Classement thématique série 1848–1945:
XIII. LA SUISSE ET LA POLITIQUE HUMANITAIRE
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 12, doc. 362
volume linkBern 1994
Plus… |▼▶Emplacement
Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2001D#1000/1551#3520* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2001(D)1000/1551 112 | |
Titre du dossier | Allgemeines (1936–1939) | |
Référence archives | B.64.240 |
dodis.ch/46622
Comme vous le savez, la Conférence internationale de la Croix-Rouge s’est tenue à Londres du 20 au 25 juin. La Croix-Rouge suisse y était représentée et le Conseil fédéral y avait délégué, pour sa part, trois représentants, M. le Colonel Vollenweider, médecin en chef de l’armée, M. Gorgé, Conseiller de Légation, et M. le Colonel Wacker, du Service de l’Etat-Major général.
Pour votre information, nous vous remettons sous ce pli le texte du rapport que M. Gorgé avait présenté à la Conférence au nom de la IIe Commission (Commission juridique)2.
Ainsi que vous le constaterez, la Conférence a unanimement exprimé le vœu «que la conférence chargée d’examiner les projets de convention actuellement à l’étude se réunisse dans le plus bref délai». Vous vous souviendrez qu’il avait été dans notre intention de convoquer une conférence diplomatique appelée à délibérer sur deux projets de convention, l’un concernant l’aviation sanitaire, l’autre concernant la protection des civils de nationalité ennemie, mais les sondages auxquels nous avions procédé dans diverses capitales n’avaient pas donné des résultats encourageants. La Conférence de Londres a tenu à réagir contre des atermoiements qui semblent de moins en moins justifiés, et c’est dans cet esprit qu’elle a adopté le vœu dont nous vous entretenons.
Le Conseil fédéral ne verra sans doute aucune difficulté, pour sa part, à convoquer dans un avenir prochain la conférence chargée d’examiner notamment les deux projets de convention précités et les amendements proposés à la Convention de Genève de 1929. Il y aurait cependant un intérêt évident à ce que cette conférence diplomatique pût s’occuper également de la revision de la Convention de La Haye, du 18 octobre 1907, pour l’adaptation à la guerre maritime des principes de la Convention de Genève, revision qui est également sur le chantier. Les rapports entre la Convention de Genève et celle de La Haye sont si étroits qu’il y aurait tout à gagner à faire examiner en même temps et par la même conférence les deux instruments dont il s’agit. Ce mode de procéder paraît d’autant plus s’imposer que, sur la proposition de la Croix-Rouge britannique, la Conférence de Londres a adopté une résolution touchant à la fusion en un seul instrument des «stipulations humanitaires ayant trait à la Croix-Rouge et contenues dans les Conventions de Genève et de La Haye, ainsi que dans d’autres conventions similaires».
Le renvoi à une seule conférence diplomatique des Conventions de Genève et de La Haye dépend cependant entièrement du Gouvernement néerlandais. Celui-ci occupe vis-à-vis de la Convention de La Haye la même situation que nous vis-à-vis de la Convention de Genève. Il en est le gérant, et il lui serait loisible de convoquer lui-même une conférence diplomatique indépendante pour la revision de la Convention de La Haye. Son droit à ce propos est trop bien fondé pour qu’il puisse être mis en question, et ce n’est pas nous qui voudrions faire à son égard un geste qui pût être interprété comme une tentative d’accaparement. Nous tenons, au contraire, à ce qu’aucun malentendu ne puisse naître à ce sujet. Sans doute le vœu adopté à Londres avec le concours de la délégation des Pays-Bas ne fait allusion, comme vous le verrez, qu’à une seule conférence, ce qui pourrait donner à penser que, dans l’esprit de la Conférence, il serait préférable de procéder dans une conférence unique à la revision des conventions dont il s’agit, mais nous nous garderons bien, quant à nous, de tirer argument de ce texte pour faire prévaloir un point de vue qui, si justifié qu’il puisse paraître objectivement, ne correspond peut-être pas à celui du Gouvernement néerlandais.
Il ne s’agit nullement d’ailleurs d’argumenter contre le Gouvernement de La Haye. Nous serions seulement désireux de savoir s’il entend donner suite, pour ce qui est de la Convention de La Haye, au vœu de la Conférence de Londres ou s’il verrait une objection, le cas échéant, à ce que la conférence diplomatique à convoquer par le Conseil fédéral fût chargée de s’occuper en même temps de la revision de la Convention sur la guerre maritime, du 18 octobre 1907. Nous nous rangerons sans autre à l’avis qu’il voudra bien nous donner.
Nous ne vous cacherons pas, cependant, que nous attacherions un certain prix à faire rentrer sous notre gérance toutes les conventions générales concernant la Croix-Rouge. Vous savez l’intérêt très grand que la Suisse a toujours voué à cette institution, qui a été conçue et créée sur notre territoire, et il ne vous échappera pas combien il y aurait avantage, à nos yeux, à ce que la Croix-Rouge ne dépendît plus, pour la gérance de ses conventions, de deux gouvernements, mais d’un seul. Il n’y aurait plus une Convention de La Haye et des Conventions de Genève, mais des Conventions de Genève seulement. La régime international de la Croix-Rouge gagnerait en unité; plus cohérent, il gagnerait aussi en force.
Il est fort possible que les Autorités néerlandaises se soient déjà préoccupées de la question, surtout après les résultats de la Conférence de la Croix-Rouge. Elles en seront d’ailleurs indirectement saisies par M. Max Huber, Président du Comité international de la Croix-Rouge, qui leur a adressé une lettre analogue, mutatis mutandis, à celle qu’il vient de nous faire parvenir et dont vous trouverez également la copie sous ce pli3.
Ajoutons que les délégués des Pays-Bas n’ont pas exprimé, sur ce point, d’opinion formelle à Londres, mais lorsque abordant la proposition britannique sur la fusion, proposition qui s’étendait initialement à toutes les «stipulations humanitaires» des conventions en vigueur (y compris donc celles des Conventions de La Haye sur les lois et coutumes de la guerre), notre délégué avait suggéré d’emblée, comme président, de limiter la fusion éventuelle «aux stipulations humanitaires ayant trait à la Croix-Rouge», M. Donker-Curtius, le porte-parole de la délégation hollandaise, avait donné des signes visibles d’approbation. Il se pourrait donc que, du côté néerlandais, on fût avant tout soucieux de garder le contrôle diplomatique sur l’œuvre accomplie à La Haye en 1899 et en 1907 dans le domaine du droit des gens et qu’on ne fît pas d’objection, en revanche, au rapatriement à Genève d’une convention particulière comme celle qui a trait à l’application des principes de la Croix-Rouge à la guerre maritime.
Quoi qu’il en soit, nous vous saurions gré de bien vouloir prendre l’avis du Gouvernement néerlandais sur la question qui nous intéresse. En raison du caractère quelque peu délicat de la démarche à entreprendre, peut-être jugerezvous indiqué d’intervenir personnellement auprès du Ministère des Affaires étrangères.
En vous remerciant d’ores et déjà des informations que vous serez en mesure de nous transmettre, nous vous présentons, Monsieur le Chargé d’Affaires, l’assurance de notre considération la plus distinguée4.
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