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Le Haut-Commissaire adjoint pour les réfugiés sous la protection de la Société des Nations, G. Kullmann, au Chef de la Division de Police du Département de Justice et Police, H. Rothmund1

Mon cher Rothmund,

En raison des différentes péripéties que vous connaissez des négociations Rublee à Berlin, la date de la session plénière du Comité Intergouvernemental2

a dû être changée à plusieurs reprises et les convocations ont été faites au dernier moment.

Par ailleurs, pour ce qui concerne le Haut Commissariat, nous avons été quelque peu tenus à l’écart des préparatifs qui étaient faits pour cette réunion.

Ce n’est donc que vendredi dernier, au cours d’un entretien avec MM. Randall et Reilly (ce dernier remplace M. Roger Makins comme Secrétaire du Comité), que j’ai appris, à mon grand étonnement, que la Suisse n’avait pas été convoquée.

On m’explique que les déclarations faites antérieurement par le Gouvernement Fédéral avaient été interprétées comme signifiant que la Suisse n’avait pas l’intention d’être associée aux travaux futurs du Comité.

Je présume que le Foreign Office se référait à votre communication en date du 28 juillet 1938 adressée à M. Myron C. Taylor, Président du Comité intergouvememental à cette époque3.

Or, dans cette lettre il était dit: «J’ajoute que le Conseil Fédéral demeure tout disposé à examiner la possibilité de se faire représenter à une conférence ultérieure, si des questions techniques touchant la situation particulière de la Suisse comme pays de transit pour les réfugiés venant d’Allemagne venaient à se présenter».

Par ailleurs, j’avais cru comprendre, au cours des entretiens que j’ai eus avec vous, qu’il n’était nullement dans les intentions du Gouvernement Fédéral de se désintéresser complètement du Comité intergouvememental.

Mes interlocuteurs au Foreign Office m’expliquèrent qu’ils avaient cru comprendre que le Gouvernement Fédéral s’était désintéressé des travaux du Comité et ils ajoutèrent qu’aucun document ne vous avait été adressé depuis le mois d’août.

Comme je ne leur dissimulais pas ma surprise, ils firent valoir qu’il était trop tard pour adresser une convocation officielle étant donné que la session s’ouvrirait le lundi suivant.

J’estime qu’il est de mon devoir de vous mettre officieusement au courant de cet entretien. J’ai participé les 13 et 14 février aux travaux du Comité intergouvememental et j’ai pu constater que tous les pays européens de refuge temporaire y étaient représentés, aussi bien les trois pays scandinaves, que la Belgique, les Pays-Bas, sans parler de la France et du Royaume-Uni.

Le Comité a pris deux décisions importantes. Il a pris bonne note du rapport confidentiel de M. Rublee sur les négociations qui se sont poursuivies à Berlin, et a adopté à ce sujet une Résolution qui ne saurait être qu’assez vague et souple en l’occurrence, mais qui permet de poursuivre les négociations officieuses en vue d’établir les modalités d’un exode méthodique.

Je vous fais tenir le Rapport aussi bien que la Résolution, en annexe4. Il va sans dire que le Rapport soulève un nombre considérable de questions graves et délicates sur lesquelles le Comité n’était pas à même de se prononcer.

L’autre décision importante est d’offrir à Sir Herbert Emerson le poste de Directeur du Bureau permanent du Comité intergouvememental en remplacement de M. Rublee démissionnaire.

On arrive ainsi à une direction unique de l’action intergouvemementale relative aux réfugiés. Toutefois, afin de ménager le Gouvernement des Etats-Unis, il a été entendu que le bureau du Haut Commissaire et celui du Comité intergouvememental resteraient entièrement séparés. Il n’y a donc qu’union personnelle en la personne de Sir Herbert Emerson. C’est néanmoins un grand progrès de nature à faciliter le travail à accomplir.

En regard de l’évolution remarquable de la situation telle qu’elle vient d’être esquissée, je me demande si le Gouvernement Fédéral ne devrait pas examiner à nouveau son attitude envers les travaux du Comité intergouvememental et, si au cas où cet examen aboutirait à des conclusions différentes de celles communiquées antérieurement au Comité, il ne devrait pas faire savoir, par la voie la plus appropriée, au Foreign Office, qui assume le secrétariat du Comité, son intention de suivre dorénavant ses travaux.

J’ajoute qu’au cours des entretiens que j’ai eus avec les Délégués belges, ces derniers m’ont fait part du regret que leur causait l’absence de la Suisse, et ils n’ont pas manqué de souligner combien il serait opportun que les petits Etats de refuge temporaire, voisins de l’Allemagne, fassent cause commune afin de faire valoir leur situation particulière au sein du Comité.

Je laisse à vos bons soins de parler des questions qui font l’objet de cette lettre à MM. Baumann et Motta.

A mon avis, l’absence de la Suisse, seul petit pays de refuge occidental non représenté au sein du Comité, est regrettable et sujette, de la part des autres puissances, à des interprétations qui ne sont pas dans l’intérêt de notre pays.

Je vous saurais infiniment gré de vouloir bien me faire part, à titre confidentiel, des réflexions que vous suggère ce qui précède5.