Également: Suite aux événements qui ont agité la colonie suisse à Milan, le Conseil fédéral décide de transformer le Consulat suisse en Consulat général et d’y nommer un diplomate de carrière. Annexe de 28.8.1934
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 11, doc. 77
volume linkBern 1989
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2200.19-01#1000/1722#108* | |
Old classification | CH-BAR E 2200.19-01(-)1000/1722 1 | |
Dossier title | Fascisme suisse, 2 (1934–1934) | |
File reference archive | 1.C.1 |
dodis.ch/45998
Nous croyons comprendre qu’avant d’aller prendre possession de son poste à Milan, M. de Bavier2 a l’intention de passer à Rome pour recevoir vos instructions et recommandations et nous nous en félicitons vivement, car, en dehors des tâches journalières qui incombent à tout autre Consul général, le nouveau titulaire du poste de Milan se trouve placé devant une mission plus précise, qui exige de la réflexion et du savoir-faire et pour l’accomplissement de laquelle les conseils de votre grande expérience lui seront particulièrement précieux.
Si le Conseil fédéral s’est décidé à installer à Milan un Consul général de carrière, c’est, en effet, dans le but déterminé de contrecarrer les intrigues du Colonel Fonjallaz et de neutraliser l’influence dissolvante que le «fascisme suisse» peut avoir au sein de la colonie suisse en Lombardie. Par quels moyens cet objectif peut-il être atteint? Vous l’apprécierez mieux que nous et M. de Bavier lui-même le déterminera sur place et au fur et à mesure des événements beaucoup mieux que l’on ne pourrait le faire dans des instructions plus ou moins rigides et fixées à l’avance.
Il nous paraîtrait, en revanche, extrêmement désirable que vous examinassiez, au cours d’une conversation avec M. de Bavier, quelles seraient les directives générales qu’il convient de suivre dans l’accomplissement de cette mission spéciale et d’établir, à tout le moins, un programme de début. Nous savons pouvoir nous en rapporter entièrement à vous pour donner à M. de Bavier les avis les plus judicieux. Peut-être, toutefois, faciliterons-nous votre tâche en vous proposant, comme thème de discussion dans votre entretien avec notre Consul général, les considérations ci-après.
Pour contrecarrer utilement les intrigues du Colonel Fonjallaz et l’influence que des personnalités telles que M. Bühler exercent sur les Suisses de Lombardie, il ne faut pas songer à des réunions de la colonie, des discours, des circulaires, qui accentueraient en les soulignant les dissensions qui se sont produites entre compatriotes et, au lieu de l’affaiblir, renforceraient l’adversaire. Seule une action personnelle, discrète et prudente auprès de chaque Suisse pris individuellement peut être efficace.
Cette action qui demande à être menée sans hâte et sans nervosité n’est possible que dans la mesure où chaque Suisse sera convaincu que, pour réussir auprès des Autorités italiennes, l’appui du Consulat est plus efficace que la protection des «fasci svizzeri».
Il ne s’agit nullement, d’autre part, d’exercer une répression contre les Suisses qui se sont laissé séduire par la caricature du fascisme inventée par le Colonel Fonjallaz, mais d’empêcher que les Autorités italiennes se trompent aux apparences et voient dans les «fascisti svizzeri» des Suisses plus dignes d’intérêt que ceux qui se sont tenus à l’écart de ce mouvement.
C’est donc, en première ligne, dans le milieu italien et non dans le milieu suisse qu’il y a lieu de travailler. Il importe, par conséquent, que M. de Bavier s’applique, dès son arrivée à Milan, à nouer, le plus rapidement possible, des relations avec les Autorités administratives et les milieux dirigeants du fascisme italien (sans oublier la presse) et à les consolider assez pour pouvoir se plaindre, non seulement comme d’une incorrection à l’égard de la Suisse, mais d’un acte désobligeant à son endroit, de tout appui et tout encouragement accordés au Colonel Fonjallaz et à ses amis, qu’il s’agisse d’un article servant leur publicité, du prêt d’un local de réunion ou d’une faveur consentie à un Suisse en raison de son appartenance aux fasci.
Vis-à-vis de la colonie suisse elle-même, une attitude un peu réservée nous paraîtrait recommandable. Il ne s’agit pas, bien entendu, d’être distant, mais circonspect. Toute manifestation qui aurait pour effet d’«accaparer» le Consul général au profit de tel ou tel comité serait un peu compromettante. M. de Bavier fera donc bien de s’y dérober et nous sommes assurés qu’il saura le faire avec tact et bonne grâce.
Il serait dangereux également de laisser les factions qui divisent la colonie s’imaginer que nous leur prêtons une très grande importance. M. de Bavier devra donc donner l’impression que sa tâche dépasse de beaucoup le cadre de la colonie et que les faits et gestes de MM. Bühler et consorts ne sont nullement son principal souci. Il évitera aussi de paraître prendre au tragique les explications qui lui seront données sur les rivalités existantes et il s’efforcera d’exercer une influence apaisante sans chercher à aller trop vite en besogne et à réconcilier des adversaires ou même à les réunir, tant qu’un résultat satisfaisant ne lui paraîtra pas assuré. (En nouant des relations cordiales avec les principaux notables, en prenant part aux séances des diverses sociétés suisses, en faisant la connaissance individuelle du plus grand nombre de Suisses possible, M. de Bavier assiéra son influence beaucoup plus vite et beaucoup mieux qu’en organisant des banquets et en prononçant des discours.)
Il va sans dire, enfin, que M. de Bavier ne peut avoir aucune relation officielle avec les groupements politiques suisses de son arrondissement consulaire (Faisceau, Front national, etc.). A l’égard des fascistes suisses, il adoptera l’attitude réservée qui convient vis-à-vis de gens qui ne se sont pas très bien conduits, mais sans raideur et sans esprit de représailles. Ce n’est pas à lui à faire les premiers pas pour rencontrer MM. Bühler, Tamburini3 et consorts, mais il saura faire aussi leur connaissance et leur donner l’impression que, tout en désapprouvant leur action politique, le Consulat général reste très au-dessus des querelles de parti.
Il nous semble qu’avec un programme de ce genre, que vous voudrez bien approfondir et préciser, M. de Bavier évitera les fausses manœuvres qui pourraient compromettre sa mission. Il est bien entendu, d’ailleurs, qu’il restera constamment en étroite liaison avec votre Légation, qu’il prendra son avis dans les cas difficiles et qu’il pourra nous consulter également (Milan est si près de la frontière suisse qu’en une demi-heure d’auto, il pourra se rendre à Chiasso pour s’entretenir avec nous au téléphone avec la certitude d’échapper à la vigilance de la censure).
Nous souhaiterions, d’autre part, que M. de Bavier vous adressât très fréquemment des rapports sur l’évolution des esprits au sein de la colonie et les manifestations des fascistes suisses. Ces rapports n’auront pas besoin d’être longs pour vous mettre au fait et vous permettre de lui donner d’utiles conseils. Copies de ces rapports devraient nous être envoyées directement.