Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
15. Italie
15.6. Questions politiques générales
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 10, doc. 225
volume linkBern 1982
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#909* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 397 | |
Dossier title | Rom, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 33 (1933–1933) |
dodis.ch/45767
Le Chef du Gouvernement m’a fait savoir qu’il m’attendrait ce matin à 9 heures au Palais Chigi pour la signature de la convention sur la reconnaissance et l’exécution des décisions judicaires2. Nous vous remettons, avec une autre lettre, le texte signé par Mussolini et par votre représentant. Le but de ces lignes est de vous rapporter les propos du Duce. [.J3
L’entretien s’est porté ensuite sur la situation intérieure en Suisse. C’est, comme vous voyez, un sujet qui intéresse particulièrement mon interlocuteur et sur lequel il est revenu lui-même dans chacun de nos derniers entretiens en se montrant au courant de beaucoup de détails de notre vie publique, mais sans en connaître toutefois tous les rouages.
«Le Grand Conseil de Genève, m’a-t-il dit, a dû subir, dans la première séance qui suivait les tristes incidents4, la lecture d’une protestation de la ‹Ligue des droits de l’homme›, signée de noms étrangers. Le libéralisme peut s’appliquer à un pays où tous les partis agissent dans le cercle de l’Etat, mais du moment qu’un parti s’appuie sur l’étranger ou se laisse inspirer par l’étranger, le libéralisme devient inapplicable. L’action de Moscou, à laquelle nous pouvons résister en Italie, étant suffisamment armés pour cela, ne s’exerce pas seulement en Allemagne et en Suisse, mais en Espagne comme le prouvent les troubles récents de Barcelone5. Peut-on concevoir une lutte possible par le moyen du libéralisme contre de pareilles menaces tendant à la destruction de l’Etat? Votre constitution, en garantissant la liberté de la presse, vous empêche de vous défendre.»
J’ai répondu que notre constitution, en garantissant cette liberté, donne à l’autorité fédérale le droit de statuer des peines pour réprimer les abus dirigés contre la Confédération ou ses autorités et que, du reste, dans ses articles fondamentaux, notre constitution donne à la Confédération le but d’assurer non seulement l’indépendance contre l’étranger, mais de maintenir l’ordre intérieur.
Le Duce ne s’est pas du tout montré persuadé par ma réponse. Il m’a demandé quels étaient les chefs du parti communiste en Suisse. Je lui en ai nommé quelques-uns et j’ai constaté qu’il connaissait déjà la plupart des noms que je lui ai cités. Il m’a demandé quel métier exerçait M. Grimm avant d’être Conseiller national.6
Le Chef du Gouvernement a ajouté que les affaires en Russie allaient de mal en pis, mais que cela pouvait durer encore longtemps pour les raisons qui m’ont été rapportées par le Sénateur Conti et que je vous ai exposées7.
«Ce qui rend le communisme redoutable en ce moment, m’a dit le Duce, c’est qu’il compte à sa tête un grand nombre d’intellectuels. En Allemagne, on compte par dizaines de mille les avocats sans travail qui ne risquent rien en fomentant une révolution. Le même phénomène se reproduit ailleurs.»
En somme, le Duce se montre assez préoccupé de la situation générale et paraît s’attendre à de graves événements au cours de cette année. Il m’a exprimé la conviction que la France marchait à une crise qu’elle ne pourrait surmonter que par un «gouvernement d’autorité». Il n’a aucune confiance, ni dans la démocratie, ni dans le libéralisme pour surmonter les difficultés actuelles.
Je compte bien que mon pays saura lui prouver le contraire. Mais j’avoue que, personnellement, j’estime aussi que l’on ne saurait invoquer aucun principe libéral à l’égard d’éléments, étrangers ou intérieurs, qui cherchent à mettre le feu à notre maison commune.
- 1
- Rapport politique: E 2300 Rom, Archiv-Nr. 33.↩
- 2
- Entrée en vigueur le 6 octobre 1933 (ROJ933, vol.49, pp.820-825). Cf. aussi E2001 (D) 1/29.↩
- 3
- Wagnière entretient ensuite Mussolini du cas Widmer, touriste suisse arrêté et détenu en Italie pendant 17 jours. Cf. E 2001 (C) 3/100.↩