dodis.ch/45328
Der Vorsteher des Politischen Departementes,
G. Motta, an den schweizerischen Gesandten in
Paris,
A. Dunant1
Je vous avais promis, dans ma dernière lettre2,de nouvelles instructions dans l’affaire des Zones.
J’en ai, en effet, causé longuement, aujourd’hui et hier, avec M. l’Ambassadeur Hennessy. Celui-ci a envoyé, aujourd’hui même, un long télégramme à son Gouvernement. J’ai expliqué à M. Hennessy qu’il est maintenant absolument indispensable que la Commission des Affaires étrangères du Sénat s’occupe de l’affaire et fixe ses propositions au Sénat en donnant à son vote une large publicité. Si la Commission ne se décide pas à faire ce geste nécessaire et urgent, il est impossible au Conseil fédéral de demander aux Chambres de procéder au vote final dans la question de la neutralité de la Savoie, car laisser s’ouvrir la période référendaire sans avoir reçu un apaisement suffisant, ce serait un acte de folie téméraire.
La Commission du Sénat devrait avoir pris ses conclusions avant la fin du mois.
Le Conseil fédéral pourrait ensuite chercher à obtenir des Chambres qu’elles votent - par l’acte du vote final - l’arrêté concernant la Savoie, à une condition, et ce serait que quelques jours après (une semaine ou dix jours) le Sénat approuverait les conclusions de sa commission.
Cette approbation par le Sénat permettrait d’espérer qu’un mouvement référendaire ne serait pas lancé. Si, par malheur, un groupe de citoyens, tenu en méfiance par les tergiversations du Sénat, lançait le référendum, personne ne pourrait plus répondre du résultat du vote populaire. J’ajoute même qu’une demande de référendum aboutirait presque certainement (malgré tous nos efforts contraires) à un refus de l’arrêté de l’Assemblée fédérale. La question des Zones deviendrait alors une plaie saignante, sans possibilité de guérison et nos relations avec la France en seraient très gravement affectées.
Sans une garantie très nette et très précise que le Sénat approuverait le compromis des Zones avant qu’un mouvement référendaire ait eu le temps de s’organiser, le Conseil fédéral ne peut pas engager les Chambres dans la procédure du vote final quant à la neutralité de la Savoie. En agissant autrement, il jouerait avec le feu et risquerait de compromettre les intérêts supérieurs qui sont confiés à sa garde.
Veuillez donc, monsieur le ministre, vous rendre de nouveau auprès du Ministère français des Affaires étrangères et exposer cette situation en toute franchise et loyauté, mais aussi avec toute la fermeté nécessaire.
Il faut que la commission ait pris position avant la fin du mois il faut ensuite que nous ayons la certitude que si l’Assemblée fédérale procède au vote final, celui-ci sera suivi à très bref délai par le vote du Sénat approuvant les conclusions de la Commission3.
Toute autre procédure est hérissée de dangers. Si le Gouvernement français veut le but, il doit vouloir aussi le moyen. Or, le moyen est clair et ne comporte plus de discussions entre des hommes de bonne foi.
Il me semble, d’ailleurs, que l’accord conclu avec le Gouvernement français au sujet de la simultanéité de l’échange des ratifications facilite au Sénat français la marche à suivre. La France n’a rien à craindre; elle n’aura pas à nous donner la ratification du compromis des Zones si nous ne sommes pas à même de déclarer valablement la renonciation à la neutralité de la Savoie. La simultanéité dont je parle est une garantie commune et réciproque.
Veuillez me faire rapport le plus tôt possible4. L’affaire entre dans une phase décisive. J’ai pleine confiance que vous saurez nous aider à sortir de la grave difficulté.