Language: French
27.12.1938 (Tuesday)
CONSEIL FÉDÉRAL Procès-verbal de la séance du 27.12.1938
Minutes of the Federal Council (PVCF)
Considérations sur le rôle des colonies suisses à l'étranger et les dispositions de nature à éviter leur affaiblissement et à créer un nouveau courant d'émigration, notamment en France et en Angleterre. Décision de maintenir et de développer le service de placement à l'étranger, d'allouer le crédit néccessaire et d'organiser auprès de la Légation de Suisse à Paris un service d'information.

Classement thématique série 1848–1945:
V. LES SUISSES DE L'ÉTRANGER, ÉMIGRATION
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Oscar Gauye (ed.)

Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 12, doc. 494

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Bern 1994

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dodis.ch/46754
CONSEIL FÉDÉRAL
Procès-verbal de la séance du 27 décembre 19381

2299. Service de placement à l’étranger

Le département de l’économie publique expose ce qui suit:

«/. Maintien et développement du service de

placement à l’étranger.

La précarité de la situation de nos compatriotes à l’étranger n’est pas le moindre des maux engendrés par la crise. Rien ne permet de prévoir une notable amélioration à cet égard et selon toute vraisemblance une reprise économique normale et stable ne serait pas suivie, avant une longue échéance du moins, d’un retour à un ordre plus normal. Les mesures de protection prises à l’intérieur de chaque pays en faveur de la main-d’œuvre nationale, l’état d’esprit xénophobe qui s’est développé dans la plupart d’entre eux, ont actuellement des conséquences générales et particulières des plus fâcheuses qui laisseront en tout état de cause des traces profondes.

Les colonies suisses à l’étranger, du fait des départs, des naturalisations sollicitées souvent sous la pression des événements ou des autorités, des barrières opposées à la venue de nouveaux éléments, s’anémient et ne sont plus à même de remplir dans la même mesure que dans le passé leur rôle de pionniers et d’avant-postes de notre propre économie. De nombreux compatriotes réduits au chômage à l’étranger ne parviennent plus à se faire engager en raison de leur nationalité et vivent dans des conditions fort pénibles; après de vains efforts, beaucoup reviennent au pays avec l’espoir d’y trouver un sort meilleur. Souvent déçus dans cet espoir, ils contribuent à alourdir le marché du travail et ne peuvent pas toujours réprimer les sentiments que leur inspire leur détresse morale et matérielle. Si l’on n’y prenait garde, ils pourraient apporter chez nous les germes d’un mécontentement disproportionné avec l’importance de ce problème.

Depuis longtemps notre Département voue tous ses soins aux cas de Suisses de l’étranger. Il a collaboré également aux dispositions prises en son temps d’entente avec le Département politique et le Département de justice et police pour sauvegarder les intérêts de nos compatriotes résidant depuis plusieurs années à l’étranger et pour ouvrir l’accès de certains pays aux jeunes éléments, notamment aux stagiaires du commerce, de l’artisanat et de l’industrie.

Dans les circonstances présentes, un pas de plus dans cette voie paraît devoir être franchi. Les résultats encourageants obtenus ne suffisent pas; que de nouvelles complications surgissent, il en résulterait un débordement qu’il est temps encore de prévenir.

Des considérations de cette nature ont amené, en septembre 1937, la Division des affaires étrangères, la Division de police et l’Office fédéral de l’industrie, des arts et métiers et du travail à s’entretenir des dispositions de nature à éviter, en France et en Angleterre notamment, un affaiblissement de nos colonies et à créer un nouveau courant d’émigration.

L’enquête confiée à la suite de cet entretien à l’Office fédéral de l’industrie, des arts et métiers et du travail a démontré qu’il importe de maintenir et de développer le service suisse de placement à l’étranger et d’organiser en France un service d’information et de liaison auprès de la Légation de Suisse en France.

Incontestablement, nous aurions grand intérêt à posséder en France au moins un bureau de placement auquel nos compatriotes résidant déjà dans le pays ou ceux qui voudraient s’y rendre, puissent s’adresser en toute confiance, avec la certitude que ce bureau fera tout pour guider leurs recherches et pour faciliter directement ou indirectement leur placement. On ne peut s’attendre à ce que cet office soit rempli par les bureaux de placement français publics ou privés. La Légation ou les Consulats de Suisse en France ne pourraient pas non plus s’occuper d’une manière suivie d’opérations de placement tant à l’égard des autorités françaises qu’en ce qui concerne les difficultés pratiques auxquelles ils se heurteraient. On ne saurait non plus songer à la création d’un ou plusieurs bureaux nouveaux, à supposer que la législation française le permît, car le champ d’action du placement privé se rétrécit en France et ils n’offriraient pas par ailleurs toutes les garanties désirables. Dans ces conditions, la solution la meilleure consiste à rechercher le concours d’un bureau dont l’existence et l’activité est déjà admise par les autorités françaises. Tel est le cas du bureau de placement entretenu à Paris par la Société suisse des commerçants et le Cercle commercial suisse, dans les locaux de ce dernier. Ce bureau qui s’occupe uniquement du personnel commercial, fonctionne gratuitement. Bien qu’il se tienne avant tout à la disposition des employés français qui recourent à ses services, ce qui lui vaut de n’avoir jamais eu de difficultés de la part des autorités françaises. Indépendamment des opérations de placement proprement dit, il fournit tous renseignements utiles à nos compatriotes qui journellement s’adressent à lui.

Sa gestion est contrôlée par le service paritaire suisse de placement pour le personnel commercial à Zurich, partie intégrante du service public suisse de placement et comme tel subventionné par la Confédération; des bureaux de placement analogues à celui de Paris existent depuis de nombreuses années à Londres, Bruxelles et Milan; celui de Barcelone reprendra son activité dès que les circonstances le permettront.

Il résulte également de l’enquête faite à Londres que le marché britannique offre beaucoup d’intérêt pour les travailleurs suisses, surtout pour les employés de commerce et le personnel technique. Les autorités anglaises sont, à l’égard de nos compatriotes, dans des dispositions très favorables qui doivent nous encourager à rechercher les occasions de travail qui peuvent se présenter dans ce pays et les mettre à la portée des Suisses qui s’y trouvent déjà ou qui voudraient s’y rendre. Le service de placement qui fonctionne depuis plus de cinquante ans en faveur des employés de commerce, situé dans les locaux de la Swiss Mercantile Society, paraît tout désigné pour cette tâche.

Pour répondre au but envisagé, les deux bureaux précités comme ceux dont le développement ou la création dans d’autres pays deviendrait nécessaire, devraient étendre leur activité à toutes les professions, s’occuper du placement de nos compatriotes quel que soit le lieu de leur domicile et s’organiser selon le mode paritaire. Les associations professionnelles intéressées se sont entendues sur ces points. Un projet de règlement a été élaboré qui détermine la participation aux frais et les compétences de ces organisations, lesquelles auraient la haute main sur les bureaux de placement à l’étranger, sous le contrôle et la surveillance de l’Office fédéral de l’industrie, des arts et métiers et du travail.

Ces bureaux disposent de ressources extrêmement modestes fournies par les diverses associations qui leur portent intérêt. D’autre part, les émoluments de placement très bas qu’ils perçoivent ne pourraient pas être augmentés, et certaines législations, en France par exemple, exigent même d’eux la gratuité. Les associations professionnelles qui ont accepté, dans l’intérêt commun, de leur confier de nouvelles tâches importantes, ne peuvent assumer seules la charge des frais supplémentaires qui en résulteront et sollicitent l’aide des pouvoirs publics. Etant donné les résultats de l’enquête, les avis exprimés par les Légations et les milieux professionnels et l’importance que présente cette question pour notre pays, nous estimons qu’il y aurait lieu de faire droit à cette requête sur la base de l’arrêté fédéral du 29 octobre 1909 concernant l’encouragement du service de placement et de l’ordonnance du Conseil fédéral du 11 novembre 1924 concernant le service de placement, ceci au même titre que les bureaux paritaires de placement déjà reconnus et subventionnés. Il est difficile d’évaluer avec précision les dépenses qui pourront résulter du développement des services de placement à l’étranger; indépendamment de l’augmentation des frais généraux et d’administration il faut prévoir la nécessité d’engager du personnel supplémentaire. Les moyens nécessaires à cet effet pourraient être prélevés sur le crédit F. III 12f pour le subventionnement du service public de placement et des bureaux paritaires de placement, en application de l’arrêté fédéral du 29 octobre 1909 et de l’ordonnance du Conseil fédéral du 11 novembre 1924 concernant le service public de placement. Il est peu probable cependant que la subvention fédérale pour les services existants dépasserait, pour cette année et l’année prochaine, le montant de 30000 francs. L’arrêté précité du 29 octobre 1909 fixant la subvention fédérale susceptible d’être allouée à un tiers des dépenses et ce maximum ayant été réduit à 30% en vertu de l’arrêté fédéral du 31 janvier 1936 (programme financier II), ce taux ne suffirait pas pour le bureau de Paris dont les services doivent être absolument gratuits. Il s’agirait de compléter la subvention ordinaire jusqu’à concurrence de 10000 francs par an environ, par une contribution supplémentaire prélevée sur le crédit ouvert par l’arrêté fédéral du 1er avril 1938 concernant l’aide à des émigrants, soit sur la part réservée à notre Département pour Immigration en Europe.

II. Organisation d’un service d’information en France.

L’expérience a montré combien nos compatriotes sont exposés en France à perdre leur emploi et à demeurer en chômage en raison de l’instabilité des conditions économiques et des entraves mises à l’emploi de la main-d’œuvre étrangère. Or, il est notoire que les possibilités d’emploi en France sont très différentes d’une région à l’autre; il peut y avoir excédent de main-d’œuvre dans certaines contrées, tandis que dans d’autres elle sera recherchée. Il faudrait donc pouvoir suivre de près les fluctuations du marché du travail dans son ensemble et en tirer parti au profit de nos compatriotes en quête d’emploi disséminés partout en France. Déjà au cours de leur entretien du 30 septembre 1937, la Division des affaires étrangères, la Division de police et l’Office fédéral de l’industrie, des arts et métiers et du travail admirent que l’organisation d’un service d’information auprès de la Légation de Suisse en France serait appelée à rendre de précieux services.

La Légation et les Consulats de Suisse en France réunis à Paris dans une conférence à laquelle prirent également part des représentants du Département de justice et police et de notre Département, se sont accordés à reconnaître l’utilité d’une telle institution. Elle aurait pour tâche de suivre pour ainsi dire au jour le jour le développement de la situation avec le concours des Consulats, des sociétés suisses et de compatriotes. La documentation réunie par ses soins, sans cesse à la disposition des Consulats et de la Légation, permettra à ce service de fournir toutes indications utiles à nos compatriotes en difficultés, de les guider et de les assister dans leurs recherches, de s’entremettre plus sûrement en leur faveur. De toute façon, les efforts de cette institution, conjugués avec ceux du bureau de placement dont il est question ci-dessus, pourront prévenir des rapatriements et aboutir souvent à des placements. En outre, le service d’information aurait le gros avantage de resserrer les liens entre nos compatriotes, les sociétés suisses, les Consulats et la Légation.

Le personnel de cette dernière étant déjà surchargé, la création du service d’information entraînerait l’engagement d’un fonctionnaire et d’une sténodactylographe. Ce fonctionnaire, recruté en dehors du corps diplomatique, devrait posséder une connaissance approfondie des problèmes sociaux et il serait utile qu’il fît un stage de quelques mois à l’Office fédéral de l’industrie, des arts et métiers et du travail afin de se mettre au courant des questions ayant trait au marché du travail. Il importerait également de lui donner l’occasion de s’initier auprès de la Police fédérale des étrangers aux questions concernant le séjour et l’établissement des étrangers.

Indépendamment des considérations morales et politiques qui nous paraissent justifier sa création, nous avons tout lieu de croire que le service d’information permettra d’obtenir une diminution des charges incombant aux pouvoirs publics au titre de l’assistance et du rapatriement de nos compatriotes, économie susceptible de compenser largement les frais de son installation et de son entretien.

Selon toute vraisemblance, l’ensemble des dépenses prévues sous I et II ne dépassera pas Fr. 38 500.-.

La présente proposition a été soumise en projet au Département politique, Division des affaires étrangères, au Département de justice et police, Division de police, et au Département des finances qui, tous trois, ont confirmé leur accord. Nous ajouterons que nous sommes également d’avis, avec le Département politique fédéral, de considérer l’organisation d’un service spécial d’information auprès de la Légation de Suisse à Paris comme un essai dont les résultats donneront lieu à un examen attentif à l’échéance du premier exercice.»

Vu ce qui précède, le Département de l’économie publique propose et le Conseil décide:

A) de maintenir et de développer le service de placement à l’étranger:

a) d’allouer à cet effet une subvention annuelle sur le crédit prévu au budget sous le titre: F.III. 10 a offices de travail et services de placement des associations professionnelles, en application de l’arrêté fédéral du 29 octobre 1909, et de l’ordonnance du Conseil fédéral du 11 novembre 1924 concernant le service public de placement;

b) de prélever sur le crédit F. III 12 f: l’encouragement de rémigration dans les pays européens, la subvention complémentaire nécessaire en faveur du bureau de placement du Cercle commercial à Paris.

B) a) d’organiser auprès de la Légation de Suisse en France un service d’information qui fonctionnera en liaison étroite avec les Consulats, les sociétés suisses en France et toutes personnes dont le concours pourrait être utile, ainsi qu’avec le bureau de placement du Cercle commercial à Paris;

b) d’autoriser le Département fédéral de l’économie publique à engager à cet effet un employé ayant les connaissances et aptitudes voulues pour ce poste et qui sera initié à sa nouvelle tâche par les soins de l’Office fédéral de l’industrie, des arts et métiers et du travail. Il est également autorisé à engager une sténo-dactylographe pour seconder le fonctionnaire chargé du service d’information. Le salaire de ce personnel sera prélevé sur le crédit F.Ill 1, traitements et allocations.

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E 1004.1 1/380.