Pubblicato in
Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 13, doc. 18
volume linkBern 1991
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E2001D#1000/1551#832* | |
Vecchia segnatura | CH-BAR E 2001(D)1000/1551 31 | |
Titolo dossier | Frage der Anerkennung der Franco-Regierung (1936–1940) | |
Riferimento archivio | B.15.11 • Componente aggiuntiva: Spanien |
dodis.ch/46775
J’ai eu l’honneur de recevoir votre télégramme No 152 par lequel vous avez bien voulu me prier de vous donner d’urgence mon opinion sur les avantages qui découleraient de la reconnaissance de jure du Gouvernement National par ma nomination de Ministre à Burgos, mais en cherchant à éviter une rupture avec Madrid où nous avons encore des asilés et des intérêts importants. La question ainsi posée apparaît fort complexe et délicate. Je puis vous assurer que les avantages d’ordre moral et matériel que la Suisse recueillerait d’un geste consommé par votre Gouvernement avant les grandes Puissances occidentales et avant le groupe des petits Etats neutres auquel nous appartenons, seraient considérables et auraient des répercussions favorables dès maintenant et après la victoire finale du Général Franco, qui est absolument certaine, tant dans le domaine de l’établissement que et surtout sur le terrain économique. . L’Espagne Nationale qui lutte avant tout contre le communisme et pour son entière indépendance, se sent meurtrie du refus des droits de belligérance opposé par les Puissances faisant partie du Comité de Non-Intervention et ressent quelque amertume aussi de l’omission de la reconnaissance de jure de la part de la grande majorité des Etats. Elle apprécierait infiniment encore à l’heure actuelle une reconnaissance de jure qui, émanant d’un petit pays comme la Suisse, mais qui représente une des plus grandes autorités morales de l’Europe et à laquelle seule, les Etats autoritaires pardonnent d’être une démocratie, parce qu’elle est la seule véritable et la plus ancienne démocratie du monde. Chaque Espagnol porte cet axiome dans son cœur. Nos compatriotes rencontreraient sans doute des facilités plus grandes pour s’établir en Espagne dont la porte serait certainement plus largement ouverte, en tout cas pour les nouveaux venus qui n’étaient pas établis en Espagne avant la guerre. Mais c’est surtout dans le domaine économique que la Suisse bénéficierait, dès maintenant et également après la paix, d’une priorité dans la répartition des contingents, des compensations, des soumissions, d’autant plus qu’à l’heure actuelle c’est le régime des compensations qui est exclusivement appliqué et qui permet au Gouvernement National de répartir comme bon lui semble, ses achats et ses ventes. D’une manière générale également toutes nos requêtes rencontreraient un accueil plus empressé et une solution plus accélérée dans tous les domaines. Et cette priorité se maintiendra après la paix, le Gouvernement National Espagnol extrêmement sensible et sentimental, étant décidé à cataloguer ses amis dans l’ordre chronologique de leur manifestation d’adhésion. Dans le domaine commercial, l’Allemagne s’est déjà taillée la part du lion, l’Italie n’ayant pu la suivre parce qu’au lieu de produits complémentaires, elle dispose de produits similaires, de même que le Portugal; c’est pourquoi la Suisse pourrait s’assurer une place privilégiée vis-à-vis d’autres Etats du même ordre, en se rangeant aux côtés des pays qui seront servis les premiers.
Mais il y a le revers de la médaille et bien que vous ne m’ayez pas invité à vous faire connaître les désavantages d’une reconnaissance de jure, bien que vous envisagiez celle-ci en cherchant à éviter une rupture avec Madrid, j’estime de mon devoir de mettre en pleine lumière ici-même, les dangers que comporterait à l’heure actuelle la normalisation de nos rapports avec le Général Franco. La présence à Madrid, à Valence et dans la zone rouge d’une colonie suisse dont je ne connais pas l’importance numérique exacte, mais que j’évalue à quelque 200 personnes après l’incorporation de la Catalogne et de Barcelone à la zone nationale, ainsi que la présence de 28 asilés sous notre protection à Madrid constituent un obstacle assez sérieux à la reconnaissance de jure actuelle, car une telle reconnaissance ne saurait guère avoir lieu en évitant une rupture avec les rouges. L’expérience est là pour le démontrer3. Pas plus tard qu’au mois de décembre la Légation du Japon qui avait été fermée et placée sous la protection de l’Ambassade du Brésil, a été saccagée ainsi que ses archives. Il y a peu de temps encore, lorsque la Belgique avait décidé d’envoyer un Agent, bien qu’officieux à Burgos, le Gouvernement de Barcelonea rompu ses relations avec Bruxelles et ne les a reprises que lorsque la décision a été ajournée.
Lorsque l’Allemagne et l’Italie se sont mises du côté de Franco, leur Ambassade a été également saccagée de même que celle du Portugal et même l’appartement particulier du Chargé d’Affaires portugais. Il y a donc lieu de craindre en cas d’une reconnaissance de jure de notre part, des actes de rétorsion de la part des dirigeants de Madrid qui se traduiraient par des actes de violence contre nos compatriotes, contre leurs propriétés et même contre notre Chancellerie de Madrid et son personnel et contre notre Agence Consulaire de Valence car ces dernières ne seraient pas à l’abri de la vengeance des Gouvernants rouges qui feraient expulser ou détenir nos compatriotes et saccager ou confisquer leurs propriétés. Quant aux asilés ils seraient à la merci de ces derniers.
Un moyen d’éviter ces graves dommages, consisterait à négocier avec une Légation ou une Ambassade d’un pays ami à Madrid la reprise sous sa protection de nos asilés. C’est ce que la Roumanie est en train de faire avec l’Ambassade du Brésil, sauf erreur, au moment où elle est sur le point de passer à la reconnaissance de jure. Quant à nos compatriotes, il faudrait en tout cas les confier à la protection d’un autre Etat également, mais il serait beaucoup plus prudent de les rapatrier ce qui ne paraît pas impossible. Il n’est d’ailleurs point exclu que les rouges de Madrid, sentant venir la défaite et le châtiment et peutêtre l’impossibilité de s’évader, ne se livreront plus à l’heure actuelle aux mêmes actes de vengeance qu’ils ont accomplis naguère avec les pays qui ont rompu avec eux. L’évacuation de Barcelone sans résistance et sans destruction systématique de la ville, pourrait renforcer cette hypothèse.
La Pologne qui est sur le point de reconnaître de jure le Gouvernement Franco, hésite à le faire avant la chute de Madrid, bien qu’elle n’ait en cette dernière ville plus qu’une demi-douzaine d’asilés et 35 familles polonaises. Elle a demandé à la France de reprendre ses asilés mais celle-ci a refusé. Devant ce refus, et en faisant une question d’honneur et de prestige, la Pologne renonce à confier ses asilés à une quelconque République Sud-Américaine et gardera jusqu’au bout ses protégés. La Pologne ferait ainsi différer sa reconnaissance de jure jusqu’à la prise de Madrid, qu’elle escompte dans un délai de 4 à 6 semaines.
Quant à la Tchéco-Slovaquie qui vient de procéder officiellement à la reconnaissance de jure, elle a abandonné à leur sort sa Légation à Madrid avec un ou deux fonctionnaires ainsi que quelques ressortissants tchéco-slovaques, tandis qu’elle avait réussi déjà depuis quelque temps à évacuer ses asilés en prétendant qu’elle les transférait en Tchéco-Slovaquie alors qu’elle s’est bornée à les conduire en France d’où ils ont pu gagner l’Espagne Nationale.
Quant à la procédure qui a été suivie par les pays qui ont reconnu de jure, ces derniers se sont abstenus de faire une communication au Représentant rouge dans leur capitale, lequel a compris la situation nouvelle, et s’est retiré lui-même en faisant abandon, non toutefois sans quelques difficultés, de l’immeuble de la Légation à son successeur, Représentant de l’Espagne Nationale.
Dans un télégramme que je vous envoie ce soir encore4, je résume ce qui est dit plus haut de la façon suivante:
Les avantages d’ordre moral et matériel (établissements, débouchés, commerce) sont certains et importants. Toutefois il est presque impossible d’éviter une rupture avec Madrid dont il y a lieu de craindre des actes de violence contre nos immeubles et nos archives, contre nos compatriotes et leurs propriétés ainsi que contre nos asilés. Pour ne pas perdre le fruit d’une reconnaissance en ce moment, il faudrait pouvoir assurer l’évacuation de nos compatriotes et le transfert de nos asilés à une tierce Puissance. Sinon il faudrait attendre la chute de Madrid.
Enfin je ne voudrais pas vous cacher ici ma très grande satisfaction éprouvée en prenant connaissance de votre intention de me nommer Ministre en Espagne dès que les circonstances vous le permettront et je vous en exprime à l’avance ma profonde reconnaissance.
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