Die Leiter der CADE und der Compagnia Italo-Argentina de Electricidad machen sich über die Annahme einer Gesetzesverordnung durch die argentinische Regierung Sorgen. Diese Verordnung würde die Schweizer Interessen in Argentinien stark beeinträchtigen. Die Situation wird vom Schweizer Gesandten sehr ernst genommen, denn er befürchtet eine Verstaatlichung der Elektrizitätsunternehmen.
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 19, doc. 76
volume linkZürich/Locarno/Genève 2003
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2200.60-02#1968/231#107* | |
Old classification | CH-BAR E 2200.60-02(-)1968/231 10 | |
Dossier title | Transferts financiers et transferts de capitaux (affidavits) (1948–1953) | |
File reference archive | H.82.2 |
dodis.ch/9066 Le Ministre de Suisse à Buenos Aires, M. Fumasoli, au Chef de la Division des Affaires politiques du Département politique, A. Zehnder1 CAPITAUX SUISSES EN ARGENTINE. TRANSFERTS FINANCIERS
Il me paraît utile de vous informer de ce qui suit.
Je viens de rencontrer les dirigeants de la CADE2, en particulier M. Brosens, ancien directeur général à Buenos Aires et actuellement remplaçant de M. Heinemann à Bruxelles. Ces messieurs sont extrêmement préoccupés à cause de certaines intentions qu’ils croient pouvoir attribuer au Gouvernement argentin et qui se traduiraient dans une très grave menace pour les capitaux étrangers placés en Argentine antérieurement à la Loi n o 14222 du 26 août dernier. M. Brosens serait même venu exprès de Bruxelles pour entretenir le président argentin de cette affaire. Il a reçu quelques indications dans le sens que les Autorités argentines – afin de «régler» une fois pour toutes la question relative aux anciens capitaux étrangers dans le pays – étudieraient la mise en vigueur d’une disposition qui consisterait à dire: depuis de très longues années, les capitalistes étrangers ont reçu de gros dividendes sur les capitaux qu’ils ont placés en Argentine. Or, la rémunération normale et juste du capital ne doit pas dépasser le 8%. Dans ces conditions nous considérons que les pourcentages transférés à l’étranger au-delà du 8%, doivent être considérés comme amortissements, autrement dit comme des remboursements des capitaux eux-mêmes. Il en résulte que si une entreprise étrangère avait placé en Argentine, par exemple, une somme de cent millions de francs sur lesquels elle a transféré des dividendes dépassant le 8%, l’Argentine considérera que la somme constituée par le dépassement représente un rapatriement du capital. Pour la C. A. D. E., par exemple, la mise en vigueur d’une telle disposition équivaudrait – d’après les dirigeants avec lesquels je viens de m’entretenir – à la suppression pour l’avenir de tout droit de transfert d’intérêts et de dividendes. En effet, mes interlocuteurs m’ont exposé que pendant plusieurs années ils ont transféré des dividendes de 14 et 16% de sorte que le dépassement en prenant comme base le 8%, représente probablement le total du capital placé en Argentine. Tel étant le cas, l’Argentine ne reconnaîtrait plus à la CADE qu’un capital complètement nationalisé, en pesos argentins, sans droit de transfert. D’autres compagnies étrangères se trouveraient dans un cas analogue. Mes informateurs – qui ont d’ailleurs exposé leur crainte aux dirigeants du Crédit Suisse au cours d’une réunion qui a eu lieu récemment à Bruxelles – n’ont évidemment pas la certitude que les Argentins entendent réellement appliquer une pareille disposition, mais ils craignent fortement qu’une telle mesure soit à l’étude. M. Brosens a donc intérêt à faire savoir dès maintenant au Président Perón et aux ministres du Cabinet intéressés aux questions financières, qu’une telle mesure produirait un effet on ne peut plus désastreux à l’étranger. Il ne désespère pas d’arrêter la mesure si elle était réellement à l’étude. Il voudrait que tous ceux qui sont intéressés à cette question – et nous en particulier – prennent la même position. La CADE a également mis sur le qui-vive les dirigeants de la Compagnie Italo-Argentina de Electricidad dont le président, M. Carosio, qui est venu me voir hier, ne m’a d’ailleurs pas soufflé mot. La CADE craint que cette mesure, si elle était prise, ne jouerait que contre les compagnies assurant des services publics. Dans ce cas et vu que les chemins de fer, le gaz, les téléphones, ont déjà été nationalisés, il n’y aurait pratiquement que les compagnies d’électricité qui seraient frappées.
Il va sans dire que lorsque je verrai soit le ministre Gomez Morales, soit le ministre des Affaires étrangères3, je ne manquerai pas de souligner vis-à-vis d’eux l’intérêt qu’a le Gouvernement argentin à démentir des bruits aussi dangereux pour son prestige. Je ferai naturellement semblant de ne même pas douter un instant qu’il puisse songer à mettre en vigueur une disposition aussi injuste et aussi grave pour lui en relation avec ses besoins de capitaux à l’avenir.
Bien que les craintes dont la CADE vient de me faire part paraissent à première vue absurdes, on peut malheureusement s’attendre à tout du Gouvernement de la «nouvelle Argentine». Trois faits me font craindre le pire dans le domaine qui nous intéresse ici: 1. L’article 8 de la Loi du 26 août 1953 dont le texte vous a été remis4 stipule: «Les bénéfices dont le transfert n’aurait pas été demandé – malgré les dispositions de l’article 6 –, ceux qui n’auraient pas été capitalisés et inscrits comme capitaux étrangers, de même que tous les revenus dépassant le pourcentage cité, seront considérés comme non étrangers et ne pourront être transférés en aucun cas.» Il peut paraître facile à des hommes comme ceux avec lesquels nous avons à faire, de trouver que la disposition que nous craignons – si jamais ils pensaient réellement à la mettre en vigueur – ne fait qu’appliquer aux anciens capitaux le régime prévu pour les nouveaux. Ils demeureront imperméables à l’argumentation juridique très précise que nous ferions valoir, le cas échéant contre une telle attitude. 2. En dépit des promesses formelles que le Président Perón a faites l’année dernière à M. Carosio en présence de l’Ambassadeur d’Italie5 et même du Conseil économique, il n’a jamais autorisé l’augmentation des tarifs: vous savez qu’il s’agit là d’un problème fondamental et je ne m’y arrête pas. Ce fait important et grave m’incline à penser que le Président a réellement quelque chose derrière la tête en ce qui concerne les gros capitaux des compagnies d’électricité: il ne peut pas les exproprier parce qu’il n’a pas les devises pour les payer, mais s’il arrivait par une mesure que je suis tenté d’appeler satanique à leur attribuer uniquement un capital exclusivement en pesos sans droit de rapatriement (le rapatriement aurait déjà eu lieu par les dépassements dans les transferts de dividendes) la spoliation serait évidemment facile. 3. La Presse de ce matin annonce que la Banque centrale entreprend le recensement de tous les capitaux étrangers entrés dans le pays avant le 26 août dernier. Il est vrai que cette disposition découle du règlement de la Loi du 26 août, mais néanmoins l’enquête qu’on vient de nous annoncer ne semble à personne de bon augure.
Cette lettre ne veut pas être un cri d’alarme. Je me borne à vous informer de craintes qui préoccupent très vivement des personnages sérieux. Le Crédit Suisse, comme déjà dit, est au courant. Je ne crois pas qu’il y ait lieu de mettre au courant de ce qui précède l’Associationsuisse des banquiers, par exemple, qui risquerait d’en faire un drame avant que cela soit nécessaire. Il suffit pour le moment que nos Autorités soient à connaissance de cette question et qu’elles jugent elles-mêmes de l’opportunité de faire part au Conseiller commercial Remorino de l’opportunité pour le Gouvernement argentin de démentir des bruits «qui sont sans doute faux, mais qui lui font tant de tort». Il est fort possible que des avertissements venant de plusieurs endroits à la fois, soient de nature à retenir les Autorités argentines de commettre une grave erreur et, pour nous une insupportable injustice.
Je vous tiendrai au courant du développement de cette question.
P. S. 18. XI. 53. – Je viens d’avoir sur la question exposée ci-dessus un long entretien avec notre compatriote Paul Kilcher de la Société Générale6 et membre du conseil d’administration de la Compagnie Italo-Argentina de Electricidad. M. Kilcher m’a affirmé que d’après lui, le Gouvernement argentin n’a aucune intention de mettre en vigueur la disposition que craignent les dirigeants de la CADE; que les prescriptions parues hier au sujet du recensement des capitaux n’ont pour but que de mettre le Gouvernement parfaitement au courant des fonds en devises dont il aurait besoin pour reprendre les services financiers des capitaux anciens; le Gouvernement argentin agit avec une parfaite honnêteté et bonne foi dans toute cette affaire concernant les capitaux. Je laisse à M. Kilcher la responsabilité de ces déclarations à mon avis beaucoup trop positives. Il m’a aussi affirmé que la «Italo» n’a jamais transféré des dividendes et intérêts dépassant le 8% de sorte que – même si le pire était à craindre – elle ne serait pas frappée. – Je continue à suivre cette affaire avec la plus grande attention.
- 1
- Lettre (Copie): E 2200.60(-)1968/231/10.↩
- 3
- J. Remorino.↩
- 4
- Cf. la lettre d’A. Dominicé à J. Hotz du 31 août 1953, E 2001(E)1969/121/352.↩
- 5
- G. Arpesani.↩
- 6
- Société générale pour l’industrie électrique.↩
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