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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 10, doc. 354
volume linkBern 1982
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001C#1000/1534#2663* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(C)1000/1534 146 | |
Dossier title | Goldklausel Amerika, Allgemeine Korrespondenz (1904–1934) | |
File reference archive | C.42.9 • Additional component: Vereinigte Staaten von Amerika |
dodis.ch/45896
Nous avons eu l’honneur de recevoir vos lettres des 232 et 31 octobre3 par lesquelles vous avez bien voulu nous exposer les vues du Comité de l’étalon or concernant le moyen de faire trancher par la Cour permanente de Justice internationale un des conflits suscités par l’inexécution des engagements découlant de la clause-or.
Comme votre intention est d’amener, avec l’appui de la Confédération suisse, un Etat défaillant devant la Cour permanente de Justice internationale, vous vous êtes attachés à dégager tout d’abord les raisons d’ordre général qui justifieraient la prise à partie d’un Etat donné de préférence à d’autres. En nous donnant connaissance de vos conclusions, vous nous invitez à émettre aussi un avis.
C’est avec un extrême intérêt que nous avons examiné cette complexe et délicate question, sur laquelle, sans avoir encore une opinion très arrêtée, nous croyons cependant pouvoir formuler déjà quelques considérations.
Le but que vous vous assignez, - introduction d’une action-type devant la plus haute juridiction internationale pour en tirer le maximum d’effet utile, - rend désirable que la partie intimée soit une grande puissance. Il faut aussi considérer l’ordre de grandeur des intérêts suisses susceptibles d’être restaurés dans leur intégrité par un prononcé favorable. Nous ne sous-entendons pas les seuls porteurs de l’emprunt objet du procès, mais aussi tous autres créanciers en état de former des revendications analogues à l’endroit du même pays. Si la sentence de La Haye emporte reconnaissance et sanction de la défaillance de l’Etat A en sa qualité de débiteur d’une dette obligataire, on peut tenir pour probable que les corporations publiques et les sociétés privées de ce pays ne tarderont pas à passer condamnation; l’effet moral de l’arrêt, en revanche, sera moins certain déjà pour ce qui concerne les débiteurs du pays B et la probabilité de les amener à résipiscence restera donc ici plus lointaine.
Nous croyons, enfin, que ce travail préliminaire serait incomplet s’il ne comportait aussi un examen comparatif des difficultés juridiques propres à chaque cas susceptible de devenir matière à procès: les cent formes de contrats d’emprunt, la diversité de la clause-or, les divergences d’interprétation selon la législation applicable ne laisseront pas de jouer leur rôle et d’exercer une influence directe sur le sort de l’action. Le cas choisi le sera donc, en définitive, pour ce qu’il offre de moins ambigu et de plus topique.
Ces considérations générales une fois rappelées, nous nous permettons de repasser rapidement en revue les diverses éventualités déjà examinées dans vos lettres précitées.
Angleterre. - Le seul emprunt britannique muni de la clause-or est le 5Vi %, émis aux Etats-Unis, qui vient de faire l’objet d’une offre de conversion. Les conditions de cette opération, bien qu’impliquant une dérogation à la clause-or, infraction génératrice d’une perte de 20% environ pour les titres convertis, ne paraissent cependant pas attaquables comme telles en raison du caractère strictement conventionnel de la conversion. La violation de la clause-or ne deviendra manifeste qu’au moment où il s’avérera que le service des titres non-convertis s’effectue, comme c’est à prévoir, sur la base du dollar-papier. Il importe donc d’attendre la prochaine échéance du coupon avant de prendre une décision. Cette réserve faite, nous abondons dans votre sens quant à la préférence à donner, toutes autres conditions étant égales, à un procès avec la Grande-Bretagne. La Suisse n’est plus directement liée par un traité de règlement judiciaire ou arbitral avec la Grande-Bretagne. Mais ce dernier pays a ratifié, le 5 février 1930, la disposition facultative reconnaissant la juridiction de la Cour permanente et est ainsi justiciable de la Cour, sous réserve de réciprocité, pour tous différends nés après le 5 février 1930 et provoqués par une situation ou des faits postérieurs à cette date. L’adhésion britannique exclut toutefois de la compétence de la Cour les différends relatifs à des questions qui, d’après le droit international, relèvent exclusivement de la juridiction du Royaume-Uni.
Allemagne. - A s’en tenir seulement à l’importance des intérêts suisses engagés et lésés par la méconnaissance de la clause-or, c’est le Reich qui, de prime abord, semblerait devoir être traduit devant la Cour permanente. La réalisation de ce plan paraît toutefois hérissée de difficultés. Relevons en premier lieu que les deux principaux, sinon les seuls emprunts internationaux du Reich sont le 7% 1925 (emprunt Dawes) et le 5l/i% 1931 (emprunt Young). Comme vous en faites la remarque, ces deux émissions représentent des cas plutôt spéciaux, si exceptionnels même que l’Allemagne, sous le terme de «Tributanleihen», les considère trop facilement comme une forme d’asservissement financier. Cette opinion intéressée est d’ailleurs très secondaire, surtout quand il s’agit de créances suisses. Ce qui nous retient davantage, c’est le fait qu’à l’endroit des porteurs suisses, il ne semble pas que le Reich soit en défaut. La tranche suisse de l’emprunt Dawes a été émise en 1925 en francs suisses et en livres sterling pour être complétée par une émission additionnelle en livres sterling en 1929. Or les titres libellés en livres sterling ne sont pas munis, que nous sachions, de la clause-or. Le service dû en francs suisses s’effectuerait normalement. Quant à l’emprunt Young, intégralement couvert, lui, par la clause-or, la défaillance du Reich porte exclusivement, si nous sommes bien informés, sur les tranches en livres sterling, dollars et couronnes suédoises, cependant que le service de la tranche en francs suisses se poursuit sans modifications, croyons-nous. En d’autres termes, la violation de la clause-or imputable à l’Allemagne à l’endroit de la Suisse est essentiellement le fait de sociétés privées et probablement aussi de corporations de droit public, cas ne ressortissant pas à la juridiction de La Haye. [...]J
... à moins d’obtenir l’assentiment exprès de l’Allemagne, c’est un tribunal arbitral et non la Cour permanente de Justice internationale qui aurait à connaître du différend et à statuer.
Italie. - A défaut de pouvoir engager un procès avec la Grande-Bretagne et l’Allemagne, nous pourrions actionner l’Italie, qui semble réunir les diverses conditions nécessaires pour cela. Pour l’instant, nous ne possédons toutefois encore aucune preuve concluante du manquement de l’Etat italien (emprunt 7% 1925), il convient donc de laisser la question en suspens jusqu’au 1er décembre.
Restent, comme pays de moindre importance, les trois Etats Scandinaves, l’Autriche, la Tchécoslovaquie, etc. Parmi ceux-ci, nous ne retiendrons, pour l’instant, que le cas du Danemark et de la Suède.
Les représentants des porteurs néerlandais semblent disposés à actionner le Danemark pour ses emprunts de 1922, 1925 et 19284. Nous avons aussi examiné cette éventualité. Les trois emprunts du Royaume de Danemark nous paraissent contenir un engagement suffisamment précis et indiscutable pour qu’on puisse attendre de la Cour permanente un prononcé confirmatoire de nos revendications. Ce différend, s’il devient litigieux, tombe sous le coup de l’article 36 du statut de la Cour permanente, non en raison de notre traité avec ce pays, simple convention de conciliation, mais du fait que le Danemark a ratifié la clause facultative. Malgré cet ensemble de circonstances favorables, nous ne pouvons nous empêcher d’entrer dans vos vues et de reconnaître qu’il y aurait quelque chose de choquant à nous en prendre à un Etat comparativement petit, comme le Danemark, dont la politique monétaire, ne l’oublions pas, est trop étroitement assujettie à celle de la Grande-Bretagne pour ne pas en subir inévitablement les vicissitudes.
La Hollande, dont l’intérêt matériel paraît plus engagé que le nôtre, par suite, surtout, du placement d’une tranche danoise à Amsterdam, pourrait, même sans notre concours, poursuivre son dessein et actionner le Danemark à titre d’exemple.
Le même raisonnement devrait s’appliquer au cas presque similaire de la Suède et nous dissuader de rechercher un règlement judiciaire du conflit naissant, suscité par la conversion de l’emprunt 5*/2% 1924. Nous inclinons néanmoins vers une autre opinion et ceci pour deux raisons. L’importance et les ressources de la Suède, non moins que le rôle financier, aussi éminent que passager, joué naguère par elle, la place, nous semble-t-il, sur un tout autre plan que le Danemark. Par notre récente intervention à Stockholm, surtout, nous avons déjà pris fait et cause pour les porteurs suisses de l’emprunt de 1924 et formé opposition contre la décision suédoise5. Cette intervention préjuge jusqu’à un certain point l’avenir et ne nous laisse plus la liberté de nous incliner sans plus devant les arguments par lesquels le Gouvernement suédois cherchera sans doute à justifier sa politique de conversion. Selon les termes de la réponse suédoise, le plan de recours judiciaire examiné aujourd’hui peut donc se trouver inopinément mis en action. Aussi devons-nous réserver encore notre opinion en ce qui concerne la Suède.
En résumé, nous estimons que les deux pays qui doivent retenir en tout premier lieu notre attention sont la Grande-Bretagne, dès que nous aurons acquis une preuve concluante du manquement de cet Etat, et la Suède avec laquelle nous venons d’entrer en contestation.
- 1
- Lettre (Copie): E 2001 (C) 4/146. Paraphe: CI.↩
- 2
- Dans cette lettre, l’Association des banquiers, après avoir remercié Motta pour les assurances formelles données lors de la séance du 13 octobre (cf. no 340) quant au respect de la clause-or dans l’emprunt suisse de 1924 et après avoir dressé une liste des Etats défaillants que la Suisse pourrait éventuellement citer devant la Cour de La Haye, terminait par ces considérations: [...] Nous comprenons fort bien qu’il est désagréable pour un pays d’être en procès avec un autre pays. Toutefois, il s’agit ici d’une violation brutale de droits, légitimement acquis, de citoyens suisses par des Etats étrangers et cela en ayant recours à un moyen que la Suisse, en ce qui la concerne, considère comme illégal et immoral. Si donc la Suisse se sent obligée de respecter la clause-or de son emprunt, les créanciers suisses ont aussi le droit de demander que les Etats étrangers remplissent leurs engagements qui sont clairement définis juridiquement. Vous-même, Monsieur le Conseiller fédéral, avez montré avec un sens très fin quelle lourde faute la Suisse commettrait, juridiquement et moralement, en ne respectant pas la clause-or. La Suisse a donc d’autant plus le droit de demander aux autres Etats qu’ils adoptent la même attitude. Au surplus, il y a lieu de relever que la clause-or pour les emprunts en dollars a pris, en Suisse également, une très grande importance, spécialement lorsqu’ensuite de la dépréciation de plusieurs monnaies européennes après la guerre mondiale, la plupart des Etats n’ont pu emprunter de l’argent qu’en acceptant l’introduction de la clause-or dans les contrats d’emprunts. Il est donc particulièrement immoral que précisément ces Etats répudient maintenant la clause-or et privent illégalement leurs créanciers d’une partie de leur avoir. [...] Finalement, nous nous permettons d’attirer votre attention sur le fait que notre Gouvernement rendrait un grand service à l’économie nationale en aidant dans leurs efforts pour faire reconnaître le bon droit les banques suisses, qui ont placé de bonne foi ces titres avec clause-or dans leur clientèle en Suisse et ailleurs et qui sont moralement obligées de défendre les intérêts des obligataires (E 2001 (C) 4/146).↩
- 3
- Non reproduit.↩
- 4
- Cf. no 309.↩
- 5
- Voir le texte des deux aide-mémoire remis les 1er et 3 novembre 1933 par le Ministre de Suisse à Stockholm au Ministère suédois des Affaires étrangères, pour protester contre la décision du Gouvernement suédois de convertir son emprunt en dollars-or de 1924 en une rente d’Etat en couronnes, à un cours inférieur au dollar-or (E 2001 (C) 4/148).↩
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United States of America (USA) (Economy)
Swiss Franc devaluation of 1936 and international abandonment of the gold standard