Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
1. Allemagne
1.7. Questions politiques générales
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 10, doc. 341
volume linkBern 1982
Plus… |▼▶Emplacement
Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#J1.1#1000/1392#213* | |
Ancienne cote | CH-BAR J 1.1(-)1000/1392 28 | |
Titre du dossier | Nr. 27: 31.3.1933-15.2.1935 (1918–1939) | |
Référence archives | 15-27 |
dodis.ch/45883
Le Chef du Département politique, G. Motta, au Ministre de Suisse à Berlin, P. Dinichert1
[...]
Je tiens tout d’abord à vous dire que je suis avec la plus vive sympathie votre [2 mots illisibles! et souvent ingrate. Je me rends compte parfaitement que votre tâche demeure hérissée de difficultés et ne peut vous procurer d’autres satisfactions que celle d’accomplir un devoir nécessaire au service du pays. Vous avez, comme vous le savez, ma pleine confiance et je souhaite que vous puissiez tirer de cette déclaration un peu de réconfort.
Mon impression de la dernière assemblée de Genève2 a été que l’Allemagne s’y est trouvée fort isolée. Même les anciens neutres (Suède, Norvège, Danemark, Hollande et Espagne) regardent à l’Allemagne avec une méfiance accrue. La Suisse est probablement le seul pays qui, conformément à sa politique traditionnelle, a voulu et su maintenir une attitude amicale vis-à-vis de tous les pays. Notre politique à l’égard de l’Italie nous dictait d’ailleurs notre politique à l’égard de l’Allemagne...
La rupture de l’Allemagne avec la Conférence pour la limitation des armements et même avec la Société des Nations3 m’a causé une peine profonde, mais pas de très grande surprise. J’avais depuis des mois la sensation que l’Allemagne se trouvait mal à l’aise dans la S.d.N. L’esprit de Genève se concilie mal avec l’esprit du régime national-socialiste...
Je crois que les deux raisons les plus graves qui ont déterminé l’Allemagne à son geste sont, d’abord, l’horreur du contrôle et, ensuite, la répugnance à transformer l’armée de métier en armée avec service à court terme... Ces raisons ne sont pas les seules, bien entendu, mais elles ont pesé, sans doute, d’un poids décisif. M. von Neurath4 en a d’ailleurs fait presque l’aveu.
Comme vous le savez, la commission générale de la Conférence aura à délibérer, le 26 de ce mois, sur la suite à donner à ses travaux. Je penche, personnellement, vers l’avis qu’il serait sage d’ajourner la Conférence sine die ou, dans tous les cas, à longue échéance. Je ne vois vraiment pas comment la Conférence pourrait faire encore œuvre utile. Sans l’Allemagne il n’y a pas de convention possible. Or, comment espérer que l’Allemagne accepterait une convention à l’élaboration de laquelle elle n’aurait pas participé? Et d’ailleurs est-on sûr que les travaux ultérieurs de la Conférence sans l’Allemagne ne feront pas apparaître des malentendus, des divergences, des discordes entre les Etats qui seront restés? Il me paraît que le parti le plus avisé serait d’ajourner et de laisser, pendant les mois prochains, les Grandes Puissances négocier entre elles. Plus tard on verrait si la convocation de la Conférence serait encore possible.
Je n’espère plus que l’Allemagne retrouve le chemin du retour à Genève. La question se posera donc de notre situation dans la Société des Nations, mais il serait évidemment prématuré de se livrer à ce sujet à des considérations nécessairement vaines. Il me paraît admissible que la Suisse continue la politique qu’elle a pratiqué jusqu’ici; à la condition que la Société des Nations n’assume pas figure d’Etats coalisés contre l’Allemagne.
Je me félicite d’avoir toujours nourri et professé publiquement au sujet de notre neutralité les mêmes doctrines et les mêmes points de vue. Notre neutralité est un bien précieux. La maxime de la neutralité reste dominante dans notre politique extérieure. J’ai la persuasion que l’immense majorité de notre peuple pense de même et qu’elle, cette majorité, se comportera en conséquence lorsqu’il s’agira des sacrifices qu’impose notre défense nationale.
Nous devons vivre en bons termes avec tous nos voisins. La Suisse ne pourrait pas sans perdre son indépendance pratiquer une politique qui la placerait dans le sillage de l’un quelconque de ses grands voisins.
J’entretiens jusqu’ici les meilleurs rapports avec le nouveau ministre d’Allemagne à Berne, Monsieur de Weizsäcker. Celui-ci est un esprit pondéré, agréable et amical. Il suivra, mutatis mutandis, la tradition de son prédécesseur.
Cette lettre est devenue un peu plus longue que je n’avais supposé, mais je pense qu’elle vous éclairera sur les lignes maîtresses de la politique que je désire observer, et que vous excuserez par conséquent sa longueur.
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