Classement thématique série 1848–1945:
IV. POLITIQUE ET ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES
2. Ravitaillement de la Suisse en temps de guerre
2.2. L’économie de guerre
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 13, doc. 165
volume linkBern 1991
more… |▼▶Repository
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2200.19-01#1000/1723#47* | |
Old classification | CH-BAR E 2200.19-01(-)1000/1723 8 | |
Dossier title | Accord de transit italo-suisse (1935–1940) | |
File reference archive | A.r.3 |
dodis.ch/46922 Compte-rendu sur les négociations italo-suisses1 TRANSIT DE MARCHANDISES SUISSES À TRAVERS L’ITALIE2. NÉGOCIATIONS DE SEPTEMBRE 1939. PREMIÈRE SÉANCE, 11 HEURES.
[...]3
M. Giannini ouvre la séance en souhaitant la bienvenue à M. Matter. Celui-ci le remercie d’avoir bien voulu nous donner les assurances de principe que nous connaissons et lui dit que sa mission est celle de discuter à Rome uniquement les questions relatives aux transports et au transit4. M. Giannini est tout à fait d’accord de limiter les pourparlers avec M. Matter à ces deux questions.
Giannini: Pour ce qui concerne les transports maritimes, désirez-vous un tonnage?
Matter: Nous avons besoin en Suisse de 1 500 000 tonnes de marchandises d’outre-mer et de 400000 tonnes d’hydrocarbure. Pour les carburants, il y a à examiner, outre le tonnage, la question des tanks et des autres moyens de transport. Je voudrais laisser de côté, pour le moment, la question du tonnage pour examiner celle des wagons, des réservoirs et des ports. Pour les carburants, nous voudrions disposer des ports de Trieste, de Vado et Gênes.
Giannini: Il existe dans les trois ports les installations nécessaires et les ports sont à votre disposition. Quant aux réservoirs, nous verrons la question après.
Matter: Remercie M. Giannini de cette déclaration et lui répond qu’il voudrait savoir maintenant si l’Italie pourrait éventuellement mettre à notre disposition le tonnage nécessaire.
Ingianni: Nous pouvons vous fournir tout le tonnage que vous voulez pour les marchandises en général. Nous ne frétons pas les bateaux, mais vous n’avez qu’à en disposer selon les conditions usuelles. Il faut cependant tenir compte de la provenance et de la nature des marchandises. Vous prenez aussi des marchandises en vrac. Pour celles-ci vous frétez les navires nécessaires. Il faut cependant que vous preniez vos dispositions au plus vite.
Giannini: Ceci est important parce que nous avons des demandes de tous les pays. Vous connaissez nos lignes, elles font l’Australie, l’Afrique, les Amériques, etc. Les navires italiens, à fréter le cas échéant par la Suisse, utiliseront les lignes italiennes et les ports italiens restent ouverts au tonnage de tous les pays.
Bagli: Je dois attirer votre attention sur les dispositions italiennes en matière de défense d’exportation. Les marchandises qui viennent de l’étranger et qui vous sont destinées doivent porter clairement votre adresse et ne doivent pas venir avec des connaissements au nom d’italiens. Les marchandises qui ne sont pas adressées à des entreprises à l’étranger, dès qu’elles arrivent dans des ports italiens, sont considérées comme des marchandises à nationaliser et ne peuvent pas être livrées à l’étranger. Donc pas de connaissement sur Gênes, Trieste, etc., mais des documents adressés à des entreprises en Suisse. Ces documents doivent accompagner la marchandise dès le début. Sur une demande de M. Matter, M. Bagli répond que si des marchandises destinées à la Suisse arrivaient dans des ports italiens sans connaissement ou sans indication du destinataire suisse, il faudrait - pour que la Suisse puisse les retirer - qu’on fît la preuve, par exemple par des contrats, que ces marchandises nous étaient destinées. Il y a donc une communication urgente à faire en Suisse à ce sujet5.
Ingianni: Relève que l’indication précise du destinataire est indispensable aussi à cause des dispositions sur la contrebande de guerre.
Giannini: Ajoute que cela est nécessaire à cause des «prétentions» anglaises qui veulent limiter les besoins normaux de chaque pays. Il a protesté en ce qui concerne l’Italie en disant qu’il était très difficile de fixer les besoins normaux du Royaume qui, depuis les sanctions, vit en dessous des besoins normaux. Toutefois, il tient à nous avertir des «prétentions» anglaises, pour que nous sachions que nous ne devons pas aggraver la situation de l’Italie. La France et l’Angleterre, dit M. Giannini, exigent encore un autre engagement, à savoir: que les marchandises importées dans un pays ne soient pas réexportées par celui-ci. Il a protesté, en disant que l’Italie n’était pas un gendarme et qu’elle ne pouvait pas aller contrôler ce que devenait l’acier suédois une fois importé, à travers l’Italie, en Yougoslavie. Il dit encore: «Nous refuserons le contrôle, mais vous, défendez-vous aussi.»
Matter: Répond que nous avons déjà examiné cette question soulevée par l’Angleterre en avril. Nous avons indiqué les mesures prises. Nous défendons l’exportation des marchandises qui nous sont destinées, sauf dans des cas exceptionnels, lorsque l’exportation de marchandises travaillées en Suisse est nécessaire pour l’achat, par exemple, de matière premières.
Giannini: Paris pose encore d’autres prétentions: les matières premières ne doivent pas être travaillées pour d’autres pays. Nous refusons d’accepter. Tenez cependant compte de ces prétentions.
Nous vous donnerons dans l’Accord à conclure une clause en vertu de laquelle nous nous engagerons à ne pas saisir en Italie les marchandises qui vous sont destinées.
Trafic terrestre
Giannini: Pour ce qui concerne le trafic terrestre, j’attire votre attention sur le fait que si vous voulez faire des transports par camion, il faudra que vous fournissiez le carburant nécessaire pour l’aller et le retour. Vu la surprise de M. Matter, M. Giannini répond que l’Italie pourrait bien avoir les carburants nécessaires. Mais qu’elle ne peut pas les payer en devises. Donc nous devrons y songer nous-mêmes.
de Corné: Relève qu’en 1938 l’Italie a effectué pour la Suisse des transports pour 238000 tonnes dont 40000 visaient les carburants, maintenant nous demandons des transports pour 10 fois plus seulement pour les carburants. Comment transporter par chemin de fer ces 400000 tonnes.
Giannini: Nous avons très peu de wagons-citerne. L’Etat en a à peu près 60, les particuliers en ont 8000. Nous ne pourrons en tout cas pas vous fournir plus de 40 wagons-citerne appartenant à l’Etat. On calcule pour ces wagons un cycle de deux fois par mois. Il ne vous reste donc qu’à fournir vous-mêmes les wagons-citerne ou bien à vous mettre d’accord avec les particuliers.
Matter: Cela est très grave pour nous, parce que nous n’avons pas de wagons-citerne. Vous devriez nous promettre de nous donner tout ce que vous pouvez.
Giannini: Je vous garantis environ 8000 tonnes. Pour des transports continus, nous ne pouvons vous fournir aucune garantie, mais nous espérons pouvoir en outre continuer à assurer le transport de 40000 tonnes des années précédentes.
Dépôts et Réservoirs.
Giannini: Nous étudierons la question des dépôts et réservoirs dont vous avez besoin pour les carburants, mais je ne vois pas de grandes difficultés à vous venir en aide. Il faudra ajouter aux trois ports déjà cités celui de Venise.
Matter: Demande si pour le charbon nous pourrons utiliser comme par le passé le port de Savona par lequel nous avons fait passer jusqu’ici 30 000 tonnes de charbon russe et environ 40000 tonnes de charbon anglais.
de Corné: Au fond, nous ne pourrions même pas vous garantir le trafic de 1938. Vous devriez envoyer vous-mêmes les wagons prendre la charge dans nos ports. Nous vous avons déjà dit que nous ne sommes pas en état de vous assurer d’une façon certaine les transports de 1938 en général qui n’étaient que de 238000 tonnes.
Matter: En règle générale, l’Administration du pays qui effectue les transports fournit le matériel. Nous comprenons jusqu’à un certain point vos difficultés. Vous aviez du matériel de transport qui vous était nécessaire en 1938 et que vous n’employerez peut-être plus maintenant. En 1915, nous avons fait un Accord par lequel vous vous êtes engagé à fournir les wagons en quantité suffisante.
Giannini: Ce n’était pas du tout la même situation. A l’heure actuelle nous continuons notre trafic avec tous les pays, alors qu’en 1915 nous étions en guerre avec plusieurs d’entre eux.
Matter: Nous devrions savoir ce que vous pouvez nous donner afin que nous puissions nous mettre d’accord avec la France qui nous offre également des facilités de transit. Nous devrions prévoir dans l’Accord l’engagement pour vous de nous fournir le plus possible de wagons, quitte aux deux administrations des deux pays de s’entendre sur les détails. Je demande, en outre, que vous nous autorisiez à faire stationner à Gênes, comme pendant la grande guerre, un Commissaire des Chemins de Fer Fédéraux. Nous avons le permis pour les ports français. Je vous indiquerais quelles seraient les compétences de ce Commissaire.
Giannini: Je n’ai pas de difficultés à accéder à votre désir, mais je réserve encore ma réponse définitive.
Frais de Transport.
M. de Corné soulève deux questions et dit: 1° Comme vous le savez, nous vous avons fait jusqu’ici des prix exceptionnels pour le transport de vos marchandises, non seulement pour des raisons de concurrence, mais aussi pour des motifs politiques et sociaux (marchandises destinées au Tessin). Actuellement, nous devons relever nos prix pour certaines marchandises et nous vous demandons de ne pas vous y opposer. D’ailleurs nos prix sont quelquefois le tiers et le quart des vôtres.
2° Le principe de neutralité, observé par les Chemins de fer suisses en ce qui concerne les ports, nous impose des sacrifices que nous ne pouvons plus supporter. Les C.F.F. appliquent les mêmes prix pour des marchandises venant des ports méditerranéens. Il en résulte que la marchandise venant de Marseille, par exemple, effectue en Suisse pour arriver dans vos zones industrielles, qui sont toutes dans le nord, un très petit trajet. Sur le prix de transport, il en reste donc à la France une bonne partie. Par contre, les marchandises venant de Gênes doivent effectuer en Suisse pour aller de la frontière italienne dans vos régions du nord, un long parcours qui absorbe presque tout le prix du transport. Il en résulte que pour pouvoir transporter vos marchandises nous avons dû faire des sacrifices énormes et nous avons même dû payer certaines différences à la France. Il faut maintenant que vous nous aidiez à résoudre ce point.
Matter: Répond à M. de Corné qu’il prend note de ses desiderata, mais qu’il n’a pas qualité pour les discuter6.
Matter: Je me permets d’attirer votre attention sur les questions pour lesquelles j’attends encore des réponses.
1° Fixation des quantités pour les marchandises en transit et que vous pouvez transporter;
2° Nombre des wagons-citerne que vous pouvez mettre à notre disposition;
3° Est-ce que ces wagons sont conformes aux prescriptions internationales (question du frein de Westinghouse). A ce sujet, je vous prie de faire tous les efforts possibles pour que le nombre des wagons soit suffisant;
4° L’installation d’un Commissaire fédéral à Gênes;
5° Il faut que les Administrations des deux pays fassent un plan pour la création de trains directs entre Gênes et la Suisse, Trieste et la Suisse.
Giannini: Au sujet du point 5, il faut que l’Administration suisse prenne l’initiative. Des wagons directs doivent être créés pour tous les points de frontière.
On convient qu’une réunion aura lieu demain au Ministère des Communications pour examiner quelques points de détail. La réunion se fera à 10 heures à la Direction de la Marine Marchande, dans le bureau du Général Ingianni, à Piazza Minerva. Les intéressés suisses qui sont à Rome, accompagneront les délégués suisses7.
- 1
- Procès-verbal (Copie): E 2200 Rom 23/8.↩
- 2
- Par erreur, le document original porte en tête Transit de Marchandises italiennes à travers la Suisse. Ce procès-verbal a été rédigé par le Conseiller de légation chargé des affaires commerciales à la Légation de Suisse à Rome, M. Fumasoli.↩
- 3
- Le procès-verbal commence par la liste des participants.↩
- 4
- Cf. No s 141, 144 et 163.↩
- 7
- Cf. No 167.↩
Tags