Language: French
17.3.1934 (Saturday)
CONSEIL FÉDÉRAL Procès-verbal de la séance du 17.3.1934
Minutes of the Federal Council (PVCF)
Les propositions faites par la France ne sont pas jugées suffisantes comme base de négociations.

Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
11. France
11.1. Relations commerciales
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Printed in

Jean-Claude Favez et al. (ed.)

Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 11, doc. 21

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Bern 1989

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dodis.ch/45942
CONSEIL FÉDÉRAL
Procès-verbal de la séance du 17 mars 19341

501. Négociations commerciales avec la France

Verbal

[...]2 2

M. Stucki3 expose d’abord les conditions générales des pourparlers. En premier lieu, il faut considérer que la Suisse est le meilleur acheteur de la France, avec 800 millions fr. fr. en 1933, alors que le Danemark, qui vient en deuxième rang, ne contribue à l’exportation française que pour 150 millions fr. En second lieu, il faut noter que la France, qui pratique, comme nous, la politique du «donnant donnant», s’est heurtée dans les derniers mois à quantité de difficultés à la suite de la dénonciation de ses traités notamment avec la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Elle est, à vrai dire, à la veille de conclure des arrangements avec la Tchécoslovaquie et l’Italie et paraît devoir s’entendre aussi avec la Grande-Bretagne, mais au prix de sérieuses concessions.

En ce qui concerne les produits agricoles, notre balance commerciale avec la France est également très déficitaire. Les Français, il est vrai, font état de l’augmentation de nos exportations de fromages qui, par suite d’arrangements divers ont triplé depuis quelques années. Nous comprenons le mécontentement des producteurs français, mais nous demandons à ne pas être traités moins favorablement qu’en 1933. La conférence des producteurs suisses et français qui s’est tenue à Lausanne4, n’a pas eu de résultat dans sa partie officielle. Mais les délibérations ont été suivies d’un échange de vues privé qui aurait permis de constater ce qui suit: Les producteurs français seraient d’accord que la gestion du contingent des fromages demeurât aux mains de la Suisse, alors que la note française du 15 mars réclame encore la gestion pour la France. Cette réclamation ne peut se justifier, du point de vue français même, la France ayant dénoncé ses traités avec la Grande-Bretagne et l’Allemagne en invoquant que le droit de la nation la plus favorisée ne s’applique pas aux contingents. La France ne peut pas contester non plus que le système actuel n’ait bien fonctionné, contrairement à ce qui s’est passé avec l’Italie, qui, dans la gestion de son contingent français, a obéi à des mobiles politiques. Quant aux contingents mêmes, les producteurs français ont envisagé d’abord le chiffre de 250 wagons, alors que le gouvernement en offre 400. Mais ils auraient finalement laissé entendre que le contingent pourrait être fixé à 5 ou 600 wagons.

Il est un argument décisif dans nos conversations avec la France: c’est que nous n’avons accepté une prorogation de la convention qu’en raison de la crise ministérielle qui ne permettait pas au gouvernement français de prendre une décision. Aussi, même dans le cas où, comme l’ambassadeur l’a laissé entendre, la France nous accorderait, éventuellement sans compensation, un contingent de 500 wagons et où elle admettrait le poids de 70 kg au lieu de 80 kg pour les fromages bénéficiant de la taxe de licence réduite, nous ne pourrions engager la négociation. Nous pourrions accepter un contingent de 600 wagons et un droit (licence comprise) de 100 francs. Mais nous ne pouvons admettre aucune discussion tant qu’on ne nous laisse pas la gestion des contingents et que ce dernier [sic] est mesuré à 500 wagons.

Tout porte à croire, au reste, que la note remise par l’ambassadeur émanait d’agents subalternes, et nous devons forcer le gouvernement à arrêter lui-même son attitude.

M. le président demande: 1° si nous devons nous borner à déclarer insuffisantes les propositions françaises ou indiquer nous-mêmes les bases que nous jugeons indispensables à l’ouverture de la négociation; 2° quelles mesures devraient être envisagées en cas de non-renouvellement du traité: l’établissement de contingents ou le relèvement des droits?

M. Stucki. Ce serait nous affaiblir que d’indiquer nos réclamations minima. Nous avons toujours dit aux Français qu’ils avaient bénéficié, en 1933, d’un gros excédent de la balance des échanges agricoles et que nous étions d’accord de maintenir cette situation, mais à condition qu’on ne réduise pas d’un kilo nos exportations. Nous ne devons pas abandonner le terrain solide du traité actuel. La France l’ayant dénoncé, c’est à elle qu’il appartient de faire des propositions.

Quant aux conséquences d’une rupture, il est difficile de les envisager avant de savoir quelles mesures prendrait la France. Mais nous n’avons aucune raison de pousser les choses à bout en fixant des droits prohibitifs, et il nous suffira de réduire à 25 pour cent par exemple les contingents de vins, de légumes, de bois. Si la France appliquait à nos produits des droits prohibitifs, nous appliquerions des droits différentiels sur les vins.

M. Stucki expose ensuite la question des transferts allemands.5

M. le chef du département politique demande s’il serait possible de lier aux négociations commerciales la question de la double imposition6 et celle des travailleurs suisses en France7, ou tout au moins de les amorcer.

M. Stucki déclare qu’il comprend la haute importance de ces deux questions, mais il serait impossible de les lier aux négociations commerciales sans compromettre le succès de ces dernières. Il serait à craindre en effet, que nous n’indisposions ainsi les ministres qui ont ces affaires dans leur ressort et qui renforceraient, au gouvernement, la résistance à nos revendications commerciales. D’autre part nous serons probablement amenés, dans les négociations commerciales, à faire des concessions, et les questions susmentionnées pourront nous servir alors d’articles de compensation.

En conséquence, le conseil

arrête:

1° Les revendications du gouvernement français ne fournissent pas une base suffisante pour l’ouverture de négociations commerciales.8

2° Il est pris acte du rapport du département politique du 9 mars 1934 sur la protection des travailleurs suisses en France9, qui retourne au département10, étant entendu que les négociateurs de la convention de commerce ne perdront de vue ni cette question ni celle de la double imposition.

1
E 1004 1/345. Absent: Musy.
2
Les propositions communiquées le 15 mars par l’Ambassadeur de France.
3
Directeur de la Division du Commerce du Département de l’Economie publique.
4
Le 13 mars, sous la présidence du conseiller d’Etat vaudois Porchet.
5
Cf. no 46.
6
RG, 1934, p. 126.
7
Cf. no 16.
8
La Suisse ayant obtenu notamment l’administration des contingents de fromage, fixés à 600 wagons annuellement, une nouvelle convention de commerce est signée entre la France et la Suisse, le 29 mars à Berne. Mis provisoirement en vigueur dès le 1er avril, l’accordn’entrera en vigueur qu’à la fin du mois d’août, après la ratification française (PVCF no 1675 du 21 septembre, E 1004 1/348). Pour le texte de la convention cf. RO, 1934, vol. 50, pp. 781–798 etE 2001 (C)3/15 pour les annexes et l’échange de lettres non publiés. La taxe à l’importation établie par la France pour des raisons fiscales au printemps 1932 (cf. DDS vol. 10, rubrique II. 11.1: France, relations commerciales) ramenée par l’accord à son taux réglementaire, le Conseil fédéral lève la surtaxe douanière de rétorsion qu’il avait imposée à certaines marchandises françaises dès le 27 mai 1932 (PVCF no 653 du 10 avril 1934, E 1004 1/345). L’Union suisse des paysans transmet à W. Stucki sa satisfaction profonde devant l’issue des négociations commerciales (lettre signée du président Moser-Schaer et du directeur Laur, 9 avril, J.I.131/2).
9
Cf. no 16.
10
Id., n. 1.