Classement thématique série 1848–1945:
IV. POLITIQUE ET ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES
2. Ravitaillement de la Suisse en temps de guerre
2.2. L’économie de guerre
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 13, doc. 167
volume linkBern 1991
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2200.19-01#1000/1723#47* | |
Old classification | CH-BAR E 2200.19-01(-)1000/1723 8 | |
Dossier title | Accord de transit italo-suisse (1935–1940) | |
File reference archive | A.r.3 |
dodis.ch/46924
Le Ministre de Suisse à Rome, R. Ruegger, au Directeur de la Division du Commerce du Département de l’Economie publique, J. Hotz1
Votre lettre du 19 de ce mois2, relative aux paiements visant les carburants destinés à la Suisse et originaires ou en transit à travers l’Italie, j’ai l’honneur de vous exposer que pour vous renseigner à l’égard de la suite donnée par la Légation à vos instructions, il est peut-être utile que je vous fasse rapport en même temps sur le développement des pourparlers qui ont eu lieu ces jours-ci à Rome, en vue de la conclusion d’un Accord sur le transit.
Les séances concernant l’Accord que M. le Directeur Matter a été chargé de négocier, en ce qui concerne les transports, ont eu lieu au cours de cette semaine3. Les pourparlers ont été conclus ce matin et les résultats ont été résumés dans un document paraphé par MM. Matter et Giannini et portant la date d’aujourd’hui4. Il s’agit en réalité d’un Accord à part. Toutefois, la délégation italienne a été de l’avis que les clauses faisant partie de cet arrangement devront être insérées dans l’Accord qui sera stipulé sur la base de l’ordre du jour qu’elle nous a transmis lundi dernier et que je vous ai expédié par lettre du 18 de ce mois5. La délégation italienne estime que les questions figurant sur le dit ordre du jour doivent être examinées à cause de la situation économique particulière créée par le conflit actuel et qu’elles devront être résolues sous cet angle spécial. La délégation italienne en conclut que les résultats des pourparlers de cette semaine et des conversations futures doivent donc être consignés dans un unique Accord. Cela ne signifie point, d’après les négociateurs italiens, que les clauses relatives au transit, négociées par M. Matter, ne puissent pas entrer en vigueur tout de suite. Le contraire est vrai, sous réserve toutefois du point relatif aux paiements. La dernière clause de l’arrangement négocié par M. Matter, et dont je pourrai vous transmettre la copie seulement demain, dit, en effet, que la mise en vigueur de l’arrangement est conditionnée par les dispositions qui seront prises ultérieurement en matière de paiements. M. Fumasoli a beaucoup insisté pour que la délégation italienne renonce à insérer cette clause dans un Accord qui ne vise que des questions techniques. Toutefois, M. D’Agostino n’a pas consenti à renoncer à sa formule en disant que s’il ne la faisait pas figurer dans l’Accord qui venait d’être conclu, nous aurions pu lui dire que cet Accord avait été signé sous le régime de la Convention de clearing de 1935 et que, par conséquent, les paiements rentrant dans le cadre de l’Accord sur le transit doivent être réglés conformément aux prescriptions de l’Accord de clearing. Vu l’attitude intransigeante de la délégation italienne, la clause proposée par M. D’Agostino a été maintenue. M. Fumasoli a essayé d’apprendre quels étaient les paiements qui pouvaient découler de l’application de l’Accord concernant le transit et que M. D’Agostino refuserait d’effectuer en clearing. M. D’Agostino répondit qu’il nous avait déjà orientés quant aux frets maritimes, mais qu’il y avait encore d’autres paiements sur lesquels il désirait s’entendre avec nous dès qu’une délégation suisse serait autorisée à discuter ces points avec une délégation italienne. Le représentant de la Légation a répondu que les Autorités suisses étaient d’accord de commencer les pourparlers demandés par l’Italie et qu’il appartenait maintenant au Gouvernement italien de décider quand une délégation italienne irait à Berne.
C’est dans cette phase des conversations de ce matin que M. Fumasoli a repris les questions contenues dans votre lettre du 19 septembre6. Voici les réponses de M. D’Agostino: «Dans toute la matière que nous aurons à examiner prochainement, je dois vous rendre attentif au fait que le plus grand esprit de compréhension réciproque est nécessaire. Vous venez nous demander des facilités de transit et de transport, nous ne désirons que vous être agréable, mais il faut que vous en fassiez de même. Nous ne sommes plus en mesure d’effectuer certains paiements en devises. Les Accords de 1935 vous ont été très favorables, mais nous ne pouvons plus en supporter les conséquences dans plusieurs domaines. Il faut revoir ces Accords et il faut le faire d’urgence. En ce qui concerne les trois questions précises que vous me posez aujourd’hui, je vous réponds
1° que si vous achetez de l’essence d’origine italienne, vous devez la payer en devises. Nous ne pouvons absolument pas accepter que même le 50% soit payé en clearing. La benzine nous l’importons de l’étranger et nous la payons nous-mêmes en devises. Il est donc tout à fait exclu que l’on puisse vous en vendre en clearing;
2° pour ce qui a trait aux frais de transit relatifs aux carburants que vous importez de l’étranger à travers l’Italie, c’est-à-dire à toutes les dépenses que nous appelons «spese di piazza», je suis d’accord quant au paiement en clearing;
3° pour ce qui concerne les frais de raffinage des huiles minérales brutes que vous achetez à l’étranger et que vous importeriez à Trieste pour le perfectionnement, je me réserve encore de vous donner une réponse définitive. Toutefois, je dois vous dire que le représentant de 1’« Aquila», de Trieste, est venu me poser la question pour sa société. Je lui ai répondu que les frais du trafic de perfectionnement devaient être payés en devises, ou bien en benzine. Je serais tout à fait d’accord d’admettre le paiement avec même des sous-produits. Pour prendre une décision définitive, je devrais connaître le volume des produits qu’il s’agirait de faire perfectionner par 1’«Aquila».»
M. Fumasoli a insisté sur l’état du clearing, sur les conséquences graves pour l’Italie qu’entraînait le fait que les exportateurs suisses doivent attendre les paiements pendant six mois, etc. Il en est résulté un échange de vues sur les fournitures que l’Italie est en mesure de faire à la Suisse. Nous nous sommes plaints du fait que l’Italie nous refuse plusieurs marchandises et lorsque le délégué italien nous a invités à nous approvisionner en Italie en denrées alimentaires, nous avons pu citer le cas tout récent des pommes de terre. Nous n’insistons pas sur le détail de la conversation qui s’en est suivie. M. D’Agostino est resté ferme quant aux réponses rapportées ci-dessus.
J’ajoute qu’après la séance, M. Fumasoli a eu l’occasion de s’entretenir pendant une heure, seul avec M. D’Agostino. Celui-ci ne lui a pas caché son vif désappointement du fait que les banques suisses coupent - comme il dit - chaque jour un nouveau crédit à l’Italie. M. D’Agostino a exposé à mon collaborateur qu’il s’est rendu, dimanche dernier, à Chiasso, pour demander à certains banquiers suisses les raisons de cette situation. Les banquiers suisses lui ont répondu que si le Gouvernement suisse ne garantissait pas les crédits vers l’Italie, ils ne pouvaient pas les maintenir. M. D’Agostino a trouvé que cette réponse était injurieuse pour l’Italie et que nos banquiers ne tiennent aucun compte des résultats considérables que pourrait donner, en ce moment, une collaboration étroite entre la Suisse et l’Italie, demeurées neutres au milieu des belligérants. M. D’Agostino a ajouté que les banques suisses adoptaient cette tactique juste au moment où les banques anglaises avaient fermé tout crédit à l’étranger. Il prétend que cette attitude dessert les intérêts suisses en Italie et qu’elle constitue une politique qui crée naturellement des difficultés graves à l’Italie, mais qui n’est pas loin d’en créer aussi pour les intérêts suisses. Par souci de brièveté, je passe sur les réponses de mon collaborateur. Je ne vous ai rapporté ce qui précède que pour que vous soyez au clair quant aux réactions italiennes en ce qui concerne nos propres demandes en cours. Ainsi, par exemple, comme nous avons insisté pour obtenir l’exportation de 2000 tonnes de paille à fournir par la maison Mereghetti (vous connaissez ce cas), on nous a répondu, ce matin, d’une façon péremptoire négative, alors que l’on nous avait déjà demandé hier quelles étaient les douanes par lesquelles cette marchandise devait passer pour être exportée en Suisse.
Je ne voudrais pas terminer le présent rapport sans vous communiquer que nous avons transmis au Sénateur Giannini votre réponse à sa demande de négociation sur la base de l’ordre du jour que je vous ai transmis le 18 de ce mois. M. Giannini nous a répondu qu’il ne pouvait pas s’absenter de Rome en ce moment, mais qu’il essayerait de constituer une délégation qui pourrait aller à Berne.
Je me demande si, vu, d’une part, l’ampleur de l’ordre du jour italien et, d’autre part, la nécessité de régler désormais le plus vite possible certains points relatifs à l’application de l’Accord de clearing, il ne serait pas opportun de proposer à l’Italie de procéder par étapes dans les pourparlers et de commencer par régler les questions relatives aux paiements. Quoi qu’il en soit, nous avons demandé à la délégation italienne des éclaircissements sur les différents points de l’ordre du jour. On nous a promis que ces informations nous seront communiquées au plus vite. M. Fumasoli a tout de suite fait remarquer à M. D’Agostino que les pourparlers ne pouvaient pas être immédiatement entrepris à cause du fait que les Autorités italiennes ne nous avaient pas suffisamment renseignés sur les points qu’elles désirent discuter et qu’il dépend donc d’elles de rapprocher la date des négociations.
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