Classement thématique série 1848–1945:
II. LES RELATION BILATÉRALES ET LA VIE DES ÉTATS
II.14. ITALIE
II.14.3. ITALIE. AFFAIRES DE PRESSE
Également: Ruegger critique les articles de F. Klein sur l’Italie dans la Weltwoche. Annexe de 18.11.1937
Pubblicato in
Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 12, doc. 217
volume linkBern 1994
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E2001D#1000/1552#109* | |
Vecchia segnatura | CH-BAR E 2001 (D) 2 7 | |
Titolo dossier | Italien, Allgemeines (1936–1940) | |
Riferimento archivio | A.15.43.0 • Componente aggiuntiva: Italien |
dodis.ch/46477
Le Chargé d’affaires de la Légation de Suisse à Rome, L.H. Micheli, au Chef du Département politique, G. Motta1
J’ai l’honneur de faire suite à la lettre de M. le Ministre Ruegger du 19 de ce mois2, qui se référait notamment à votre office du 8 février3, annonçant la visite de M. le Dr. Rietmann, Directeur de la N.Z.Z., Président de l’Association suisse des éditeurs de journaux. M. Rietmann a été reçu hier, à la fin de l’après-midi, par M. Mussolini et est reparti ce matin de bonne heure pour Zurich. Il compte venir vous rendre visite très prochainement. J’ai pu le voir encore un instant le soir, et j’essayerai de rapporter ce que j’ai retenu de son récit de l’audience au Palais de Venise, qui a duré environ une demi-heure; il n’avait pas eu le temps de rédiger des notes à ce sujet.
Le Chef du Gouvernement a parlé à M. Rietmann en connaisseur averti et attentif de la presse, en homme du métier, entrant dans les détails techniques, citant de mémoire ou bien utilisant un fort cahier préparé pour lui (sans doute par M. Alfieri et ses services, sur la base des bulletins Tamaro), avec des extraits de journaux suisses. M. Alfieri assistait à l’entretien, mais n’a pas pris la parole, sauf pour donner quelques informations requises.
M. Rietmann semble avoir surtout eu le rôle d’auditeur. Après quelques mots échangés relatifs à la presse internationale, à propos du Congrès que doit présider à Rome, en mai, notre distingué compatriote, le Duce a fait allusion à l’Autriche, Etat allemand, puis, à propos des récents événements et passant du particulier au général, il s’est plaint de ce que Hitler et lui-même aient tant à se défendre contre les nouvelles erronées, des campagnes tendancieuses, des inventions journalistiques, les effets de la calomnie.
M. Mussolini a répété avec conviction à plusieurs reprises qu’il était un ami sincère de notre pays, pour des raisons politiques, financières et sentimentales. Très vite fut abordé le sujet de la presse suisse. Le Chef du Gouvernement écarta d’emblée les feuilles socialistes ou communistes, dont il ne recherche pas la compréhension ni l’approbation. Mais son ton serait devenu particulièrement sérieux lorsqu’il cita, un à un, une série abondante de journaux bourgeois de la Suisse alémanique qui seraient animés de sentiments peu amicaux vis-à-vis de l’Italie. Selon lui ils contiendraient des indications inexactes, des critiques déplacées, accueillant des nouvelles tendancieuses.
Dans un tour de pensée ayant une singulière analogie avec les vertes observations du Führer du 20 février, M. Mussolini a souligné avec gravité que l’attitude peu favorable d’une grande partie de la presse de notre pays peut être de nature à troubler les bons rapports existant, par ailleurs, entre les Gouvernements et sphères dirigeantes. M. Rietmann n’a pu se défendre du sentiment que son éminent interlocuteur forçait la note, généralisait de manière injuste à l’égard de nos journaux; le Chef du Gouvernement poursuivait sans cesse son idée, écartait par d’autres arguments, de nouvelles citations, chaque effort de son visiteur pour ramener les choses à leur juste mesure, pour diminuer l’importance de telle feuille ou de tel article, pour expliquer les circonstances et aplanir le terrain. Il tenait à marquer lui le point et d’une manière bien catégorique.
En même temps, notre compatriote a eu l’impression nette d’un avertissement suffisamment solennel pour être interprété comme marquant la position redoutée de la tenaille nord-sud qui se dessine et peut resserrer, d’un moment à l’autre, sa pression contre notre conception de «liberté de presse» et la manière de nos journaux d’informer, de juger et de commenter les événements par rapport aux dictatures.
Fait hautement significatif, me semble-t-il: M. Mussolini dit au Dr. Rietmann qu’il ne pensait pas que la «Nouvelle Gazette de Zurich» pourrait continuer à être informée par un correspondant de Berlin rapportant les événements d’Allemagne de la façon actuelle, c’est-à-dire souvent inexacte et défavorable4! Aucune réaction de sa part lorsque le Directeur de la «Nouvelle Gazette de Zurich» a fait observer combien le journal, également dans ses correspondances de Rome, commentait les événements d’Italie avec compréhension, dans un sens amical. Je vous laisse à penser les impressions suscitées par ces déclarations.
On sait combien le Chef du Gouvernement est tout particulièrement sensible à tout ce qui touche aux vertus militaires du peuple italien et à la gloire de ses armes. Aussi n’a-t-il pas laisser échapper l’occasion de signaler, avec une certaine amertume, à M. Rietmann que l’observation, qui avait paru dans la N.Z.Z. et selon laquelle le maréchal Blomberg se serait exprimé en des termes peu élogieux sur les troupes italiennes après sa visite à Rome, était certainement fausse.
Cela dit, il faut ajouter que la visite se termina d’une manière très cordiale et amicale, le Chef du Gouvernement répétant encore qu’il était et serait toujours un ami de la Suisse.
Pendant toute sa visite à Rome, le Président de l’Association suisse des éditeurs de journaux a été traité avec la plus grande courtoisie et affabilité. Il a eu plusieurs entretiens avec le Ministre de la Culture populaire, M. Alfieri, avec le Directeur général Rocco et a été reçu en audience par le Ministre des Affaires Etrangères, Comte Ciano. Il a vu diverses personnes du monde journalistique, entre autres l’éditeur du «Giornale d’Italia».
Il a trouvé auprès de toutes les personnalités qu’il a rencontrées, depuis le Chef du Gouvernement jusqu’aux directeurs de journaux et fonctionnaires, une compréhension amicale de notre pays. La presse salua avec sympathie son arrivée.
En entendant le Dr. Rietmann, je n’ai pu m’empêcher de repenser à une observation récente du Directeur général de la presse, le Ministre Rocco, lors d’un déjeuner à la Légation. Parlant encore de M. Franz Klein, l’ancien correspondant des «Basler Nachrichten» à Rome, M. Rocco s’exprima à peu près ainsi: «Klein avait de la sympathie pour l’Italie, il aimait notre pays et me l’a dit plusieurs fois, mais il voulait faire de Rome une campagne contre le nazisme et combattait la politique d’axe et notre entente avec l’Allemagne, ce qui est inadmissible. Donc il a dû partir5.»
On peut constater en terminant que les récents développements ne font que confirmer ce que la Légation a été obligée de vous rapporter depuis de nombreux mois au sujet du rôle si important des relations de presse et des suites pouvant en découler.
- 1
- Lettre: E 2001 (D) 2/7.↩
- 2
- Non reproduite.↩
- 3
- Cf. No 199.↩
- 5
- Concernant Franz Klein, le Ministre Ruegger écrivait dans une lettre du 18 novembre 1937 au Département politique: Le but de la présente est de vous signaler que la Direction générale de la Presse étrangère au Ministère de la Culture populaire nous a transmis les deux extraits de phonogrammes ci-inclus, indiquant que M. Franz Klein, l’ancien correspondant des «Basler Nachrichten» à Rome, ressortissant autrichien, qui a été éloigné du Royaume pour ses articles et son attitude jugés hostiles à l’Italie, a repris son activité journalistique aux «Basler Nachrichten» et à la «Weltwoche», en Suisse, dans un sens qui n’est point pour être agréable au Gouvernement italien. On sait que M. Klein s’était fait notamment reprocher l’envoi de nouvelles tendancieuses ou inexactes et sa campagne systématique contre les régimes totalitaires, particulièrement celui d’outre- Rhin. On nous a demandé de vous signaler ces articles. Nous nous sommes bornés à indiquer que la Légation ne pouvait que, comme par le passé, constater sans plaisir l’activité de M. Klein. Il n’est évidemment pas très heureux que divers organes de chez nous, dont l’un, d’ailleurs, la «Weltwoche», est interdit en Italie, aient rouvert leurs colonnes à ce journaliste étranger pour des articles où il donne libre cours à ses tendances assez aigries (E 4320 (B) 1974/47/37).↩
Tags