Classement thématique série 1848–1945:
2. RELATIONS BILATÈRALES
2.14. ITALIE
2.14.2. RELATIONS POLITIQUES
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 14, doc. 64
volume linkBern 1997
Plus… |▼▶Emplacement
Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2300#1000/716#917* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2300(-)1000/716 401 | |
Titre du dossier | Rom, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 41 (1941–1941) |
dodis.ch/47250 Le Ministre de Suisse à Rome, P. Ruegger, au Chef du Département politique, M. Pilet-Golaz1
Lorsque le Comte Ciano m’a reçu hier matin, il m’a dit, en parlant des événements de Russie, que l’action militaire en cours «permettrait sans doute de liquider le bolchevisme». Mentionnant à ce propos les nombreux virages de la politique de toutes les grandes Puissances envers la Russie soviétique, j’ai fait relever que la ligne suivie par la Suisse, dans sa politique individuelle comme dans celle de la communauté d’Etats, avait été linéaire dans le sens de la nonreconnaissance; j’ai aussi cru opportun de faire constater que nous avions suivi cette ligne en toute indépendance, sans nous laisser influencer par les indications, qui avaient pris parfois presque l’aspect de pressions de la part de l’Angleterre comme de l’Allemagne, de la France comme de l’Italie2. Il importe, en effet, de saisir l’occasion actuelle pour montrer l’avantage général qu’il y a, dans n’importe quelle forme d’organisation internationale, créée ou esquissée, que l’Etat perpétuellement neutre puisse suivre sa ligne d’action sans subir de pressions du dehors, pressions que les faits se chargent souvent par eux-mêmes de désavouer.
D’ailleurs, un des principaux collaborateurs du Comte Ciano, que j’ai également vu hier - et qui a participé au voyage du Duce pour rencontrer M. Hitler -m’a aussi dit que nous avions actuellement un assez grand atout en mains, que nous pouvions, sans faire du tort à personne et sans nous déjuger le moins du monde, tout simplement rappeler la ligne constante suivie par le Conseil fédéral. «Si seulement, a ajouté mon interlocuteur, la presse suisse sait saisir cette occasion au lieu de formuler des jugements sur certains aspects des derniers événements»3. Je dois dire que personnellement je partage tout à fait cette opinion. Nous n’avons pas à porter maintenant des jugements sur les conditions dans lesquelles la dernière lutte entre nazisme et soviétisme a été déclenchée; nous pouvons, en revanche, fort bien rappeler, clairement mais dignement, notre attitude, librement choisie et librement suivie depuis près d’un quart de siècle.
Jusqu’à la dernière minute, c.à.d. jusqu’à samedi soir, on croyait dans bien des milieux romains habituellement renseignés que les Soviets céderaient à n’importe quelle injonction de l’Allemagne et que l’offensive de la Reichswehr ne serait pas déclenchée. Samedi même, on donnait pour sûr que l’accord était une question de trois ou quatre jours. Comme c’est le cas pour tant de nouvelles contradictoires, il y avait un fond de vrai dans chacune d’entre elles. Il semble bien que les Soviets étaient prêts à faire de très vastes concessions et qu’ils en avaient déjà acceptées un grand nombre. Puis, l’Allemagne, désirant quand même faire la guerre pour des raisons économiques comme dans l’espoir de «liquider» l’affaire russe avant que l’apport américain deviendra très fort, a brûlé ses ponts et l’Italie s’est immédiatement rangée de ses côtés.
Les contradictions de la politique de l’Axe envers la Russie n’ont d’ailleurs pas été sans être relevées dans l’opinion publique fort critique. Fait curieux et qui peut avoir la valeur d’un symptôme, tandis que la presse parle de la reprise de la lutte antibolchevique, l’on entend dans bien des milieux déplorer la nouvelle extension de la guerre. Serait-ce un signe que les sympathies pour la Russie rouge sont, aussi en Italie, plus répandues que l’on pourrait le supposer à première vue? L’avenir le démontrera.
Le sens critique de quelques observateurs s’exerce aussi à propos de la déclaration du chancelier Hitler que depuis longtemps déjà la Russie n’aurait pas rempli ses engagements vis-à-vis de l’Allemagne. Même dans les milieux allemands de la capitale, notre Conseiller a entendu dire tout récemment encore que la Russie donnait à l’Allemagne tout ce qu’elle voulait.
La remise de la déclaration de guerre à l’Allemagne des Soviets a été entourée d’une série de quiproquos4. L’Ambassadeur et plusieurs de ses collaborateurs étaient, en effet, partis dimanche matin de bonne heure à la mer, de sorte que lorsque le Palais Chigi a voulu remettre à l’envoyé de Staline la déclaration de guerre, on a eu toute la peine du monde à finir par trouver quelqu’un. [...]
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