Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 12, Dok. 47
volume linkBern 1994
Mehr… |▼▶Aufbewahrungsort
Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E2300#1000/716#1124* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 2300(-)1000/716 482 | |
Dossiertitel | Warschau, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 9 (1937–1938) |
dodis.ch/46307
Notre compatriote, M. Carl Burckhardt, Haut Commissaire de la S.d.N. à Dantzig2, a fait, la semaine dernière, accompagné de Mme Burckhardt et de son chef de cabinet, Marquis Giustiniani, sa première visite officielle aux hautes autorités polonaises à Varsovie. M. Burckhardt arrivait de Dantzig, où il s’était rendu quelques jours plus tôt directement de Londres (sans arrêt à Berlin) après des prises de contact dans les capitales française et anglaise, notamment avec MM. Delbos et Eden.
Le succès de la prise de contact avec Varsovie n’aurait pu être plus complet. Les témoignages spontanés recueillis, soit directement de bouches polonaises, soit, ce qui est plus significatif encore, rapportés par des diplomates d’autres nationalités, permettent d’affirmer que M. Burckhardt est dès maintenant, ici, persona gratissima. Les Polonais ont été impressionnés par sa distinction, sa culture, l’heureux alliage de sérieux et de bonne grâce qu’on trouve en lui. L’esprit dans lequel on le voit aborder sa tâche délicate est unanimement approuvé et l’on s’accorde à voir en notre compatriote le titulaire rêvé d’un pareil poste. Du point de vue social et mondain également, le succès du ménage est évident.
Ce résultat est d’autant plus intéressant qu’il y avait peut-être de légères préventions à vaincre. La presse internationale juive de gauche, si copieusement représentée à Genève, avait, à l’occasion de la nomination de M. Burckhardt, essayé de le faire passer pour très favorable au nazisme et notre compatriote paraît en avoir été assez vivement préoccupé. La réunion politico-mondaine qui eut lieu il y a quelques années dans la villa de M. Burckhardt à Frontenex autour de M. Goebbels et d’autres vedettes du IIIe Reich, non sur l’initiative du maître de maison, mais un peu à son corps défendant à la suite de sollicitations dont il avait été l’objet, est manifestement pour beaucoup dans cette réputation qu’on a cherché à lui faire et contre laquelle il paraît très attentif à se défendre.
La première impression de M. Burckhardt, après ces quelques jours passés à Dantzig, n’est pas mauvaise, quoique les quelques expériences déjà faites tendent à augmenter plutôt qu’à diminuer son sentiment de la difficulté de la tâche. Il sent autour de lui toutes sortes d’attentes qui le tiraillent en sens contraires et dont aucune ne pourra être satisfaite dans la mesure prétendue. Quelques-uns en usent même assez cavalièrement. A peine arrivé dans l’hôtel de Varsovie où il était l’hôte du Gouvernement polonais, le Haut Commissaire y a reçu un télégramme lui annonçant la visite d’une délégation de trois membres de l’opposition dantzikoise et où était exprimée très nettement l’attente de ces messieurs d’être reçus. M. Burckhardt les a fait recevoir par son chef de cabinet, qui a été chargé de leur donner à entendre que cet hôtel et les deux jours de sa visite officielle à Varsovie n’étaient ni le lieu ni l’heure pour eux d’entrer en contact avec lui; il les a fait inviter à lui adresser leur pétition à Frontenex, où il allait bientôt se rendre.
Aussitôt après sa nomination, M. Burckhardt a reçu, à Genève, la visite du consul d’Allemagne, qui s’est réjoui bruyamment d’un tel choix et, avec une insistance excessive, lui a donné à entendre que l’Allemagne comptait sur lui. Comme M. Burckhardt disait à son interlocuteur que l’absence de Dantzig de M. Greiser, qui chassait alors en Pologne, l’engageait à différer quelque peu son départ pour Dantzig, où il souhaitait ne pas arriver en l’absence du président du Sénat, et comme il annonçait son intention de recourir au Secrétariat de la S.d.N. pour faire transmettre à Dantzig ses communications à ce sujet, le consul d’Allemagne lui dit: «Faites donc cela par l’entremise de Berlin!». M. Burckhardt expliqua pourquoi cela ne serait pas opportun. Il crut devoir par la suite consulter le Secrétariat de la S.d.N. sur la question de rapports éventuels directs du Haut Commissariat avec Berlin. M. Walters exprima à cet égard un avis tout à fait négatif. M. Avenol, au contraire, fut d’avis que, vu l’atmosphère que l’on cherchait actuellement à créer en faveur d’un rapprochement franco-anglo-allemand, des rapports occasionnels entre le Haut Commissariat de Dantzig et le Gouvernement de Berlin pourraient être sans inconvénient et paraître même recommandables. Un avis semblable a été exprimé à Paris par M. Delbos, sous la réserve que le Secrétariat de la S.d.N. fût toujours préalablement consulté. M. Eden, par contre, fut d’avis qu’il convenait de respecter les règles du jeu, que le Haut Commissaire ferait bien, au moins pour le moment, de n’avoir de contacts qu’avec les autorités avec lesquelles il est statutairement en rapport.
M. Burckhardt est sous l’impression qu’à Paris on serait aussi peu désireux d’une solution polonaise que d’une solution allemande de la question de Dantzig; qu’on préférerait ne voir cette question s’acheminer vers aucune solution définitive quelle qu’elle fût. Et M. Burckhardt croit pouvoir s’expliquer ainsi cette attitude mentale: en dépit du resserrement de l’alliance on persisterait, à Paris, à ne pas se sentir absolument sûr de la Pologne, depuis qu’elle n’est plus à couteaux tirés avec l’Allemagne. On estimerait, dès lors, qu’il peut être opportun que la question de Dantzig ne se règle jamais et que demeure indéfiniment pendante entre Allemagne et Pologne cette éventuelle pomme de discorde, comme une sorte d’assurance contre une intimité par trop étroite entre ces deux puissances.
A Dantzig, M. Greiser, avec qui M. Burckhardt a déjeuné en tête à tête cordial, a paru surtout préoccupé de gagner le nouveau Haut Commissaire à la thèse Dantzig = ville allemande. M. Burckhardt a jugé bon de le prévenir, d’entrée de cause, qu’il n’était pas nazi, en dépit des rumeurs qui couraient à son sujet. «Je suis Suisse» - lui a-t-il dit - «je ne puis donc être nazi. Nous pouvons respecter votre idéologie; nous ne fermons pas les yeux sur la grandeur de l’œuvre accomplie en Allemagne sous son inspiration; nous pouvons nous y intéresser, mais elle nous reste étrangère et contraire, nous ne pouvons la faire nôtre».
Malgré la cordialité actuelle des relations officielles polono-allemandes, on paraît désireux, ici, de voir se dresser entre le Haut Commissaire et tout ce qui est allemand une muraille de Chine. Sans doute est-ce pour protéger M. Burckhardt lui-même contre la réputation de germanophilie dont il reste tout au moins menacé dans certains milieux, ceux précisément où l’on reproche à M. Beck de faire, par un excès de complaisance à l’égard du Sénat, le jeu du nazisme à Dantzig. Apprenant que M. Burckhardt rentrait en Suisse par l’Allemagne, le Comte Szembek lui a demandé avec une inquiétude visible s’il envisageait un arrêt à Berlin et a paru fort soulagé d’apprendre qu’il ne s’y arrêterait que 10 minutes. Pour le retour de Suisse à Dantzig en automobile, on a suggéré à M. Burckhardt de passer par l’Autriche et la Tchécoslovaquie. Comme cela représentait un sérieux détour, on lui a concédé un itinéraire par Dresde, mais il devra se garder comme du feu de passer par Berlin.
Les Polonais ont tenu à donner aux réceptions officielles en l’honneur du Haut Commissaire un caractère purement polono-dantzikois, avec participation, cependant, de la Suisse; ils avaient même prévu un déjeuner à la Légation de Suisse dès le premier jour de la visite; je n’ai pas eu de peine à leur faire reconnaître qu’il n’était guère indiqué que la Suisse parût prendre l’initiative des manifestations en l’honneur du Haut Commissaire. C’est donc dans la plus stricte intimité que celui-ci et Mme Burckhardt ont déjeuné à la Légation le premier jour avec le chef de cabinet de M. Burckhardt comme seul autre invité. Le soir du deuxième et dernier jour un dîner a réuni à la Légation de Suisse des personnages officiels, quelques personnalités de la société varsovienne et, comme seuls éléments ni polonais ni suisses, le ménage de l’ambassadeur anglais, représentant du pays rapporteur dans la question de Dantzig. Cette exception répondait au désir que j’avais vu exister du côté polonais et m’a paru se justifier d’autant mieux que Sir Howard Kennard et M. Burckhardt s’étaient connus en Suisse.
Dans l’intervalle, un dîner exclusivement polonais et un déjeuner où la Suisse fut conviée avaient été offerts par le Comte Szembek, Sous-Secrétaire d’Etat aux Affaires Etrangères, et par le Ministre de l’Industrie et du Commerce.
Le Haut Commissaire a posé sa carte chez tous les chefs de mission étrangers sans demander à en voir aucun.
J’ai l’impression que la réserve qu’il importait que la Légation de Suisse s’imposât, sur le terrain officiel, à l’occasion de cette visite, a été observée dans la mesure convenable.
M. Beck étant toujours en convalescence dans le midi français, il a été entendu que M. Burckhardt irait incessamment lui rendre visite à Monte-Carlo.
- 1
- Rapport: E 2300 Warschau, Archiv-Nr. 9.↩
- 2
- Dans son rapport politique No 2 du 20 février, le Ministre de Suisse à Varsovie, M. de Stoutz, écrivait au sujet de la presse polonaise et la nomination de Burckhardt: La presse polonaise gouvernementale a réagi très vivement à la tentative de la presse française de gauche d’égarer l’opinion en écrivant que le Général Goering, actuellement en Pologne comme hôte du Président Moscicki, y allait moins pour chasser que pour y retrouver M. Greiser (M. Greiser n’est invité que pour plus tard aux chasses du Président) et préparer à deux le retour de Dantzig au Reich. On se réfère aux démentis allemand et dantzikois et on souligne la malignité d’un tel «canard» lancé précisément au moment où la discussion au sujet de Dantzig s’engage par la voie normale sur la base des délibérations de Genève et où notre compatriote M. Cari Burckhardt, nouveau Commissaire de la S.d.N., va joindre son poste. La presse polonaise est sobre de commentaires sur cette dernière nomination; on se borne à de courtes notices biographiques.↩
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