec le gouvernement vénézuélien, le rôle de cette maison consistait notamment dans la coordination des divers intérêts (suisses, allemands et vénézuéliens) et dans la conduite des négociations en leur nom dans le but de la réalisation du projet dans son ensemble10. Je ne vous ai pas caché que les représentants permanents des industries suisses au Venezuela (comme aussi ailleurs) n’aiment pas les intermédiaires et préfèrent des négociations individuelles qui se limitent aux livraisons de leur propre usine. Il est vrai cependant que le contrat des téléphones n’aurait pas été obtenu en partie par l’industrie suisse, sans l’intervention tenace d’un négociateur habile11 qui à réussi à coordonner les propositions de plusieurs intéressés et à élaborer un plan complet de développement dans ce domaine, agissant quasi comme conseiller technique et économique du gouvernement vénézuélien.
L’exclusion de l’intermédiaire exigerait de l’industrie suisse qu’elle se charge elle-même des négociations et de l’élaboration des projets de développement et de la coordination des différents intérêts suisses. Je n’ai pas besoin de souligner qu’il serait d’une extrême importance que la Suisse présente, le cas échéant, des propositions uniques, que la concurrence entre plusieurs maisons soit évitée par une entente préalable entre les fabricants et que les banques suisses appuient dès le début le projet de développement auquel l’industrie de notre pays compte participer.
Collaboration Suisse-Allemagne dans le domaine économique
La collaboration avec l’Allemagne dans la question de la modernisation et de l’extension du réseau téléphonique du Venezuela provient du fait que l’Albiswerk à Zurich est étroitement liée à la maison allemande Siemens-Halske. Durant les négociations, les intérêts suisses occupaient le premier plan, mais l’exécution du contrat sera partagée entre les industries suisses, allemandes et vénézuéliennes. J’ignore dans quelle mesure l’Allemagne contribuera au financement de ce contrat; j’ai l’impression que l’Emeg AG compte plutôt sur les banques suisses pour ouvrir les crédits nécessaires à sa réalisation.
Il est difficile d’apprécier les possibilités d’une collaboration germanosuisse dans les projets de la création d’une industrie sidérurgique et de l’électrification. J’hésiterais à me prononcer à ce sujet, car il s’agit dans ce domaine avant tout d’une entente entre les intérêts privés et une répartition équitable du rôle que chacun d’eux devrait jouer.
La situation politique au Venezuela
Par une série de rapports confidentiels12, j’ai tenu le Département politique au courant de la récente évolution de la situation politique au Venezuela. Fréquemment des considérations d’ordre économique ont été mentionnées dans ces rapports, car la situation de l’industrie du pétrole et les relations commerciales avec les Etats-Unis d’Amérique jouent le rôle décisif dans la politique extérieure du pays. Je me demande s’il ne serait pas possible que le Département politique mette à votre disposition, à titre d’information, les rapports de la Légation qui vous permettraient d’apprécier la situation politique au Venezuela, afin de juger de la stabilité du régime et de la prospérité économique dont jouit actuellement le pays13.
Vous mentionnez une information qui vous a été communiquée par M. Plinio Pessina, directeur de la Compagnie suisse de réassurances au sujet de la situation intérieure au Venezuela, dans laquelle il était question d’un «redressement du résultat favorable à la tendance nationaliste des élections présidentielles de l’automne dernier»14. Il m’intéresserait de prendre connaissance de ce rapport et je vous serais obligé dès lors de bien vouloir m’en faire parvenir le texte15.
Comme vous le savez, le Venezuela est gouverné depuis quatre ans et demi par un régime militaire qui, grâce à l’absence de tout problème monétaire, est à même de poursuivre une politique économique libérale. En favorisant l’industrialisation du pays dans la mesure du possible, le gouvernement souligne à toutes occasions, les garanties qu’il accorde au capital étranger investi au Venezuela. Cependant, la méthode américaine de placer des capitaux au Venezuela et de rapatrier presqu’entièrement les bénéfices, a souvent suscité des critiques. Le gouvernement cherche dernièrement à attirer de nouvelles industries d’Europe, les autorités favorisant les efforts d’industries européennes tendant à établir des succursales au Venezuela et encourageant l’entrée des capitaux non-américains pour participer aux grands travaux de développement. Le climat pour les investissements européens au Venezuela est dès lors actuellement des plus favorables.
Quant à la stabilité du régime politique du pays, il est difficile de faire des pronostics. Cependant, les tentatives de changer la politique économique dans un sens nationaliste avec tendance vers la gauche ont jusqu’à présent toujours échoué et il est à supposer que le gouvernement au pouvoir veillera sur la stabilité économique du pays et sur la réputation de solidité dont il jouit actuellement à l’étranger. Le Président Pérez Jiménez, dont l’installation comme chef d’Etat constitutionnel a eu lieu le 19 avril 1953 a été reconnu sans hésitation dès son avènement provisoire au mois d’octobre 1952 par le Gouvernement de Washington qui considère le régime actuel au Venezuela comme le gouvernement fournissant les meilleures garanties pour une continuité du régime16, pour la sauvegarde de leurs investissements, pour le maintien des tendances libérales économiques et pour la lutte contre le communisme.
- 1
- Lettre: E 7110(-)1967/ 32/1721.↩
- 2
- Cf. la lettre de P.- H. Aubaret à W. Fuchss du 28 avril 1953, non reproduite.↩
- 3
- Cf. notamment la lettre de W. Fuchss à J. Hotz du 11 novembre 1952 et la lettre de W. Fuchss à J. Hotz du 26 mars 1953, non reproduites.↩
- 6
- Sur la nomination de M. Perez Jimenez, cf. le rapport politique No 8 de W. Fuchss à M. Petitpierre du 20 avril 1953, E 2300(-)-/9001/114.↩
- 7
- H. Gallusser. Sur la constitution du Syndicat du fer vénézuélien, cf. la lettre de W. Fuchss à J. Hotz du 26 mars 1953, non reproduite.↩
- 9
- B. Fairless.↩
- 10
- Cf. DDS, vol. 19, doc. 55.↩
- 12
- Cf. E 2300(-)-/9001/113.↩
- 13
- Annotation dans le texte original: nous les recevons.↩
- 14
- Cf. note 1.↩
- 15
- Dans sa réponse, la Division du commerce donne les précisions suivantes: En ce qui concerne les déclarations de M. Pessina au sujet des dernières élections présidentielles, il convient de relever que nous n’avons pas de rapport écrit. M. Pessina nous a donné quelques informations verbales au cours d’une conversation plutôt générale sur divers pays d’Amérique latine. Cf. la lettre de P.- H. Aubaret à W. Fuchss du 23 juin 1953, non reproduite.↩
- 16
- Annotation dans le texte original: et pour cause!↩