Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 12, doc. 338
volume linkBern 1994
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E1004.1#1000/9#13413* | |
Dossier title | Beschlussprotokoll(-e) 04.07.-08.07.1938 (1938–1938) |
dodis.ch/46598 CONSEIL FÉDÉRAL
Procès-verbal de la séance du 8 juillet 19381 1176. Commission internationale d’enquête concernant les bombardements aériens
Procès-verbal de la séance du 8 juillet 19381
Les bombardements aériens de villes ouvertes en Espagne ont vivement ému l’opinion mondiale.
Cette émotion s’est notamment traduite en Suisse par l’appel adressé, le 10 février 19382, au Conseil fédéral par 155 membres du Conseil national et par 41 membres du Conseil des Etats et dont voici le texte:
«Contre le bombardement de villes ouvertes.
Appel adressé au Conseil fédéral par des membres de l’Assemblée fédérale.
Les soussignés, membres des conseils législatifs, prient le Conseil fédéral de vouloir bien, seul ou en commun avec les gouvernements d’autres pays et en liaison avec la Croix-Rouge internationale ou d’autres institutions internationales, faire toutes démarches utiles pour qu’il soit mis fin au bombardement de villes ouvertes, bombardement qui est un défi à tous sentiments d’humanité.»
A la suite de cet appel, le département politique s’était adressé au comité international de la Croix-Rouge, en l’encourageant vivement à entreprendre des démarches auprès des deux partis aux prises en Espagne. Ces démarches, faites le 15 février, sont malheureusement restées sans effet.
Le département susnommé avait, d’autre part, pris contact avec les gouvernements belge, britannique, français et néerlandais, qu’il savait préoccupés du problème. Le gouvernement britannique avait officiellement fait savoir que, sur une motion présentée au parlement anglais et demandant que des efforts soient entrepris pour la conclusion d’un arrangement international tendant à interdire les bombardements de villes ouvertes, les services du ministère de l’air avaient été chargés de déterminer ce qu’il fallait considérer une ville ouverte ou des objectifs d’importance stratégique.
Quant à l’Espagne, les démarches du comité international de la Croix-Rouge ont été suivies de diverses interventions du gouvernement britannique et du Saint-Siège, ainsi que de protestations du gouvernement français, mais sans meilleurs résultats.
Il est évident que le parti en guerre qui possède la supériorité au point de vue aérien tend à ressentir ces interventions comme une immixtion de l’étranger dans ses affaires intérieures et à leur prêter des arrière-pensées politiques, même si elles ne sont faites que dans une intention purement humanitaire. Il est, d’autre part, facile aux belligérants de justifier ces bombardements en invoquant des prétextes d’ordre militaire. Les démarches faites jusqu’ici n’ont eu, de ce fait, que des résultats très problématiques. D’un côté, on en contestait le bien-fondé et, de l’autre, on devait constater qu’elles n’apparaissaient jamais être suivies d’effets concrets.
C’est dans ces conditions que le Gouvernement britannique a pris l’initiative de constituer une commission internationale d’enquête qui se trouverait en liaison avec le comité de non-intervention, résiderait en France, à proximité de la frontière espagnole, et pourrait, immédiatement après les bombardements aériens suspects, être invitée par l’un ou l’autre parti à venir constater sur les lieux si l’attaque avait été dirigée contre des objectifs militaires ou non. La commission ne pourrait naturellement fonctionner qu’avec l’accord des deux partis en présence en Espagne, qui auraient à donner leur assentiment au principe même de l’enquête et au choix des membres de la commission.
La légation de Grande-Bretagne à Berne a été chargée par son gouvernement de demander au Conseil fédéral de désigner un officier suisse comme membre de cette commission internationale d’enquête3. Les gouvernements américain, néerlandais, suédois et norvégien avaient été déjà pressentis. Le gouvernement américain s’était récusé. La Suède a été écartée à la demande du général Franco. Le concours de la Norvège et des Pays-Bas semblerait assuré, mais le gouvernement britannique estime que l’aide d’un quatrième gouvernement serait nécessaire et c’est la raison pour laquelle il s’adresse à la Suisse. Chaque Etat aurait à sa charge les frais de son représentant.
Quels que soient les doutes qu’on puisse avoir sur les résultats qui pourront être atteints au moyen de cette commission, l’initiative prise par la Grande-Bretagne ne constitue pas moins une contribution intéressante pour la solution d’un problème qui préoccupe vivement. La participation de la Suisse à cette commission d’enquête répondrait certainement au désir de l’opinion publique suisse, qui s’inquiète de voir sans réaction les massacres de civils innocents.
En revanche, du point de vue politique, notre participation soulèverait de très sérieuses objections. Les autorités suisses n’ont eu qu’à se féliciter de l’extrême réserve qu’elles ont observée dans le conflit espagnol, notamment en refusant de faire partie du comité de non-intervention et des diverses commissions internationales de contrôle. La désignation d’un délégué du Conseil fédéral dans une commission d’enquête prendrait un caractère politique et se concilierait mal avec la ligne de conduite que la Confédération a suivie jusqu’ici. Le département politique estime donc, d’entente avec le département militaire, que, malgré toute la sympathie que l’on a pour l’initiative britannique, on ne peut accepter de participer à cette commission d’enquête par l’envoi d’un délégué officiel.
La question se présenterait sous un jour différent si, au lieu de faire appel au gouvernement de la Confédération, le gouvernement britannique s’adressait au comité international de la Croix-Rouge et lui demandait de se faire représenter dans la commission envisagée par un officier suisse. Dans ce cas, on pourrait se réserver d’examiner encore la question d’autoriser un officier de notre armée à fonctionner comme délégué du comité. Il est, toutefois, fort douteux que le comité international accepte de participer à une commission dont les décisions pourraient provoquer chez les belligérants des réactions défavorables et compromettre par là l’œuvre si utile qu’il a entreprise en Espagne.
Vu la proposition du département politique, il est donc décidé de répondre à la légation de Grande-Bretagne que, pour des raisons de principe, le Conseil fédéral ne croit pas pouvoir désigner un délégué officiel à la commission internationale d’enquête pour les bombardements aériens.