dodis.ch/47731 Le Chef de la Division des Affaires étrangères du Département politique,
P. Bonna, à l’Officier de liaison du Commissariat à l’Internement et à l’Hospitalisation,
R. Chauvet1
J’ai eu l’honneur de recevoir la note2 confidentielle par laquelle vous avez bien voulu me confirmer notre conversation du 5 mai concernant le désir manifesté par les prisonniers de guerre évadés russes de quitter la Suisse pour gagner le maquis dans la direction du sud-est. Je vous en remercie très vivement.
J’ai eu l’occasion de m’entretenir de cette question directement avec mon Chef et nous sommes arrivés aux conclusions suivantes:
1° Aux termes de l’article 13 de la Convention de La Haye de 1907 sur les droits et les devoirs des neutres en temps de guerre, les prisonniers de guerre évadés sont libres de quitter notre territoire. Il n’y a, par conséquent, aucune mesure à prendre pour empêcher les prisonniers de guerre évadés russes auxquels nous avons assigné une résidence de quitter notre pays s’ils le désirent, à la condition, bien entendu, que ces départs ne portent pas atteinte à la discipline des camps.
2° Nous n’avons, en revanche, ni le devoir, ni même le droit de favoriser ces départs. Nous devons, au contraire, nous garder de tout acte qui pourrait nous être reproché comme une connivence avec les prisonniers de guerre évadés qui désirent reprendre les armes contre la puissance qui les avait capturés.
Il ne peut donc être question, à notre avis, ni de conduire nous-mêmes à la frontière les soldats russes dont il s’agit, par petits groupes ou autrement, ni de leur procurer des cantonnements dans les régions dont il leur serait facile de gagner l’étranger en échappant à la surveillance des troupes allemandes qui occupent les régions limitrophes de notre pays.
Une seule attitude paraît possible: celle qui consiste à répondre aux soldats russes qui désireraient s’en aller qu’ils sont libres de le faire, mais qu’ils ne peuvent compter sur aucune espèce d’aide de notre part, même pas celle qui consisterait à adapter à leur désir de départ la discipline des camps, mais que, s’ils quittent notre pays pendant les congés qui leur sont périodiquement accordés, nous ne ferons rien pour les en empêcher.