Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 11, doc. 19
volume linkBern 1989
Plus… |▼▶Emplacement
Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2001C#1000/1534#1943* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2001(C)1000/1534 103 | |
Titre du dossier | Schweiz. fascistische Gruppen in Italien, I (1933–1935) | |
Référence archives | B.46.30 • Composant complémentaire: Italien |
dodis.ch/45940
J’ai l’honneur de vous confirmer ma lettre d’hier, 11 mars2, concernant les faisceaux suisses en Italie, et je tiens à vous donner le texte précis de la déclaration qui m’a été faite par M. Suvich et que j’ai écrite sous sa dictée afin d’éviter toute fausse interprétation de ses paroles:
«Il Capo del Governo italiano ha inviato una circolare a tutti i Prefetti del Regno, salvo quelli di Roma, Firenze e Milano, facendo sapere loro ehe non era il caso di favorire la costituzione di gruppi fascisti svizzeri.
Per le tre città sopranominate, si è disposto per seguire l’attività dei gruppi ivi costituiti ed intervenire nel caso ehe potrebbero turbare i buoni rapporti fra i due paesi».
M. Suvich m’a demandé, au nom du Chef du Gouvernement, de ne faire aucune publication à ce sujet dans la presse. Si la nouvelle se répand, ce qui est fort probable vu les relations de nos journalistes3 avec le bureau de la presse du Ministère des Affaires Etrangères, il convient que je puisse déclarer que cette communication n’émane ni de mon Gouvernement, ni de moi.
J’ai toutefois fait observer à M. Suvich que vous pourriez avoir à répondre aux Chambres à quelque interpellation.4 Il m’a répondu que, dans ce cas, vous pouvez déclarer que le Gouvernement Royal n’appuie en aucune manière la constitution de ces faisceaux suisses et qu’il veille à ce que rien ne puisse troubler les bons rapports entre nos deux pays.
C’est à ce propos que M. Suvich m’a parlé de Nicole qui, chaque jour, injurie le Gouvernement italien et son Chef, soit dans son journal, soit dans ses discours publics. M. Suvich a ajouté: «Ces injures de Nicole sont autrement plus graves que les propos prononcés par des Scanziani ou Tomarkin5; à Genève c’est le chef d’un gouvernement cantonal suisse qui injurie publiquement le chef du gouvernement italien, tandis qu’à Rome ce sont des Suisses, dans un local fermé, devant un public restreint, qui attaquent le gouvernement de leur propre pays».
Je m’attendais à cette riposte inspirée, sans doute, par le Duce lui-même. Notre intervention auprès du Gouvernement italien a heureusement bien réussi, mais on saura nous la rappeler.
M. Suvich m’a dit encore confidentiellement que le nommé Tomarkin était surveillé de très près et il m’a fait entendre que la présence à Rome de cet ancien communiste converti n’était pas appréciée.
D’autre part, j’ai l’impression que M. Fonjallaz exagère un peu son intimité avec le Duce. Celui-ci m’a dit qu’il ne l’avait vu que deux fois, la première quand il vint se présenter à lui pour une tout autre affaire, et la seconde quand il vint «con quel gruppo di contadini svizzeri».6
J’apprends que Scanziani a fait une nouvelle conférence samedi dernier et qu’il a été très violent. Le public était plus restreint que la première fois: 14 personnes. Aucun journal n’a parlé de cette soirée, ce qui est fort bien. J’ai recommandé aux correspondants des journaux suisses de s’abstenir, pour le moment, de parler des groupements fascistes suisses en Italie. Il faut faire le silence.
Je crois que cette question des faisceaux suisses en Italie ne doit plus trop nous préoccuper pour le moment.7
- 1
- Lettre: E 2001 (C) 4/103.↩
- 2
- Non reproduit.↩
- 3
- Cf. annexe au no 273.↩
- 4
- Le 13 mars, le conseiller national P. Schmid dépose une interpellation invitant le Conseil fédéral à renseigner les Chambres sur la manière dont il entend protéger les Suisses à l’étranger (particulièrement en France, Allemagne et Italie); le point 3) de l’interpellation a la teneur suivante: 3. Was hat der Bundesrat gegen die Mailänder Schweizerfaschisten vorgekehrt, die Landsleute öffentlich in der Presse bedrohen? Hat er Massnahmen in Vorbereitung, um das landesverräterische Handeln solcher Schweizer zu verunmöglichen? Da der Präsident und der Sekretär der Schweizerischen Handelskammer für Italien, die durch den Bund subventioniert wird, an der Spitze dieser durch ihr Treiben die Schweizerkolonie vergiftenden Faschistengruppe stehen, erwartet der Unterzeichnete vom Bundesrat sofortige energische Schritte, damit die Schweizerische Handelskammer für Italien nicht zum Herd antidemokratischer Umtriebe werde. Le 23 mars, l’interpellation Schmid est développée devant le Conseil national; dans sa réponse, G. Motta fait état de l’entretien que G. Wagnière a eu le 8 mars avec Mussolini (cf. no 17), et des promesses faites par ce dernier de ne pas chercher à favoriser la création de nouveaux groupes fascistes suisses en Italie. Cf. Procès-verbal des délibérations du Conseil national, séance du 23 mars, pp. 242ss. (E 1001 (c) d 1/304). Cf. aussi la notice destinée à préparer la réponse du Conseil fédéral à l’interpellation Schmid, non datée, non signée mais rédigée par P. Bonna, dont voici le texte: Les divers points soulevés par M. Schmid n’ont, en réalité, guère de liens entre eux et il est difficile, dès lors, de les coordonner. Tout au plus pourrait-on soutenir que la formation de groupements politiques au sein des colonies suisses à l’étranger est, jusqu’à un certain point, pour nos compatriotes, une réaction de défense, par «mimétisme», à l’égard des tendances extrêmement nationalistes et autoritaires du milieu dans lequel ils vivent. En effet, les uns – les adeptes de Theodor Fischer et les partisans du Front national en Allemagne – se sont laissé gagner par contagion aux idées de leur entourage; les autres – les fascistes suisses en Italie – cherchent à diminuer les inconvénients que leur vaut leur qualité d’étranger en faisant profession d’une adhésion totale aux principes du fascisme et en se targuant d’en être les propagateurs en Suisse même. On doit cependant se demander s’il convient d’énoncer des circonstances atténuantes en faveur de mouvements que nous avons, au contraire, intérêt à combattre et qui répondent aussi à d’autres mobiles et à de beaucoup moins acceptables que ceux du caméléon, qui prend la couleur du milieu dans lequel il se trouve. (E 2001 (C) 4/96).↩
- 5
- Cf. no 15.↩
- 6
- Le 17 octobre 1933. Cf. DDS vol. 10, nos 343, dodis.ch/45885 et 344, dodis.ch/45886.↩
- 7
- Le 14 avril suivant, G. Wagnière adresse à G. Motta la lettre personnelle suivante: Au sujet de la question des faisceaux suisses, M. Suvich m’a fait hier une communication de nature à vous intéresser, mais il m’a demandé instamment de la considérer comme strictement confidentielle et de n’en donner communication, suivant ses paroles, ni à la presse, ni aux Chambres fédérales. Le Gouvernement a interdit la formation d’un groupe fasciste suisse à Gênes. Vous saisirez toute l’importance de cette nouvelle. Je vous la donne en vous rappelant les conditions auxquelles M. Suvich me l’a communiquée. M. Suvich m’a encore fait observer que, si des groupes socialistes se forment parmi les Italiens en Suisse, le Gouvernement Royal ne nous demande pas d’intervenir pour les dissoudre ou pour les gêner dans leur activité. Je lui ai répondu que le mot de «socialiste» n’appartenait pas à un pays plus qu’à un autre, tandis que le terme de «fasciste» est nettement et uniquement italien. Dans l’état actuel des esprits, si des groupes fascistes suisses se créent en Italie, ceux qui n’y adhéreront pas passeront pour antifascistes, c’est-à-dire anti-italiens. Il y a là une source de malentendus que nous devons éviter à tous prix. M. Suvich paraît avoir compris ce raisonnement. Il m’a parlé aussi de la démission de Tomarkin. C’est du reste lui qui a abordé ce sujet des faisceaux suisses; je n’avais aucune intention de lui en parler au cours de ma visite (J.1.1.1/2).↩
Tags
Italie (Autres)
Affaire Fonjallaz (1933–1934)