Classement thématique série 1848–1945:
IV. RÉFUGIÉS, IMMIGRATION, POLICE DES ÉTRANGERS
IV.3 ÉTRANGERS ET COLONIES ÉTRANGÈRES EN SUISSE
Également: Entretien entre la Légation d’Italie à Berne et la Division de Police. Impression que les Italiens sont renvoyés de Suisse pour éviter de leur donner droit à l’établissement. Pratique suisse restrictive manquant d’humanité. Point de vue de Rothmund, les avantages accordés par la Suisse. Les Suisses en Italie. Refus suisse d’un contingent annuel de 50 demandes italiennes d’établissement. Annexe de 16.7.1937 (CH-BAR#E4300B#1000/845#75*).
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 12, doc. 116
volume linkBern 1994
more… |▼▶Repository
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001D#1000/1552#790* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(D)1000/1552 49 | |
Dossier title | Reziprozität zwischen der Schweiz und Italien betr. die Unterstützung und Verpflegung kranker Staatsangehöriger (1925–1942) | |
File reference archive | B.14.21.8 • Additional component: Italien |
dodis.ch/46376
Par note du 18 juillet 19362, la Légation d’Italie avait bien voulu signaler au Département fédéral de justice et police les préoccupations que lui causait le traitement des ressortissants italiens en Suisse. Le Département avait ajourné sa réponse, dans l’idée que des cas particuliers lui seraient exposés à l’appui de cette note dans un avenir peu éloigné ou lui seraient signalés au cours des mois suivants lors des interventions de la Légation. Après la conférence que le chef de la Division de police a eue, le 16 juillet 19373, avec Monsieur Mascia et au cours de laquelle a été discutée de la manière la plus approfondie, en même temps qu’une série de cas particuliers, la question générale du traitement des Italiens en Suisse, le Département a l’honneur d’exposer à la Légation royale et impériale ce qui suit:
Le Département estime comme la Légation que les arrangements existant entre l’Italie et la Suisse doivent être loyalement appliqués, non seulement à la lettre, mais aussi dans leur esprit.
Il est naturellement presque inévitable que, de part et d’autre, des erreurs soient parfois commises dans le domaine de la police des étrangers; mais la Légation sera certainement, avec le Département, de l’avis qu’il est désirable de ne pas tirer de conclusions générales de quelques cas particuliers. La Légation n’ignore pas d’ailleurs que la Police fédérale des étrangers veille avec beaucoup de soin à l’application loyale des arrangements et qu’elle est toujours prête, en cas de besoin, à s’entremettre auprès des autorités cantonales. Le Département croit devoir ajouter, à cette occasion, qu’il n’a eu connaissance d’aucun cas où, comme le dit la note de la Légation du 18 juillet 1936, un ouvrier italien qui, aux yeux des partis locaux, aurait été coupable de trop d’attachement et d’assiduité aux manifestations de la colonie italienne, se serait heurté, pour le renouvellement de son permis de séjour, à une série de difficultés ayant pour but de l’amener, par lassitude, à quitter la Suisse.
La Suisse, avec une population de 4 millions d’habitants et entourée de grands pays, se trouve, en ce qui concerne le problème des étrangers, dans une situation qui n’est comparable à celle d’aucun autre Etat. Lors du recensement du 1er décembre 1930, 355 000 étrangers formant environ le 9% de sa population, vivaient sur son territoire et près de 300000 d’entre eux possédaient l’établissement. Les ressortissants italiens étaient au nombre de 127 000, dont plus de 100000 étaient munis d’une autorisation d’établissement leur donnant la possibilité de rester définitivement en Suisse et leur assurant à peu de choses près, en matière de police des étrangers, les mêmes droits qu’aux Suisses: l’établissement a une durée de validité indéterminée et ceux qui en bénéficient peuvent librement changer de domicile, de place et de profession. Le Département relève en passant que cette situation suffit à démontrer que lorsqu’une décision de refus de séjour est prononcée par une autorité suisse en raison de la surpopulation étrangère, il ne s’agit nullement d’un argument spécieux, mais d’un motif des plus sérieux.
A ce qui précède, il faut ajouter que, depuis 1929 et sauf pour les ressortissants des Etats balkaniques, de la Turquie, de la Pologne, de la Russie et récemment de l’Espagne, les étrangers n’ont plus à se munir d’un visa pour entrer en Suisse dont les frontières leur sont ainsi largement ouvertes. Le fait que la Suisse, avec une colonie étrangère extrêmement forte, est encore exposée, par sa position, à l’affluence continuelle d’étrangers qui veulent venir se fixer sur son territoire, oblige les autorités à exiger des étrangers qu’ils observent strictement, après leur entrée dans le pays, les prescriptions sur la police des étrangers et qu’ils respectent les conditions qui leur sont posées. L’étranger qui réside en Suisse est d’ailleurs renseigné exactement sur ses droits comme sur ses devoirs à l’égard des autorités par le livret pour étranger qui a été introduit depuis un certain temps. Aussi, en règle générale, l’étranger qui n’observe pas les prescriptions ou les conditions qui lui sont posées par les autorités est-il renvoyé de Suisse.
Malgré la situation qui vient d’être exposée, la Police fédérale des étrangers a, en 1935, donné son approbation à l’octroi d’autorisations de séjour à 1100 travailleurs italiens; en outre, les autorités cantonales ont délivré des autorisations dans leur compétence à 8407 travailleurs saisonniers, à 1300 servantes et à 1587 travailleurs frontaliers. Les chiffres correspondants pour 1936 ont été de 1095 approbations de la Police fédérale des étrangers, 5487 saisonniers, 1390 servantes et 1088 frontaliers. Ces chiffres dépassent largement celui (802) - que la Légation mentionne dans sa note du 18 juillet 1936 - des autorisations accordées à des Suisses en Italie en 1935. Ils fournissent une preuve évidente de la bonne volonté des autorités suisses si l’on songe qu’au moment où ces autorisations ont été délivrées, la Suisse souffrait depuis des années d’un fort chômage et qu’au cours de l’hiver 1935-1936, l’effectif des chômeurs a dépassé tous les chiffres atteints auparavant.
Le Département n’en saura pas moins le plus grand gré à la Légation, lorsqu’elle a connaissance de cas où, à son avis, une autorité suisse se serait montrée trop sévère à l’égard d’un ressortissant italien qui a commis une contravention de peu de gravité, de vouloir bien les signaler à la Police fédérale des étrangers. A ce propos, et vu que la Légation mentionne dans sa note du 18 juillet 1936 le cas de M. Cesare Bernardinelli, le Département tient à rappeler que, comme il l’avait déjà indiqué dans sa note du 13 juin 1936, la mesure de renvoi n’était pas motivée seulement par la contravention commise, mais par la situation du marché du travail. Il ajoute que, même si l’on avait passé sur la contravention, assez peu grave à la vérité, il n’aurait pas été possible de renouveler l’autorisation, arrivée à échéance, de M. Bernardinelli, car celui-ci exerçait une profession non qualifiée et pouvait facilement être remplacé par un des très nombreux chômeurs du pays.
En ce qui concerne l’arrangement signé à Rome en 19344, la Police fédérale des étrangers est fermement résolue à veiller à son application stricte et loyale. Elle sera toujours reconnaissante à la Légation de lui signaler les cas de ressortissants italiens qui, à son avis, devraient bénéficier des dispositions de cet arrangement et qui pourraient encore rencontrer des difficultés.
Tout en rendant hommage aux efforts des autorités centrales à Rome, et tout particulièrement du Ministère des Affaires Etrangères, pour mettre les administrations provinciales et locales au courant de l’arrangement susmentionné, le Département doit constater cependant qu’il arrive encore que cet arrangement ne soit pas suffisamment connu ou compris et que des Suisses rencontrent des difficultés qui ne devraient pas leur être faites. Le Département serait heureux que les arrangements existant entre les deux pays soient aussi appliqués intégralement aux Suisses en Italie; il sait d’ailleurs par les rapports de la Légation de Suisse à Rome que le Ministère des Affaires Etrangères y voue tous ses efforts et il lui en est extrêmement reconnaissant.
La note du 18 juillet 1936 fait également allusion, dans son 1er alinéa, à la question des expulsions, dont Monsieur Mascia s’est entretenu de son côté avec M. Rothmund, au cours de la conférence du 16 juillet dernier. Le Département, qui est l’instance supérieure en matière d’expulsion, est tout disposé aussi à examiner de manière très attentive les cas d’expulsions que la Légation voudra bien lui soumettre. En cette matière, il serait désirable que les consulats d’Italie conseillent à leurs compatriotes qui leur paraissent dignes d’intérêt de faire usage de leur droit de recours contre les décisions des autorités cantonales.
En ce qui concerne l’expulsion des mineurs, le Département est prêt à étudier avec la Légation l’institution d’une procédure rapide qui permettrait de remettre aux mains des autorités italiennes compétentes les jeunes gens expulsés.
La question des expulsions amène, d’autre part, le Département à rappeler encore une fois à la Légation combien il serait urgent que l’on accélérât la procédure de rapatriement des ressortissants italiens malades et indigents et que les autorités italiennes appliquassent strictement les accords existant en cette matière, comme le font les autorités suisses. Aussitôt qu’un rapatriement est nécessaire et qu’il est établi que l’intéressé est de nationalité italienne, celui-ci devrait être repris par l’Italie, même si la commune d’assistance n’est pas encore désignée. Cette désignation est, en effet, d’ordre purement interne; elle doit être réglée exclusivement entre autorités italiennes et n’a rien à voir avec la procédure de rapatriement proprement dite. Le Département doit insister tout particulièrement sur ce point, car les très longs délais qui sont nécessaires pour le rapatriement des Italiens (il y a des cas récents dont le traitement a duré plus d’une année) créent dans les cantons des raisons de mécontentement qui ne sauraient être favorables aux bonnes relations entre les deux Etats dans le domaine de la police des étrangers. Dès que le Département pourra faire savoir aux autorités cantonales que cette question est enfin résolue de manière satisfaisante, la tâche de la Police fédérale des étrangers, quant à l’application de l’arrangement de Rome, sera grandement facilitée. Le Département saurait infiniment gré à la Légation de vouloir bien s’entremettre à ce sujet auprès de son Gouvernement et il espère vivement qu’elle réussira à le convaincre de l’importance de cette question.
Le Département tient à relever en terminant combien il se félicite de pouvoir traiter avec la Légation ces questions délicates avec une grande franchise et dans un esprit de complète confiance. Il lui rappelle encore que soit M. Rothmund, chef de la Division de police, soit M. Baechtold, chef de la Police fédérale des étrangers, sont toujours prêts à s’entretenir avec elle, dans un esprit de bienveillante compréhension, des questions et des cas qu’elle voudra bien leur soumettre et il saisit cette occasion pour renouveler à la Légation royale et impériale l’assurance de sa haute considération.
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