Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 12, doc. 13
volume linkBern 1994
Plus… |▼▶Emplacement
Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
Cote d'archives | CH-BAR#E2001D#1000/1551#228* | |
Titre du dossier | A Prato Carlo (1936–1938) | |
Référence archives | A.15.47.11 |
dodis.ch/46273
J’ai l’honneur de vous rendre compte ci-dessous des démarches dont vous m’avez chargé.
Après enquête et conversations diverses, il me paraît que la campagne de quelques journaux de gauche contre notre Gouvernement, à propos de l’affaire A Prato, n’a pas ému l’opinion générale. Peu de gens y ont fait attention, et il n’y a pas lieu de lui opposer une contre-offensive. On risquerait, au contraire, de la réveiller.
Peut-être reprendra-t-elle à l’occasion de la session à Genève du Conseil de la Société des Nations, ce que j’ignore à l’heure où j’écris. Il y aurait lieu, alors, d’aviser à nouveau. Mais les événements de la politique générale sont d’une telle importance que le cas d’un journaliste expulsé de Suisse ne peut guère être exploité à Paris au-delà d’une certaine limite. Au reste, les milieux renseignés savent qu’à l’origine de la campagne il s’agit, de la part de deux journalistes de gauche en particulier, moins d’un principe que de politique et d’amitié personnelle pour A Prato. J’ai entendu, d’ailleurs, faire l’éloge de celui-ci au point de vue de l’honorabilité et des convictions.
J’ai été voir M. Roland de Marès, chef de la politique étrangère au «Temps», et, comme vous m’y aviez autorisé, je lui ai dit votre désir de le voir renseigné sur l’affaire. Je lui ai donc exposé les faits. M. de Marès, avec qui j’entretiens d’excellents rapports, m’a déclaré qu’il avait beaucoup d’estime pour notre pays et qu’il serait toujours prêt, dans le cadre des intérêts français, à faire valoir sa cause. Il m’a demandé si je croyais utile de faire passer quelques lignes sur le cas A Prato. J’ai décliné son offre2, préférant conserver intacte sa bonne volonté pour une occasion plus importante et je lui ai répondu que je n’étais venu le voir qu’à titre d’informateur bénévole.
J’ai été voir également M. Pierre Comert, chef du Service de Presse aux Affaires Etrangères, que je connais de longue date: je voulais lui demander quelques informations touchant le service de presse à l’Exposition de 1937. Sur l’affaire A Prato, dont je lui ai parlé incidemment, à titre personnel, il s’est montré très opposé à la mesure d’expulsion. A Paris, la question du chèque qu’on reproche au dit journaliste, n’a pas l’importance qu’on lui prête en Suisse, car il paraît normal que des journaux d’opinion soient aidés financièrement par des personnes qui partagent leurs idées3. D’autre part, la vivacité des campagnes du Journal des Nations semble, ici, également légitime. L’expulsion ou la saisie ne sont appliquées que lorsque un journaliste vise la personne d’un chef d’Etat, non lorsqu’il attaque, même violemment, la politique d’un Gouvernement. J’ajoute que M. Comert ne pense pas que Y Oeuvre recommence sa campagne.
Je n’ai pas pu voir M. d’Ormesson, qui était absent de Paris. Je lui dirai peut-être deux mots dans quelques jours à la réception de 1’« Accueil Français», dont il est l’un des dirigeants.
Quant à l’idée d’une démarche diplomatique officieuse à propos de la dépêche Havas que vous m’avez signalée, elle me paraît inutile ou, en tous cas, prématurée. Ceci dit, encore une fois, dans l’état actuel des choses, et sous réserve de ce qui pourrait se passer, ces jours-ci, à Genève.