Classement thématique série 1848–1945:
3. POLITIQUE À L'ÉGARD DE LA SOCIÉTÉ DES NATIONS
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 14, doc. 289
volume linkBern 1997
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2001D#1000/1554#877* | |
Dossier title | Révision des arrangements concernant la «Radio-Nation»; Actes concernant le jugement des experts le 13.1.1942 (1941–1942) | |
File reference archive | E.413.1.1 |
dodis.ch/47475
J’ai l’honneur de porter à votre connaissance qu’un différend s’est élevé, dès le mois de janvier 1942, entre le Secrétariat de la Société des Nations et Radio-Suisse, à l’occasion de l’application de l’article 26 de la Convention du 21 mai 1930 entre le Secrétaire général de la Société des Nations et Radio-Suisse, et sous l’empire de cette convention.
L’article 26 de la Convention du 21 mai 1930, entre le Secrétaire général de la Société des Nations et la Radio-Suisse société anonyme de télégraphie et de téléphonie sans fil, à Berne, concernant l’établissement et l’exploitation, près de Genève, d’une station radioélectrique, a la teneur suivante:
«1.- Si la convention est dénoncée, la Société des Nations, au cas où elle se proposerait de disposer autrement de son matériel, pourra reprendre les installations techniques dont elle aura fourni le capital, les frais d’enlèvement et le transfert étant à sa charge.
2.- L’enlèvement et le transfert des installations s’effectueront de manière à prévenir autant que possible une interruption totale de l’exploitation.
3.- Si la Société des Nations renonce à la reprise des installations en question, elles deviendront propriété de la Radio-Suisse. La Radio-Suisse remboursera à la Société des Nations la valeur vénale de ces installations, c’est-à-dire la valeur commerciale qu’elles représentent pour l’exploitation de la Radio-Suisse.
4.- La valeur vénale que la Radio-Suisse aura à rembourser à la Société des Nations sera fixée d’entente entre le Secrétaire général et la Radio-Suisse. A défaut d’entente, cette valeur sera fixée par une commission d’experts dans laquelle chaque partie sera représentée par un délégué et qui sera présidée par un expert désigné en commun. Si les deux parties n’arrivent pas à se mettre d’accord sur la personne du tiers expert, il sera nommé par le Président de la Cour permanente de Justice internationale de La Haye. Les conclusions de la Commission seront obligatoires pour les deux parties.»
Conformément à cet article, une commission d’experts a siégé à Genève, du 8 au 13 janvier 19422, en vue de déterminer la valeur vénale des installations techniques en question.
Par la même occasion, la commission d’experts a également, en accord avec les parties, fixé un prix pour le stock de pièces de rechange (lampes, etc.) que la convention ne soumettait pas ipso facto à son appréciation.
En acceptant ainsi de son plein gré de céder à Radio-Suisse des éléments de matériel autres que les installations proprement dites, soit d’éléments à l’égard desquels Radio-Suisse n’avait pas d’obligation de reprise et la Société des Nations pas d’obligation de vente, le Secrétariat a formellement exclu de ce marché la provision de gasoil.
Malgré cette réserve et sans tenir aucun compte des sommations réitérées du Secrétariat, Radio-Suisse prétend que la décision de la Commission d’experts, qui fixe expressément le prix de reprise pour le «stock des pièces de rechange (lampes, etc.)...» seulement, vise également plus de 58000 kilogs de gasoil qui ne sauraient pourtant être considérés comme des «pièces de rechange». Radio-Suisse retient donc et emploie ce gasoil depuis près d’une année, contrairement à tout droit.
Le Secrétariat et Radio-Suisse ont examiné tout d’abord l’éventualité de demander aux experts d’interpréter leur propre décision et de dire s’ils ont entendu comprendre le gasoil dans les «pièces de rechange». Après avoir pris l’avis de mes conseils et examiné la question sous tous ses aspects, je suis arrivé à la conclusion qu’une telle procédure devait être écartée, cela pour les raisons suivantes, l’une et l’autre décisives.
La première est une simple raison pratique. Dans les conditions actuelles, il est impossible de réunir dans un délai raisonnable une commission qui, outre un membre suisse, comprend un Français et un Hollandais. Or, les intérêts du Secrétariat sont mis en péril par Radio-Suisse, qui emploie journellement une marchandise qui ne lui appartient pas, et l’affaire demande à être examinée et tranchée d’urgence.
La seconde raison pour laquelle la Commission d’experts ne saurait être saisie du litige est une raison de droit. La mission des experts est strictement limitée par la Convention elle-même à estimer la «valeur vénale» de certaines installations déterminées. Le problème actuellement posé, qui est tout différent, est un problème essentiellement juridique. La question en jeu n’est plus celle de la valeur de certains biens, question qui appartient au cadre de l’expertise. Elle est celle de savoir quelles marchandises pouvaient, en droit et conformément à la Convention, être soumises à l’appréciation des experts, et si le gasoil, que ladite Convention ne vise pas et que le Secrétariat avait expressément exclu du marché, appartient de quelque manière que ce soit à la compétence de la Commission prévue à l’article 26. Il résulte de ce qui précède que même si les experts avaient voulu fixer un prix pour le gasoil, le Secrétariat serait obligé de contester, comme dépassant leur compétence, la validité de leur décision sur ce point et qu’aucun objet quelconque ne serait finalement atteint par leur réunion.
Conformément à l’article 12 de l’Accord du 21 mai 1930 entre le Gouvernement Fédéral Suisse et le Secrétaire général de la Société des Nations:
« 1.- Les différends qui viendront à s’élever au sujet de l’interprétation ou de l’application tant du présent accord que de la Convention à conclure entre le Secrétaire général et la Radio-Suisse, seront considérés comme différends entre les parties au présent accord. S’ils n’ont pu être réglés à l’amiable dans un délai raisonnable, ils seront soumis, sous réserve des dispositions de l’alinéa 2 du présent article, à un tribunal arbitral; ce tribunal, sauf accord contraire des parties, se composera de trois membres désignés par la Chambre de procédure sommaire de la Cour permanente de Justice internationale. Les dispositions de la Convention pour le règlement pacifique des conflits internationaux, du 18 octobre 1907, seront applicables à la procédure arbitrale.»
La présente lettre a pour objet de vous informer qu’un tel différend existe, malgré toute ma bonne volonté, dans les conditions de l’accord précité et conformément aux circonstances qui précèdent.
L’article 12 ci-dessus prévoyant la possibilité d’un règlement amiable entre les parties, qui se trouvent être, en l’occurrence, le Gouvernement Suisse et le Secrétaire général de la Société des Nations, je suis tout disposé à me prêter à des conversations à cet effet.
J’ai désigné, pour me représenter, Me JacquesSecretan, docteur en droit, Conseiller juridique du Bureau international du Travail, 4 rue le Fort, à Genève (2 rue du Lion d’Or, à Lausanne), qui se tient à la disposition de celui des fonctionnaires de votre Département que vous voudrez bien charger d’examiner l’affaire.
C’est seulement au cas où un règlement amiable n’interviendrait pas dans un délai raisonnable que la réunion d’un tribunal arbitral devrait être envisagée. Dans cette éventualité, je serais disposé, avec votre accord, à avoir recours à un seul magistrat.
Le gasoil étant, d’autre part et jusqu’à plus ample informé, propriété de la Société des Nations, - même si un litige existe à son sujet, - je vous aurais une vive gratitude de vouloir bien ordonner les mesures nécessaires pour que cette propriété soit respectée, conformément au modus vivendi de 1921 et 1926 et à l’article 3 de l’Accord du 21 mai 1930. Il importe, en particulier, que défense soit faite à Radio-Suisse de continuer à employer un gasoil qui ne lui appartient pas ou qui est, en tous cas, l’objet même du différend. Je suis également obligé de réserver tous les droits de la Société des Nations à des dommages-intérêts pour le gasoil indûment employé.
Je communique copie de la présente lettre à Radio-Suisse, à Berne3.
- 1
- Lettre: E 2001 (D) 4/78. Recommandée.↩
- 2
- Sur les travaux des experts, cf. E 2001 (D) 4/78.↩
- 3
- A la suite de séances qui eurent lieu à Berne entre Kohli du DPF et Secretan, représentant la SdN, un compromis a été trouvé tel qu’il est établi dans la notice de Kohli pour le Ministre Bonna, datée du 17 juillet 1943: M. Rothen, Directeur de Radio Suisse, nous informe ce matin, par téléphone, que le Conseil d’administration de cette société a décidé, dans sa séance du 16.7., d’accepter la proposition du Secrétaire de la SdN tendant à liquider à l’amiable le différend qui a fait l’objet de notre notice du 19 juin qui est jointe à ces lignes. Radio Suisse consent donc à ce que le Secrétariat reprenne 48 tonnes d’huile sur les stocks déposés à Prangins et à Colovrex, étant entendu que les 10 tonnes qui restent propriété de la société suisse, seront payées au Secrétariat au prix d’avant guerre augmenté d’un intérêt à 5% calculé dès la date de rachat des installations des deux stations. Les frais d’enlèvement de l’huile sont à la charge de la SdN. L’adoption de cette solution amiable a été grandement facilitée par le fait que les Autorités suisses, responsables du ravitaillement en huile lourde de notre pays, se sont déclarées prêtes à fournir à Radio Suisse la quantité de gasoil nécessaire à parfaire le stock auquel elle renonce en faveur de la SdN. De cette façon, la marche des stations de Colovrex et Prangins est assurée pour un certain temps au cas où des événements graves ne permettraient plus à ces installations de fonctionner à l’électricité. Par lettre du 13 juillet, M. Secretan, représentant du Secrétariat de la SdN, nous a fait part de son désir d’obtenir la réponse de Radio Suisse jusqu’au 19 juillet au plus tard. Il paraît, en effet, que la commission de contrôle de la SdN doit se réunir à Montréal le 27 juillet, et le Secrétaire de la SdN attacherait du prix à pouvoir lui faire un rapport télégraphique sur la solution donnée à ce différend, solution qui doit encore faire l’objet de discussions internes à Genève. Enfin, en date du 2 octobre 1943, le Secrétaire de la SdN informe le DPFde l’acceptation du règlement à l’amiable du différend relatif au droit de disposition sur le stock de gasoil de 58 tonnes. Le 13 octobre, le Conseiller fédéral Pilet-Golaz en prend note avec satisfaction: Je suis heureux que les pourparlers qui se sont déroulés à ce propos entre Me JacquesSecretan, votre conseil, et le représentant de la Division des Affaires étrangères aient permis d’aboutir à une solution du litige. Je vous sais gré de votre aimable communication et partage votre satisfaction de ce que cette affaire ait pu être réglée au mieux des intérêts des parties. Vous nous trouverez toujours prêt, soyez-en assuré, à apporter au règlement des questions qui pourraient surgir entre nous le plus vif désir de les résoudre dans un esprit de compréhension et de réciproque amitié.↩
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