Confidentielle Rome, 17 mai 1938
Je profite du voyage de mon collaborateur militaire, Colonel de Watteville, en Suisse pour lui confier la présente lettre relative à une partie de mon dernier entretien avec le Ministre des Affaires Etrangères, entretien qui a fait, par ailleurs, l’objet de mon rapport du 14 mai2. Conformément aux indications contenues dans votre lettre du 28 avril3, j’avais abordé, au cours de cette conversation du 12 mai, la question de la reconnaissance de la neutralité intégrale de la Suisse dans le cadre de la Société des Nations, question qui a été depuis lors si brillamment résolue à Genève d’une manière qui vous assure à nouveau de la gratitude du Pays. J’ai placé sous les yeux du Comte Ciano le texte du mémorandum du Conseil fédéral, dont des exemplaires avaient déjà été remis au Palais Chigi et à la Légation d’Italie à Berne.
Tout en déclarant qu’il connaissait et appréciait la question, M. Ciano m’a dit qu’il devait reparler de toute la question à M. Mussolini et que le problème serait ensuite examiné «de concert avec Berlin». C’était une réponse à une allusion de ma part exprimant «notre attente que l’Italie, hautement intéressée au maintien de notre neutralité, déclarerait, en réponse à une notification de notre part, qu’elle la respecterait toujours, tout en ne formulant aucune objection à notre appartenance à la Société des Nations».
M. Ciano a parlé d’une manière si immédiate de P«échange de vues avec Berlin» que j’ai eu la pensée qu’il a été question de la neutralité suisse à l’occasion des récents pourparlers italo-allemands. La publication des réserves inattendues de la presse officieuse allemande - reproduites dans des dépêches de Berlin de la «Voce d’Italia», - paraît confirmer ces soupçons.
Vu cette impression, j’ai dit au Comte Ciano qu’évidemment la réponse italienne ne pouvait faire aucun doute et le Ministre des Affaires Etrangères a fini par dire qu’«il le croyait aussi».
Si je crois, cependant, devoir vous signaler ce qui précède, c’est pour que nous ne soyons pas pris au dépourvu à la suite d’échanges de vues italo-allemands.