Société des Nations. La décision de l’Italie et la Suisse
Rome, 15 décembre 1937
Pour faire suite à mon rapport du 14 décembre2 sur mon entretien avec M. le Sous-Secrétaire d’Etat Bastianini, j’ai l’honneur de vous faire savoir que c’est avec un intérêt tout à fait exceptionnel que la presse italienne suit l’attitude de la Suisse et notre action diplomatique escomptée en vue d’élargir, dans un sens correspondant aux réalités nouvelles, la Déclaration de Londres du 13 février 1920.
Vous trouverez, sous ce pli, un certain nombre de coupures de journaux italiens dont même les titres indiquent la grande importance que l’on attribue ici à notre ligne de conduite. Je puis affirmer que l’attitude d’aucun autre pays n’est observée et mise en relief avec autant de soin voulu.
D’un côté, cela démontre sans aucun doute non seulement l’estime dans laquelle on tient notre pays, mais aussi que l’on reconnaît la valeur à attribuer à notre politique vis-à-vis de la Société des Nations. En outre, bien que cela ne soit pas exprimé, l’on s’est souvent habitué ici à regarder vers la Suisse pour mesurer à nos réactions les échos provoqués par des décisions importantes prises à Rome, quand ce ne serait que pour trouver post festum dans ces réactions une certaine justification de faits accomplis ici.
Il y a cependant, d’autre part, un aspect de cette publicité qui doit, je crois, retenir notre attention au moment où, d’après les nouvelles de presse sur les dernières délibérations du Conseil fédéral, notre pays va engager une action diplomatique de la plus haute portée. Je présume que les missions diplomatiques d’autres Etats, notamment les Ambassades de France et de Grande-Bretagne, ne pourront manquer de mettre en épingle l’intérêt sympathique avec lequel on suit ici les efforts tendant à un retour de la Suisse à une politique de neutralité intégrale même en cas de sanctions. Il me paraît douteux que cette manière de présenter les choses soit favorable à notre action future à Genève et à la réalisation de notre programme futur, qui ne pourra être mené à chef sans Londres et Paris. De même, la manière d’interpréter les faits comme si nous attendions presque la sortie de l’Italie pour déclencher immédiatement après une action en faveur d’un retour à la politique de neutralité intégrale me paraît assez peu opportune.
En vous signalant ce qui précède, je dois ajouter que je ne vois, à mon regret, que difficilement le moyen d’enrayer ici une publicité qui se présente sous l’aspect d’un intérêt bienveillant et sympathique à l’égard de notre pays3.