Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
10. Ethiopie
10.1. Traité d’amitié et de commerce et questions politiques générales
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 11, doc. 56
volume linkBern 1989
Plus… |▼▶Emplacement
Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2001C#1000/1533#301* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2001(C)1000/1533 14 | |
Titre du dossier | Handelsvertrag mit Abessinien (1905–1935) | |
Référence archives | B.14.2.1 • Composant complémentaire: Aethiopien |
dodis.ch/45977Le Chargé d’affaires a. i. de Suisse à Paris, P. Ruegger, au Chef du Département politique, G. Motta
J’ai l’honneur de vous confirmer mon télégramme no 13 de ce matin1, par lequel je vous ai avisé de l’échange, finalement intervenu à la Légation d’Ethiopie à Paris, des instruments de ratification du Traité d’amitié et de commerce entre la Suisse et l’Ethiopie, du 24 mai 1933.2 Je saisis cette occasion pour vous remercier aussi de vos obligeantes lettres des 9 et 10 août3 et de la promptitude avec laquelle votre Département a bien voulu m’adresser les pouvoirs m’autorisant à l’échange des instruments.
De nouvelles tergiversations de la Légation d’Ethiopie ont encore retardé quelque peu la dernière formalité que j’espérais voir accomplie au début de la semaine passée. Malgré mes démarches réitérées, le Ministre d’Ethiopie4 voulait trouver des arguments inattendus pour différer l’échange qui, à ses yeux, ne présentait aucune urgence. J’ai finalement dû me rendre à l’improviste chez lui pour fixer définitivement un rendez-vous, qui fut cependant différé, une fois de plus, en raison de la nécessité invoquée par la Légation d’Ethiopie d’établir le procès-verbal d’échange en langue amharique.
J’ai l’honneur de vous remettre, sous ce pli, l’instrument de ratification signé par l’Empereur d’Ethiopie, les pouvoirs du plénipotentiaire éthiopien, ainsi que le procès-verbal d’échange établi, m’assure-t-on, dans l’alternat suisse et auquel une traduction française est jointe.5 A teneur de l’art. III du Traité, cette Convention entrera en vigueur un mois après l’échange des instruments de ratification, soit le 21 septembre 1934. A partir de ce moment, il y aura lieu, pour nous, d’examiner dans quelle mesure il conviendra de donner suite à l’art. 1er 6 du Traité et d’envisager une représentation officielle à Addis-Abeba.
Ainsi que vous le savez, seules les grandes Puissances et la Belgique ont, en Ethiopie, des Légations gérées par un Ministre. La Grèce a envoyé à Addis-Abeba un Chargé d’Affaires ad intérim, qui dépend du Ministre en Egypte, accrédité également en Ethiopie. Plusieurs autres pays, comme l’Autriche, le Portugal, la Tchécoslovaquie, l’Esthonie et la Hongrie ont chargé l’une ou l’autre des Légations des grandes Puissances de leurs intérêts. D’autres Etats, enfin, sont représentés par des Consuls de carrière ou honoraires.
Vous jugerez, sans doute, opportun d’étudier, de concert avec l’Union suisse du Commerce et de l’Industrie, l’opportunité d’organiser en Ethiopie un Consulat, soit, le cas échéant, une dépendance de la future Légation de Suisse en Egypte.7 Le choix d’un Consul honoraire se heurtera peut-être – vu les divisions qui paraissent malheureusement régner parmi les membres de notre petite colonie – à certaines difficultés. Le poste en Ethiopie – à condition que sa nécessité soit démontrée – devrait donc, le cas échéant, être confié, au moins au début, à un jeune agent de la carrière diplomatique ou consulaire, qui y trouverait très probablement un champ d’activité extrêmement utile.
Vous n’ignorez pas, en effet, la préférence que l’Empereur Hailé Sélassié ne cesse de marquer pour des fournitures venant de Suisse et aussi pour le concours de spécialistes et de techniciens suisses dans divers domaines. Il est certain – le Ministre d’Ethiopie me l’a rappelé aujourd’hui – que les souvenirs de l’œuvre de notre compatriote zurichois ILG8 sont encore vivants à la Cour d’Ethiopie. Soit dit entre parenthèses, le Bedjirwonde Tekle-Hawariyat m’a dit ce matin qu’ILG a laissé plusieurs enfants en Ethiopie qui sont aujourd’hui apparentés à des hauts dignitaires de l’Etat. Le Ministre d’Ethiopie à Paris, qui fut pourtant si peu zélé pour hâter l’entrée en vigueur de notre Traité, est lui-même le cousin d’un de ces Ethiopiens de souche zurichoise!
Vous savez, par votre informateur habituel sur les affaires éthiopiennes, M. Frédéric Hall,9 que l’Empereur s’est intéressé personnellement aux fournitures d’armes et de munitions, qui sont effectuées notamment par les Etablissements de Neuhausen et d’Oerlikon.1 En outre, il est dans les desseins de Hailé Sélassié de favoriser le placement de commandes de camions en Suisse plutôt que dans d’autres pays. A ce propos, le Ministre d’Ethiopie à Paris vient de me confirmer que son souverain désire encourager la création d’un réseau routier qu’il croit plus adapté aux besoins immédiats de son pays que l’établissement de lignes ferroviaires. Le transport sur les routes d’Ethiopie offre, sans doute, un débouché aux entreprises suisses telles que Berna et Saurer, à condition qu’avec le temps, elles envisagent l’installation d’ateliers de réparations sur territoire éthiopien. La question du paiement des fournitures suisses appelle évidemment un examen attentif. Jusqu’ici, ce fut essentiellement le café éthiopien, placé en Suisse, qui servait de garantie aux versements pour les livraisons militaires.2 De toute manière, l’Ethiopie est, de nos jours, l’un des rares pays qui ne paraît pas être directement affecté par la crise et, à condition d’organiser un échange de produits, il ne devrait pas être impossible de nous y assurer un marché permanent pour quelques-unes de nos industries.
J’ajoute que, lors d’un de nos récents entretiens, le Bedjirwonde Tekle- Hawariyat a insisté tout particulièrement sur le désir du successeur de Menelik de confier l’éducation européenne de jeunes Ethiopiens à des instituts suisses plutôt qu’à des écoles dans les grandes capitales d’Europe où l’atmosphère générale est, à tous égards, moins saine. Dans sa prédilection pour la Suisse, l’Empereur irait jusqu’à caresser l’idée d’encourager des instituts en Suisse qui se consacreraient exclusivement à l’éducation des jeunes gens de son pays qui seraient appelés plus tard à assumer des postes de responsabilité. Le Ministre d’Ethiopie ne m’a pas caché que, dans un de ses projets, l’Empereur se heurtait à une forte résistance de la part des éléments conservateurs et notamment de chefs abyssins, qui voyaient d’un mauvais œil un contact trop étroit entre leur pays et la civilisation occidentale. Mais, résolu de marcher avec son temps, le souverain d’Ethiopie paraît tenir tête à cette opposition interne, tout en voulant restreindre l’influence prépondérante des trois grandes Puissances occidentales.
- 1
- 10.Cf. no 36.↩
- 2
- Cf. DDS vol. 10, no 78, dodis.ch/45620 n. 2.↩
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