Classement thématique série 1848–1945:
2. RELATIONS BILATÈRALES
2.23. UNION SOVIÉTIQUE
Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 14, Dok. 361
volume linkBern 1997
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Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E2001D#1000/1558#12* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 2001(D)1000/1558 2 | |
Dossiertitel | Frage der Wiederaufnahme der diplomatischen Beziehungen zu Russland (Verhandlungen 1944) (1943–1945) | |
Aktenzeichen Archiv | B.15 • Zusatzkomponente: Russland: Anerkennung Sowjet-Russlands |
dodis.ch/47547
Par lettre du 3 mars dernier, No 0 9 22
2 demeurée jusqu’à ce jour sans réponse, j’avais eu l’honneur de soumettre à la Division des Affaires étrangères, au sujet des relations futures entre la Suisse et l’URSS, quelques réflexions inspirées de l’exposé que vous aviez fait sur ce problème aux commissions parlementaires dites «des pouvoirs extraordinaires»3.
J’y exprimais l’avis que, la reprise des relations diplomatiques avec Moscou dès la fin de la guerre étant décidée en principe, il serait bon d’y préparer l’opinion, afin d’éviter que, le moment venu, la détermination du Conseil fédéral provoque une émotion trop vive ou qu’elle soit interprétée par les uns comme une victoire et par les autres comme une défaite sur le plan idéologique.
La dissolution du comité directeur de la IIIe Internationale me semble fournir aux travaux d’approche dont j’esquissais le programme un point de départ favorable.
Depuis plusieurs années déjà, la plupart des observateurs qui suivaient avec attention l’évolution politique de l’URSS avaient constaté que la ligne de conduite adoptée par le gouvernement des Soviets ne se confondait plus avec celle du «Komintern». Cette divergence s’est encore accentuée à partir du moment où le IIIe Reich attaqua la Russie.
Aujourd’hui, la situation est claire: il ne s’agit plus seulement d’un divorce, que d’aucuns s’obstinaient à nier, entre le conseil des commissaires du peuple et la direction de la IIIe Internationale, mais l’un des deux associés d’autrefois disparaît. Quels que soient les mobiles auxquels ont obéi les hommes qui en ont ainsi décidé, il paraît difficile de ne pas reconnaître que leur résolution prive de sa raison d’être le pacte dit «Anti-Komintern». Et ce n’est sans doute point par hasard que la décision prise a été rendue publique au moment même où séjournait à Moscou l’envoyé personnel du président Roosevelt.
Si l’on objecte que cette décision, dictée par des considérations opportunistes, manque de sincérité, il y a lieu de répondre que l’avenir ne tardera pas à nous renseigner sur ce point. Au surplus, même en admettant que Moscou pèche contre la «pureté d’intention», au sens évangélique du terme, il n’est guère vraisemblable qu’un engagement solennel, souscrit envers des puissances comme l’Empire britannique et la République américaine, demeure sans influence sur la suite des événements et, en particulier, sur les conditions de la paix future. On peut présumer, à tout le moins, qu’il ne permettra pas à l’URSS, même si elle le voulait, de reprendre la politique de Lénine et de Trotzky. Les récentes déclarations de Staline sont très nettes sur ce point. Par ailleurs, les succès remportés par les démocraties occidentales dans la campagne d’Afrique et dans l’offensive aérienne contre la forteresse européenne rétablissent à leur profit l’équilibre4 interallié que Stalingrad avait fait pencher au bénéfice de la Russie.
En appelant votre bienveillante attention sur l’avantage qu’il y aurait à préparer l’opinion suisse aux changements que le Conseil fédéral se propose d’apporter, dès la fin de la guerre, à la nature de nos rapports avec le gouvernement des Soviets, je ne me suis pas dissimulé les difficultés de cette tâche.
Il ne saurait être question, je m’en rends bien compte, d’agir sur la presse par voie de communiqués officiels destinés à fournir des thèmes d’articles. Mais il me semble que chacun des membres de notre gouvernement pourrait, par des conversations personnelles avec les journalistes qu’il honore de sa confiance, leur donner une orientation utile. D’autre part, lorsque le Chef du Département politique est amené à s’exprimer devant des commissions parlementaires sur les problèmes dont il s’agit, ne lui serait-il pas facile d’indiquer à ses auditeurs de quelle manière et dans quel sens ils se trouvent eux-mêmes en mesure de contribuer à ce travail de déblaiement préalable?
Les moyens à mettre en œuvre devraient être tels que personne ne puisse soupçonner le Conseil fédéral de chercher à opérer sur l’opinion et ses organes une pression directe par des méthodes autoritaires inconciliables avec les mœurs de notre démocratie. Ne suffirait-il pas de proposer à certaines personnalités bien choisies des thèmes et des points de vue nouveaux qu’elles ont négligés jusqu’à ce jour?
A ce propos, on pourrait utiliser l’influence des milieux économiques et industriels qui s’intéressent au marché russe et obtenir ainsi, par voie indirecte, le résultat voulu.
Enfin, il serait désirable de maintenir dans toute la mesure du possible les contacts établis par les négociations commerciales de 19415: cela ne manquerait pas de faciliter, le moment venu, l’établissement de relations diplomatiques normales.
Mais l’essentiel me paraît être de faire en sorte que, lorsqu’il sera temps de donner à ce dernier problème une solution positive, l’opinion suisse y soit préparée. Il s’agit avant tout de prévenir le brusque déclenchement, sous l’effet de la surprise, d’une querelle idéologique dont notre tranquillité intérieure ferait les frais. A cette fin, il y aurait lieu de diffuser plus largement les informations montrant que certaines divergences fondamentales entre nos conceptions et celles de l’URSS tendent à s’atténuer, comme cela semble être le cas, par exemple, en matière de religion.
Dès aujourd’hui, tout ce que nous pourrons faire pour amener notre peuple à considérer le problème russe sous l’angle adopté par votre dépêche du 12 février dernier, qui est celui des réalités concrètes, sera éminemment profitable à nos intérêts nationaux.
Permettez-moi de vous rappeler, en terminant, mes rapports des 2 avril (1661)6 et 4 mai (2211)5, relatifs à certaines éventualités qui affecteraient la situation des Suisses en Roumanie7. Vous m’obligeriez fort en me faisant connaître sur ce point votre sentiment personnel8.
- 1
- Lettre: E 2001 (D) 9/2.↩
- 2
- Non reproduit.↩
- 3
- Cf. No 302.↩
- 5
- Cf. No 21.↩
- 6
- Non reproduits (E 2001 (D) 3/403).↩
- 8
- Le 11 juin 1943, Pilet-Golaz répond à R. de Week, en accusant réception de son rapport du 30 mai: Je compte, lorsque vous serez prochainement en Suisse pour votre congé, que j’aurai le plaisir de vous voir et je saisirai cette occasion pour m’entretenir de son contenu avec vous et vous donner, comme vous le désirez, mon sentiment personnel sur les questions soulevées par vos rapports des 2 avril et 4 mai (E 2001 (D) 9/2).↩
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