dodis.ch/46526 Le Chargé d’Affaires de Suisse à
Lisbonne, Ch.
Redard, au Chef de la Division des A ff aires étrangères du Département politique,
P. Bonna1
J’ai l’honneur de vous informer que, suivant vos instructions, j’ai fait savoir, le 12 du courant, au Ministère des Affaires Etrangères qu’un grand nombre de citoyens portugais prient instamment le Consulat de Suisse à Barcelone de leur faciliter la sortie de l’Espagne et que, pour des motifs hautement humanitaires, il faudrait rendre possible le départ de ces malheureux en leur fournissant, sinon des passeports pour retourner dans leur pays, tout au moins des pièces d’identité à durée limitée avec lesquelles ils pourraient passer la frontière française.
Le fonctionnaire du protocole, auquel je m’étais adressé, m’a dit qu’il allait immédiatement soumettre le cas à l’appréciation de l’Ambassadeur Sampayo, Secrétaire Général du Ministère. Ce fonctionnaire a terminé notre conversation par cette observation: «L’affaire est très délicate; il y a Portugais et Portugais».
Hier, à la fin de l’après-midi, j’ai téléphoné au Ministère pour demander si une décision avait été prise. Un quart d’heure plus tard, le Chef du Protocole, Vicomte de Riba Tamega, m’informa que M. Sampayo allait consulter M. le Président Salazar et qu’une réponse pourrait m’être donnée samedi ou lundi.
M. Riba Tamega semble toutefois avoir été mal renseigné car j’ai reçu hier soir à 22 heures la note verbale2 dont veuillez trouver, sous ce pli, copie et traduction en deux exemplaires.
Pour les motifs qui m’ont été indiqués, verbalement ou par écrit et que je résumerai comme suit, la décision prise me paraît irrévocable:
a) tous les citoyens portugais résidant à Barcelone ont été invités à quitter la Catalogne avant le départ du Consul Général du Portugal; les moyens de partir ont été mis à leur disposition.
b) ceux qui n’ont pas voulu donner suite à cette invitation doivent, de l’avis du Gouvernement portugais, supporter les conséquences de leur décision; nonobstant, les autorités portugaises consentiront à autoriser l’établissement de passeports après l’examen de chaque cas particulier, si elles estiment que la protection consulaire demandée peut encore être accordée;
c) les individus qui sont restés volontairement à Barcelone sont, de l’avis du Gouvernement portugais et à l’exception de quelques religieuses, des communistes qui ont voulu lier leur sort au Gouvernement rouge ou des émigrés politiques. Les premiers n’intéressent pas le Gouvernement du Portugal qui n’admet pas qu’on puisse être en même temps un bon patriote portugais et un partisan de Moscou. Quant aux réfugiés politiques, les autorités consulaires ne sont pas compétentes pour leur délivrer des documents.
Par conséquent, le Gouvernement du Portugal prie le Consulat de Suisse à Barcelone de continuer à suivre les instructions qui lui ont été transmises par la Note verbale No 27 du 30 décembre 19373, dont je vous ai envoyé copie et traduction le 4 janvier dernier (lettre No 3/18. B.3-231 RL).