dodis.ch/47628
Le Chef du Service des Intérêts étrangers de la Légation de Suisse à
Vichy, J.-D.
de Montenach, au Chef de la Division des Intérêts étrangers du Département politique, A. de
Pury1
Confidentielle
Vichy, 18 octobre 1943
Par une lettre B. 100.18, en date du 17 septembre 2,
nous eûmes l’honneur de vous faire part de l’aggravation de la situation des Israélites de différentes nationalités, dans la partie de la France où s’exercent nos attributions, notamment dans la région sud-est où l’occupation allemande fut récemment substituée à l’occupation italienne. D’autres données complémentaires sur le même sujet vous furent transmises par nos lettres3 plus générales, B. 100.6, en date des 21 septembre, 1er, 6 et 13 octobre 1943, dans lesquelles il est fait, entre autres, allusion aux mesures prises contre des Israélites de nationalité britannique, américaine, etc.
A l’appui de ces premières informations, nous croyons devoir vous faire tenir, ci-joint, la copie d’une lettre4 AM/of, en date du 7 octobre, que M. le Consul de Suisse à Nice nous a adressée à la suite de la visite de M. Manz sur la Côte d’Azur.
Dans cette région, comme vous le savez, était demeuré un très grand nombre d’Israélites, notamment d’Israélites riches, qui s’étaient en quelque sorte placés sous la protection des Autorités d’occupation italiennes, et entretenaient avec elles les meilleurs rapports.
Depuis l’intervention des troupes allemandes, la situation s’est très sensiblement aggravée, sauf dans la Principauté de Monaco où, comme nous vous l’expliquâmes, les Autorités d’occupation observent une attitude particulière.
Il nous est extrêmement difficile, presqu’impossible d’intervenir pour protéger les Israélites, ressortissants de pays dont nous assumons la représentation, contre des mesures de rigueur et de spoliation d’un caractère aussi général.
En présence du cas particulier de Mme Fould, cité par M. Manz, nous avons tenté une intervention auprès du Ministère des Affaires Etrangères, mais sans beaucoup d’espoir d’aboutir.
D’autre part, nous avons informé le Consulat de Suisse à Paris du transfert vraisemblable de Mme Fould dans l’un des camps de la zone nord. Aussi bien Mme Fould ne saurait-elle manquer d’assistance, car elle a une nombreuse parenté en France, même dans les milieux dits aryens.
Par contre, il est un très grand nombre d’Israélites, moins favorisés de la fortune, qui sont actuellement pourchassés. Nous pensons que les Autorités allemandes entendent éliminer le plus grand nombre d’Israélites de certaines zones, importantes du point de vue militaire, notamment le littoral et la région des Alpes.
Ces renseignements vous sont transmis pour votre information, et nous y ajouterons dans la mesure du possible. Faute de disposer d’agents qualifiés sur place, il nous est difficile à M. le Consul de Suisse, replié à Grenoble et à moimême, de nous faire, au jour le jour, une idée de l’évolution de la situation sur la Côte d’Azur.
Toutefois, les renseignements qui figurent dans cette lettre et qui l’accompagnent, sont de nature à vous permettre d’apprécier le sérieux d’une situation à laquelle il est impossible de remédier.