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Le Chef du Département politique, G. Motta, au Ministre de Suisse à Londres, Ch. R. Paravicini1

Pour faire suite à l’entretien téléphonique que vous avez eu ce matin avec M. Bonna2, nous avons l’honneur de vous remettre copie du rapport3 par lequel votre collègue M. Stucki nous communique les renseignements qu’il a obtenus du Quai d’Orsay au sujet de la rédaction de la résolution que le Gouvernement de la Grande-Bretagne proposera au Conseil de la Société des Nations touchant la neutralité de la Suisse dans le cadre de la Société. Ainsi que vous le verrez, ces renseignements sont assez précis et ne peuvent reposer que sur un texte déjà préparé.

Nous sommes un peu surpris que, du moment que ce texte existe, on hésite, à Londres, à vous en donner connaissance et nous ne pouvons vous cacher notre crainte que la raison de cette réticence ne réside dans le désir de ne nous mettre qu’au dernier moment en présence d’une réserve qui annulerait en partie ce qui nous serait concédé. Suivant comment est rédigée la réserve que M. Stucki nous indique sous chiffre 2, cette crainte n’aurait rien de chimérique.

Nous vous serions, en conséquence, très reconnaissants d’insister à nouveau auprès du Foreign Office, et au besoin auprès de Lord Halifax lui-même, pour être mis en mesure de nous renseigner de façon précise sur ce que le Gouvernement britannique se propose de faire à notre égard et pour que nous puissions examiner à tête reposée un texte qui revêt pour notre pays une importance considérable.

Il nous semble vraiment qu’une telle prétention n’a rien d’exorbitant et nous avons peine à imaginer les raisons qui, dès le début de cette affaire, ont poussé le Gouvernement britannique à se dérober à des échanges de vues qui eussent semblé tout naturels. Cette attitude contraste avec l’amicale compréhension et les méthodes ouvertes et simples que nous avons trouvées à Paris. Comme le Gouvernement français passe pour beaucoup plus dogmatique et imbu d’idéologie que le Gouvernement britannique, c’était, nous devons l’avouer, plutôt au contraire que nous nous attendions.

P.S. Cette lettre a été écrite au début de l’après-midi, avant que vous appeliez M. Bonna au téléphone pour la seconde fois4. Bien que votre nouvelle communication accentue le désaccord apparent des nouvelles qui nous parviennent de Londres et de Paris, nous ne croyons rien devoir changer à ce qui précède. Nous vous serions, toutefois, reconnaissants de ne rien dire à Londres qui puisse mettre dans l’embarras les informateurs français de M. Stucki.