Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
18. Pologne
18.4. Questions politiques générales
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 10, doc. 215
volume linkBern 1982
Plus… |▼▶Emplacement
Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2300#1000/716#1122* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2300(-)1000/716 481 | |
Titre du dossier | Warschau, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 7 (1932–1933) |
dodis.ch/45757
[...]2Beck est un homme vif, intelligent, ambitieux et énergique, un peu «unberechenbar». Au cours d’une récente conversation avec un important journaliste allemand, il me disait que le ministre est «bedenkenloser Aventurier». Il inquiète donc les Allemands comme les Français. Il semble qu’on ne saurait qualifier catégoriquement M. Beck, ni de «francophobe» ni de «germanophobe». Il est avant tout légionnaire et Pilsudskien. Il fait partie de ce groupe actif qui voudrait émanciper la Pologne d’une tutelle française, souvent humiliante, surtout dans le domaine industriel, financier et ferroviaire. Il ne veut certainement pas de bien à l’Allemagne et rêve peut-être une Dantzig et une Prusse orientale polonaises, comme beaucoup de nationalistes.
L’élément décisif en Pologne est toujours le Maréchal3, âgé et souffrant il ne veut pas d’aventures; il l’a d’ailleurs prouvé à différentes reprises.
La Pologne sera toujours germanophobe et oppresseur des minorités.
L’alliance franco-polonaise, complétée par l’alliance franco-tchécoslovaque, est un facteur de même importance, au moins théorique, pour les Cabinets de Paris, Varsovie et Prague. Cette politique de «tenailles» inaugurée à Versailles, contre l’Allemagne, réussira sans doute à empêcher celle-ci à se lancer dans des aventures vers l’Est ou l’Ouest et surtout sur les deux fronts. Si la vaincue en 1918 n’aime pas la France et craint sa puissante ennemie, elle a une haine de race insurmontable et un profond mépris pour les Polonais slaves. Du côté polonais, l’obsession du risque de perdre le «Corridor», un sentiment humiliant, profond, mais naturellement inavoué, d’infériorité vis-à-vis de la culture supérieure, de la puissance de travail et d’organisation germanique, crée ici un esprit peut-être plus dangereux que les quelques velléités de revanche qui existent sans doute ça et là chez les Allemands4. Mais l’Allemagne a un parlement qui contrôle son Gouvernement5, tandis qu’en Pologne le peuple est apathique et indifférent, il a l’énorme endurance des Slaves pour souffrir, n’a pas d’opinion. Son vague parlement est une caricature de démocratie. Dans sa composition actuelle il enregistre simplement des ordres, auxquels le Gouvernement donne la forme de «projets de loi». Mais, pendant 10 à 11 mois de l’année on procède par décrets.
Un pareil peuple se laisse gouverner comme un troupeau de moutons, la preuve en est le régime actuel. Il ne s’opposerait pas à quelque entreprise aventureuse. La haine du Slave contre l’Allemand aidant, ces moutons pourraient devenir enragés et se battre brillamment.
En résumé, j’ai l’impression qu’aussi longtemps que le Maréchal pacifique, assez bien portant, dirigera effectivement la politique intérieure et extérieure polonaise, il n’y aura guère de changement et surtout pas d’aventures.
Pendant toute sa vie, il a combattu d’abord la Russie des Czars, puis celle des Soviets. A l’Est, il ne veut que maintenir intactes les frontières orientales et n’a pas d’intentions agressives envers la Russie. Certainement, il ne convoite pas de territoires allemands (sauf peut-être Dantzig). Uniquement si, en présence de défaillances physique et mentale possibles du vieux maréchal, les «Colonels»6 réussissaient à assumer malgré lui le pouvoir effectif, cette situation, aujourd’hui plutôt rassurante, pourrait changer.
Comme vous rencontrerez M. Beck à Genève, je crois utile de dire que, divorcé de sa première femme très insignifiante, il a épousé la femme divorcée du général Burchardt-Bukowiecki. Celle-ci est délicate de santé, charmante, spirituelle et parle entr’autre l’italien. Elle a un grand mérite d’avoir mis son mari «au régime sec», ce qui l’a changé à son avantage.
Mercredi, au jour de Madame Pilsudska, j’ai trouvé le Maréchal, quoique très voûté, de fort brillante humeur et aimable causeur. Il avait une mine excellente que je ne lui avais pas vue depuis longtemps.
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