Classement thématique série 1848–1945:
II. LES RELATION BILATÉRALES ET LA VIE DES ÉTATS
II.1 ALLEMAGNE
II.1.1. QUESTIONS DE POLITIQUE GÉNÉRALE ET BILATÉRALE
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 12, doc. 138
volume linkBern 1994
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#122* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 64 | |
Dossier title | Berlin, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 38 (1937–1937) |
dodis.ch/46398
L’aboutissement de la négociation laborieuse poursuivie depuis des mois pour fixer le statut de la Belgique au regard de l’Allemagne a coïncidé avec mon retour ici. Je n’ai donc pas eu l’occasion de vous entretenir de la dernière phase des pourparlers. Mes rapports des 18 mars2 et 27 avril3 derniers déjà avaient eu trait, entre autres, à cette question. Depuis lors, les indications que j’avais pu recueillir, tant du côté belge que du côté allemand, étaient fort vagues et témoignaient de beaucoup d’hésitations et de tâtonnements. Finalement, on en est arrivé à la déclaration unilatérale de l’Allemagne d’avant-hier, confirmant sa décision précédemment proclamée de respecter l’inviolabilité et l’intégrité de la Belgique et se déclarant prête à lui accorder assistance, à l’instar de la Grande-Bretagne et de la France, en cas d’agression ou d’invasion. Le gouvernement belge se borne à prendre acte de ces assurances avec grande satisfaction et vive reconnaissance.
On peut être surpris qu’il ait fallu de tels délais pour arriver à ce résultat, certes important dans son principe, mais, apparemment, simple de forme. Je pense que l’explication doit en être cherchée avant tout dans le fait que la Belgique eût préféré recevoir les garanties en question, quoique bienvenues, dans un pacte de l’ouest, à quatre ou à cinq, plutôt que dans un accord direct avec l’Allemagne seule. Je rappelle ce que je vous écrivais à ce propos le 27 avril, sur la base de renseignements de première source.
Une question semble rester en suspens ou, plus vraisemblablement, demeure volontairement nébuleuse. Qu’en est-il du passage de forces armées à travers le territoire belge, en application éventuelle de l’article 16 du Pacte de la Société des Nations? Ni la déclaration allemande ni la brève réponse belge ne contiennent la moindre allusion à la Société des Nations. Par contre, le commentaire officiel allemand précise nettement que l’Allemagne retrouverait sa liberté d’action vis-à-vis de la Belgique, non seulement si les forces armées de celle-ci s’alliaient à un ennemi de l’Allemagne, mais encore si la Belgique accordait passage par son territoire à des forces armées opérant contre l’Allemagne. Le gouvernement belge a, évidemment, dû avoir connaissance préalable et, par conséquent, admettre tacitement cette interprétation allemande. Mais, dans son commentaire à lui, il proclame que la Belgique ne perd pas de vue ses engagements vis-à-vis de la Société des Nations. Cette formule quelque peu molle et imprécise signifie-t-elle que le gouvernement belge ne considère pas que ces engagements comprennent l’obligation de donner libre passage à des forces d’autres membres de la Société des Nations? - Il semblerait, à ce que j’apprends, que cette question apparaîtrait aujourd’hui, à Londres et à Paris, comme plus théorique que pratique, la Belgique ne pouvant guère songer à empêcher le passage de troupes britanniques et françaises alliées marchant contre l’Allemagne.
D’autre part, il est clair qu’un passage de troupes ennemies à travers une Belgique consentante devait, en tout état de cause, être traité comme un acte de guerre par l’Allemagne, sans qu’il fût nécessaire de le dire expressément dans sa déclaration et sans qu’aussi le commentaire de celle-ci apportât à cet égard quelque chose de nouveau.
Par contre, il convient de relever comme significatif que le commentaire allemand s’abstient de toute mention à des sanctions économiques que la Belgique pourrait être amenée à prendre en sa qualité d’Etat membre de la Société des Nations.
L’opinion mondiale a certainement raison de considérer l’échange de notes intervenu, que va compléter une manifestation analogue de la part de l’Italie, comme un réel succès de l’Allemagne, malgré les concessions qu’elle a pu faire en cours de négociation. Mais c’est le gouvernement allemand lui-même qui est le plus persuadé de son propre succès. Il y voit, outre l’amélioration décisive de ses rapports avec la Belgique, un coup sérieux porté à la Société des Nations. Car voici un des membres jusqu’ici des plus convaincus de la Société des Nations, ancien belligérant partie au traité de Versailles, fraîchement rentré au Conseil de la Société, qui paraît faire si peu de cas de cet article 16 du Pacte que l’Allemagne abhorre par-dessus tout.
Il va être intéressant de suivre les répercussions que la position nouvelle de l’Allemagne vis-à-vis de la Belgique pourra avoir sur les relations de cette dernière avec la Grande-Bretagne et plus particulièrement avec la France. Et c’est à ce moment même que va avoir lieu le changement d’ambassadeur de France à Bruxelles, l’actuel directeur des affaires politiques au Quai d’Orsay, M. Bargeton, allant y remplacer M. Laroche.
Sur la visite de M. Mussolini en Allemagne, je ne suis pas, pour le moment, en mesure de vous apporter quelque élément inédit. Je me réserve cependant de revenir ultérieurement sur ce sujet. J’ai recueilli ici cette première impression, corroborée par des remarques de personnes de la suite du chef de gouvernement italien, que celui-ci aurait été plus impressionné par ce qui lui a été montré que satisfait de ses conversations politiques. Celles-ci se seraient limitées à un extrême minimum avec Hitler lui-même. Les deux hommes auraient eu une seule conversation, de trois quarts d’heure, à eux seuls, le jour de l’arrivée de Mussolini à Munich. Puis, ils ne se seraient plus rencontrés qu’en nombreuse société, sauf peut-être le dernier jour, qui se termina par un déjeuner intime de peu de personnes. Ils ont toujours fait les longs trajets en chemin de fer, de jour comme de nuit, en trains séparés. Du côté italien, on aurait cru y voir le dessein de se dérober à des insistances, peut-être gênantes, en ce qui concerne l’Espagne notamment. En revanche, les démonstrations des organisations du parti à Munich, des forces armées dans le Mecklembourg, de l’industrie à Essen et de la foule immense à Berlin n’auraient point manqué de produire sur les hôtes italiens l’effet de force et de cohésion voulu par les Allemands.
A la fin de la semaine prochaine aura lieu ici une visite officielle du ministre finlandais des affaires étrangères. Elle sera limitée à une seule journée et aura le caractère de pure courtoisie, sans être l’occasion d’aucun arrangement ni écrit ni verbal. Son but essentiel est de neutraliser la mauvaise humeur conçue et clairement manifestée ici à l’occasion de la visite que M. Holsti a faite au printemps dernier à Moscou et au sujet de laquelle je vous avais écrit en son temps. M. Holsti ayant également visité officiellement Paris et Londres, sans parler des Pays du Nord et Baltes, il n’est que naturel qu’il finisse par s’exécuter aussi vis-à-vis de Berlin, la Finlande ayant un intérêt manifeste, tant économique que politique, à entretenir de bons rapports avec l’Allemagne.
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