Classement thématique série 1848–1945:
V. POLITIQUE MILITAIRE
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 15, doc. 283
volume linkBern 1992
Plus… |▼▶Emplacement
Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E5795#1000/951#339* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 5795(-)1000/951 76 | |
Titre du dossier | Schweizerische und ausländische Militärattachés und Militärmissionen (1945–1945) | |
Référence archives | 1.D.06.b |
dodis.ch/47887
A l’issue d’un déjeuner le 4 novembre au Q.G. du premier C.A., l’auteur de la présente Note a eu l’occasion de dire au général Béthouard que, se rendant en Suisse pour quelques jours, il se mettait volontiers à sa disposition s’il pouvait se charger d’un message quelconque ou d’une démarche propre à rendre service à l’armée française en opérations et conciliable, bien entendu, avec ses propres devoirs vis-à-vis de la Suisse, état neutre.
Après quelques instants de réflexion, le général a manifesté le désir que les autorités militaires helvétiques soient mises au courant de son vif désir personnel d’entretenir avec elles les relations les plus attentives et les plus courtoises. Il a vivement regretté de ne pouvoir, récemment, par suite d’une obligation de service urgente résultant d’un appel du général d’Armée de Lattre de Tassigny prendre contact personnellement, à la frontière avec M. le Colonel commandant de Corps Borel, qu’il aurait été heureux de saluer et à qui il a envoyé en liaison, pour le suppléer et l’excuser, son chef d’Etat-Major, le général Chevillon.
Le général Béthouart se préoccupe de l’incidence que les opérations appelées à être engagées entre les troupes du Ier C.A. et celles de l’ennemi à la frontière franco-suisse sont susceptibles d’avoir, dans des conditions malaisément évitables, sur le sol de la Confédération helvétique. Il serait heureux que des mesures fussent prises par le commandement de l’Armée Suisse, dans le dessein de limiter autant que possible tous les risques d’erreur. Ces derniers peuvent être accrus, dans une certaine mesure, par le fait que, du côté français, une partie des troupes est constituée par des formations indigènes venues d’Afrique, à qui les données de la Mosaïque européenne sont peu familières, et, d’autre part, par le fait que les troupes assurant la couverture du sol helvétique sont équipées d’uniformes dont la teinte rappelle celle des tenues de l’armée allemande et, souvent, ont été recrutées dans les cantons de Suisse alémanique où l’on parle un dialecte que des soldats français peuvent - inexactement mais non sans excuse - apparenter avec la langue allemande.
Aussi, le commandant du Ier C.A. français estime-t-il qu’il serait d’un réel intérêt que le commandement de l’Armée Suisse prenne le plus tôt possible, afin de limiter les risques d’incidents ou d’erreurs, des dispositions en vue de multiplier tout le long de la frontière du Jura, et jusqu’à celle du Rhin, les signes apparents permettant de situer le territoire helvétique. Il pense que la meilleure solution serait d’édifier partout de larges pancartes ne comportant que la croix fédérale, mais celle-ci très visible et apparente. Un tel travail, pour ne susciter aucune observation de part ou d’autre des adversaires qui bordent la frontière suisse devrait nécessairement être accompli en dépassant assez largement la zone immédiate des combats actuels, et prévoir l’hypothèse de mouvements offensifs déclenchés le long de la frontière par l’une ou l’autre des deux armées adverses.
Dans le même esprit, le général Béthouart s’est attaché à doter le commandement des unités sous ses ordres de tableaux illustrés des uniformes de l’armée suisse, afin de familiariser le plus possible les cadres avec leurs aspects visuels et de prévenir autant que possible toute méprise.
Il pense que, au moment du déclenchement des opérations massives que postulent les intentions offensives de la Ire armée française, il pourrait être sage de mettre à l’abri, à l’arrière de la frontière, sinon toute la population, tout au moins les enfants des villages suisses qui bordent le futur terrain des combats, car il pourra être très difficile, dans l’état actuel du matériel moderne, de la guerre motorisée, du combat aérien, et même des actions d’infanterie, de préserver en permanence la totalité du territoire suisse de toute «éclaboussure».
A titre d’exemple de cette difficulté, le général a signalé que tout récemment, par suite d’une erreur purement matérielle, une colonne française montant en ligne sur territoire français a été mitraillée par l’aviation française, et a subi des pertes évidemment très involontaires. On ne saurait donc prendre trop de précautions, du côté suisse, pour mettre les populations civiles à l’abri du danger lorsqu’une des deux parties adverses décidera de déclencher des opérations importantes dans le secteur mitoyen de la frontière.
Dans un sentiment de haute courtoisie à l’égard du Commandement de l’Armée Suisse, le général Béthouart se propose de faire déposer à la frontière, par un officier de son Etat-Major, à l’heure même du commencement d’opérations importantes, un message prévenant les autorités suisses du déclenchement de ces dernières.
L’auteur de la présente Note a donné l’assurance à son interlocuteur que ces communications seraient faites, dès le 6 novembre, sous la forme la plus confidentielle, aux autorités militaires suisses qualifiées3.
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