dodis.ch/46068
Le Secrétaire de légation à la Légation de Suisse à
Rome,
C. Rezzonico, au Conseiller de légation attribué à la Division du Commerce du Département de l’Economie publique,
P. Vieli1
Strictement confidentielle et personnelle
Rome, 7 septembre 1935
Mon cher Vieli,
Avant de partir de Rome, je voudrais vous adresser encore quelques lignes personnelles au sujet de la question des paiements.
Je suis de plus en plus pessimiste sur la situation financière de l’Italie. Les versements se font, à mon avis, avec une lenteur inquiétante. La «Sovraintendenza»2 doit avoir de bonnes raisons pour refuser de nous fournir la liste des paiements effectués jusqu’à maintenant (nous adresserons, à ce propos, au commencement de la semaine prochaine, une communication au Département fédéral de l’Economie publique).
Dans un rapport3 que nous avons envoyé à la Division du Commerce vendredi, nous avons parlé aussi des difficultés de l’Italie dans le domaine financier. La question que j’avais déjà posée moi-même à diverses reprises à M. Ciancarelli et à M. Anzilotti et que vous avez répétée la première fois que nous avons parlé du problème des dettes en faveur de la Suisse, c’est-à-dire «où vont finir les bons francs suisses qui viennent en Italie?» n’a pas trouvé de réponse et il est, par conséquent, permis de penser ce que l’on veut. D’une source tout à fait sûre mais que je dois garder comme strictement confidentielle, nous avons appris qu’en effet il y a des fuites et que l’Italie ne nous accorde pas le traitement de faveur qui nous a été promis. On nous a dit – l’information provient, je le répète, de quelqu’un qui a le nez dans les affaires de la Sovraintendenza – que l’Italie verse chaque semaine à une Banque Suisse non moins de 250000 frs. A quel but sont destinées ces sommes, pourquoi ne pas utiliser cet argent pour liquider enfin les listes que nous avons envoyées à la Sovraintendenza? Si je suis bien informé, on n’a pas encore liquidé toute la première liste, on a attaqué la seconde et, sauf quelques exceptions, la troisième et les suivantes sont encore vierges.
Je vous prie instamment de ne pas faire directement usage de ces informations dans vos négociations. Toutefois, je considère qu’il est de mon devoir – bien que notre informateur ait reçu la promesse formelle de notre part que nous garderions pour nous ce qu’il nous a dit – de vous signaler ces faits pour vous faire savoir que la situation empire et que, à mon humble avis, il est absolument nécessaire d’agir énergiquement. Comme vous, j’étais confiant dans l’avenir en présence des assurances qui nous ont été données par d’Agostino. Maintenant, ma confiance est sérieusement ébranlée.
P. S. Si j’ai insisté pour que vous ne parliez pas de ce que je vous écris à une délégation italienne, c’est dans l’intérêt même de la Légation qui perdrait une personne dévouée si la chose devait se savoir.