Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 10, doc. 204
volume linkBern 1982
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001C#1000/1533#2344* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(C)1000/1533 99 | |
Dossier title | Affaire Firstermacher Alberto (1932–1933) | |
File reference archive | B.46.12.2 • Additional component: Italien |
dodis.ch/45746
Par notre lettre d’hier2, nous vous avons donné quelques indications préliminaires au sujet de l’affaire d’espionnage politique qui émeut actuellement l’opinion publique au Tessin. L’enquête menée par les Autorités compétentes a mis en lumière des agissements de la police italienne sur lesquels il importe que vous soyez fixé, à toutes bonnes fins, avant votre prochain entretien avec M. Mussolini.
Le fait le plus significatif qui résulte de l’enquête, sur lequel rien n’a transpiré jusqu’à ce jour dans nos journaux, mais qui sera fatalement divulgué demain, consiste en l’aveu complet fait par le nommé Alberto Firstermacher, ressortissant italien, qui, lors de son arrestation, a été trouvé en possession de deux passeports en régie, délivrés par la Questure de Rome, dont l’un portait le nom de Firstermacher et l’autre de Scipioni. Cet individu a avoué que des matières explosives trouvées dans une malle, dans son automobile, devaient être déposées chez des antifascistes notoires au Tessin (évidemment du groupe autour de Pacciardi3), pour compromettre ces milieux.
Ajoutons, pour votre complète information que, le 17 octobre dernier, le Ministre d’Italie à Berne nous avait transmis, par une lettre4 dont vous voudrez bien trouver copie sous ce pli, des extraits de dépositions faites par des prévenus devant le Tribunal spécial pour la défense de l’Etat et à teneur desquelles l’avocat Pacciardi - dont l’activité suspecte retient d’ailleurs toute notre attention - aurait été en contact avec des individus accusés de préparatifs d’attentat contre le Chef du Gouvernement italien.
Il est évident que la situation s’achemine vers un point aigu. D’une part, il est indispensable qu’une enquête administrative rigoureuse établisse exactement les limites de l’activité de Pacciardi, qui est devenu un indésirable sur notre territoire. D’autre part, les agissements intolérables des agents italiens et en particulier de Firstermacher exigent absolument des sanctions sévères. Une mesure administrative d’expulsion à l’égard de Firstermacher serait, somme toute, inadéquate. De même, nous devons craindre que des démarches exigeant la cessation de l’activité des «espions politiques» sur notre territoire fasse long feu, du moment que la police italienne continuera vraisemblablement son activité suspecte chez nous, malgré toutes assurances contraires que nous pourrions obtenir, tant qu’un groupe d’antifascistes italiens se montre aussi remuant à quelques kilomètres de Milan.
Après un examen minutieux de l’affaire, nous sommes donc arrivés à la conclusion préconisée aussi par le Département de Justice et Police et qui consiste à laisser libre cours à la justice, c’est-à-dire à l’application de l’article 39 du Code pénal fédéral5. Le procès qui pourra s’ensuivre aura, nous ne pouvons nous le dissimuler, un assez grand retentissement, même si, ainsi que nous le demandons, il se déroule à Lausanne et non pas au Canton du Tessin. Mais les choses en sont venues à un point où l’atmosphère actuellement troublée ne s’éclaircira peut-être que par une procédure judiciaire tenue en plein jour et qui pourra, suivant les circonstances, révéler aussi les agissements incorrects du groupe Pacciardi.
Le soussigné a tenu à renseigner le Ministre d’Italie, par la lettre6 dont vous trouverez copie sous ce pli et dont l’original sera remis demain matin à M. Marchi, sur l’état actuel de la ténébreuse affaire d’espionnage et sur les mesures que le Conseil fédéral devra prendre incessamment. Ainsi que vous le verrez, cette lettre émet in fine des doutes quant à l’opportunité des fêtes commémoratives de la marche sur Rome qui, selon une communication officielle de la Légation d’Italie, doivent se tenir, les 5 et 6 de ce mois, à Lugano et Locarno.
- 1
- Lettre (Copie): E 2001 (C)3/99. Paraphe: AT.↩
- 2
- iNon reproduit.↩
- 3
- R. Pacciardi, avocat, un des dirigeants du parti républicain italien. Antifasciste, fonde en 1923 le journal / Italia libera, puis doit s’enfuir d’Italie pour éviter la déportation. Arrive en Suisse au début janvier 1927 et s’installe au Tessin où il collabore étroitement au quotidien socialiste Libera stampa.↩
- 4
- Non reproduit.↩
- 5
- Cf. no 9, n.2.↩
- 6
- Cf. lettre très confidentielle de Mot ta au Ministre Marchi du 2 novembre 1932:... l’atmosfera del Cantone Ticino è, in questi tempi, a causa in ispecie dei lamentati servigi d’informazione clandestini, alquanto turbata. Cosicché io mi debbo porre, per dovere d’ufïicio, la quesdone se le colonie italiane colà residenti fanno bene ad organizzare manifestazioni, per se stesse perfettamente naturali e lecite, le quali tuttavia, a causa della loro pubblicità potrebbero offrire il pretesto, nonostante le disposizioni di polizia, a spiacevoli reazioni. [...] ( E 2001 (C) 3/99).↩
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