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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 10, doc. 129
volume linkBern 1982
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001C#1000/1533#5224* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(C)1000/1534 103 | |
Dossier title | Irridentistenblatt "Adula" (Akten s. B.46.I.19.4 von 1935-1936) (1927–1936) | |
File reference archive | B.46.19.4 • Additional component: Italien |
dodis.ch/45671
J’ai l’honneur d’accuser réception de votre lettre du 11 décembre2, concernant la reprise d’une prétendue question tessinoise3.
J’ai eu hier une longue entrevue avec M. Grandi à ce propos. A vrai dire, certains journaux, comme la Tribuna, n’ont jamais cessé de publier de temps à autre de petites notes perfides sur ce sujet. Ce qui nous émeut, c’est de voir soudain l’article de Colombi4 parlant de l’annexion du Tessin publié dans les trois journaux affiliés, Nazione de Florence, Mattino de Naples, et, sauf erreur, Corriere Mercantile de Gênes. En même temps, la Sera de Milan, dirigée par Notari, ancien directeur de ŸAmbrosiano, très anti-suisse, la Critica Fascista5, organe de Farinacci, et l’Augustea, organe du député Ciarlantini, partent en guerre sur le même sujet. C’est ce que j’ai exposé au Ministre des Affaires Etrangères, en me servant des termes mêmes de votre lettre du 20 novembre6, dontje lui ai lu certains passages, en lui rappelant que cette sollicitude à l’italianità du Tessin était inopportune et offensante pour notre pays et pour le Gouvernement Fédéral, car c’est en contradiction flagrante avec le discours de M. Marchi7, dont chaque terme fut combiné d’entente avec M. Grandi, et avec les déclarations répétées du chef du gouvernement8. Il en résulte en Suisse un sentiment compréhensible de défiance à l’égard de l’Italie et de son Gouvernement. Nous connaissons, lui ai-je dit, les représentants de l’irrédentisme tessinois; ils se réduisent à Colombi, à sa fille devenue Italienne9, et au jeune Garobbio10. Le groupe des «Giovani Ticinesi» n’a jamais été identifié, et s’ils s’avisent de publier une nouvelle édition de l’Almanacco11, nous voulons espérer que le Gouvernement italien s’y opposera.
Je n’ai pas manqué aussi de lui signaler cette publication inopportune de la Raetia12, qui veut faire du romanche un dialecte italien, alors que c’est un dialecte latin, comme le français. Du reste, ces questions linguistiques en Suisse ne regardent que la Suisse.
M. Grandi m’a écouté avec attention et amitié et n’a pas cherché, comme d’autres fois, à m’opposer certains griefs au sujet de l’antifascisme en Suisse. Il a parlé déjà à Parini13, et il sait qu’il se tiendra tranquille ainsi que sa femme. Quant à Colombi et Garobbio, ce sont des citoyens suisses, et il n’est pas facile au Gouvernement italien de les empêcher d’écrire.
M. Grandi m’a avoué qu’il n’a pas toujours le moyen d’agir sur la presse comme il le voudrait; il n’y a pas de censure préventive. C’est ainsi que lors de l’arrivée de Gandhi, le Giornale d’Italia, qui passe pour le plus inspiré par le Palais Chigi, a publié un article dont l’Angleterre pouvait prendre ombrage. Quant à la Tribuna, qui est beaucoup moins répandue qu’autrefois, elle a à sa tête un illuminé, Forges-Davanzati, «qui prétend connaître la politique étrangère mieux que le Ministre lui-même. On peut toujours s’attendre de sa part à de fâcheux écarts.»
M. Grandi m’a promis de parler à Ciarlantini. Il est moins sûr de Farinacci (Critica Fascista)14, avec lequel il est en mauvais termes. Il s’efforcera d’empêcher la publication de l’Almanacco en Italie. Sur mes vives instances, il m’a promis de faire savoir à toute la presse italienne que tout article sur une prétendue question tessinoise ou grisonne était absolument désapprouvé par le Gouvernement italien.
M. Grandi a considéré de façon très sérieuse tout ce que je lui ai exposé, et j’ai la conviction que nous pouvons compter fermement sur son action. Mais ce qui affaiblit nos démarches, c’est l’existence en Suisse même d’un journal irrédentiste, et le fait que des citoyens suisses sont mêlés à cette campagne, ce qui peut toujours faire croire à l’opinion italienne qu’il existe une question tessinoise.
Je constate, en effet, avec surprise combien les journaux italiens, qui sont très abondamment renseignés sur tout au monde, ignorent notre pays. Pas un journal romain n’a publié une ligne sur la campagne qui vient de se livrer en Suisse sur la question des assurances; au lendemain du vote populaire15, le Giornale d’Italia publiait une dépêche de Genève commençant par ces mots: «Le grand événement de la vie helvétique est l’arrivée de Gandhi...16
Je crois donc que nous n’en finirons pas de si tôt, sinon avec de vraies campagnes de presse, du moins avec le retour d’articles isolés de nature à nous déplaire. Tout le développement du nationalisme italien encourage ces élucubrations. Il importe, cependant, que l’opinion publique chez nous ne demeure pas indifférente. J’estime nécessaire que nos journaux répondent avec vivacité à ces sorties offensantes. Il faut qu’on sache, non seulement au Palais Chigi mais dans l’opinion italienne, qu’une pareille attitude fait un mal considérable à l’Italie même, dans l’opinion générale en Suisse.
- 1
- Lettre: E 2001 (C) 4/103.↩
- 2
- Non reproduit.↩
- 3
- Cf. no 55 et no 123.↩
- 4
- Cf. no 123, n. 3.↩
- 5
- Il s’agit vraisemblablement du «Regime Fascista», de Crémone, dirigé par R. Farinacci. La «Critica Fascista» était l’organe de G. Bottai.↩
- 6
- Cf. rf 123.↩
- 7
- Cf. no 55, n. 7.↩
- 8
- La dernière en date était celle du 5 juin 1928, devant le Sénat italien.↩
- 9
- La fille de Colombi (cf. no 123), Rosetta, avait épousé P. Parini, Directeur général des Italiens à l’étranger.↩
- 10
- 9.Cf. ri3123, n. 6.↩
- 11
- Cf. no 55.↩
- 12
- 11.Cf. no 123, n.6.↩
- 13
- 12. Cf. n. 8 ci-dessus.↩
- 14
- 13. Cf. n. 4 ci-dessus.↩
- 15
- Du 6 décembre 1931, sur l’assurance-vieillesse et survivants.↩
- 16
- Sur le passage du Mahatma Gandhi en Suisse, cf. E 2001 (C) 3/95.↩
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Irredentism in Ticino (1876–1942)