Thematische Zuordung Serie 1848–1945:
II. DIE SCHWEIZ UND DER VÖLKERBUND
8. Völkerbundssitz
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 9, doc. 287
volume linkBern 1980
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E27#1000/721#23398* | |
Dossier title | Errichtung und Betrieb eines Radio-Senders durch den Völkerbund, Bd 1-3 (1919–1939) | |
File reference archive | 12.B.1.e |
dodis.ch/45304
Pendant la première session qu’elle a tenue à Genève du 18 au 26 mai dernier, la Commission préparatoire de la Conférence du désarmement a été saisie par la délégation française d’une proposition tendant, entre autres, à «mettre à l’étude les méthodes ou règlements propres à faciliter la réunion du Conseil dans un délai très court en cas de guerre ou de menace de guerre». La proposition française s’inspirait de l’idée que «la détermination de la méthode et des mécanismes susceptibles de mettre en œuvre les secours dont un Etat attaqué pourrait bénéficier est nécessaire pour permettre à cet Etat de calculer les réductions ou limitations d’armements qu’il peut consentir». La Commission accueillit favorablement cette proposition et décida de la transmettre au Conseil «en lui demandant qu’elle puisse être immédiatement prise en considération».
Par une résolution du 4 septembre 1926, le Conseil chargea son «Comité» d’examiner différentes propositions parmi lesquelles figurait la proposition de la délégation française. Après avoir pris l’avis du Secrétaire Général et de la Commission consultative et technique des communications et du transit, le Comité recommanda au Conseil de donner «mandat permanent à son organisation technique du transit pour veiller à ce que les communications de toute nature entre Genève et les diverses capitales soient constamment améliorées...» En ce qui concerne plus spécialement les communications radiotélégraphiques, son rapport au Conseil contient le passage suivant: «Le Comité s’est particulièrement préoccupé de la situation de la Société des Nations en matière de télégraphie sans fil; par sa nature même, la télégraphie sans fils semblerait être éminemment apte à favoriser les communications rapides et sans interruption entre le Secrétariat Général et les Membres de la Société des Nations. Le Comité croit qu’il serait à recommander que la situation actuelle, en ce qui concerne cette question, soit améliorée le plus tôt possible, dans les limites des possibilités, mais il croit, en outre, hautement désirable que les études nécessaires soient immédiatement engagées pour que la Société des Nations puisse disposer des moyens de communication radiotélégraphique lui permettant la plus grande indépendance et la plus grande universalité compatibles avec les progrès techniques. A cet effet, le Comité recommande au Conseil que l’organisation technique du transit mette à l’étude cette question en vue de présenter un rapport au Conseil à la date la plus rapprochée possible.» Ces considérations rencontrèrent l’approbation du Conseil et, sur la proposition de M. Benes, il fut décidé d’inviter la Commission consultative et technique des communications «à engager immédiatement, en collaboration avec le Secrétaire Général, en vue de présenter un rapport au Conseil à la date la plus rapprochée possible, les études nécessaires pour que la Société des Nations puisse avoir à sa disposition une station radiotélégraphique à elle, suffisamment puissante, lui permettant de communiquer par ses propres moyens avec le plus grand nombre possible d’Etats membres de la Société» (Résolutions du Conseil en date du 8 décembre 1926, chiffre 3, lettre c).
Depuis lors, la Commission des communications et du transit s’est réunie à Genève et, selon une communication de presse datée du 2 mars, elle se serait occupée de la création d’une station radiotélégraphique à l’usage de la Société des Nations. Elle aurait toutefois estimé «que cette étude devrait avoir lieu avec l’aide de techniciens» et aurait «chargé le Secrétariat de la Société des Nations de procéder à une étude préparatoire». La question en serait là.
Nous ignorons si le Secrétariat Général consultera, au cours de son étude préparatoire, l’un ou l’autre des services compétents de l’administration fédérale. Ce serait logique, puisque l’érection d’une station radiotélégraphique sur notre territoire est nécessairement subordonnée à une autorisation des Autorités Fédérales et qu’à défaut de cette autorisation, le projet serait condamné à rester lettre morte. Ce qui est à peu près certain, c’est que la question viendra un jour devant l’Assemblée de la Société des Nations, le Conseil s’étant déjà réservé d’examiner l’opportunité de l’inscrire à l’ordre du jour de la prochaine Assemblée. Pour ne pas nous trouver pris au dépourvu, il s’agirait maintenant d’étudier, sous toutes ses faces, à tête reposée, mais sans perdre de temps, une question sur laquelle nous pouvons être appelés à nous prononcer à plus ou moins bref délai.
Le Département des Chemins de Fer a déjà examiné le projet du point de vue technique. Sa conception lui paraît utopique. Il le trouve irréalisable en raison déjà des frais considérables qu’occasionnerait l’entretien d’une station de ce genre et en raison aussi des difficultés d’ordre technique à surmonter. Cette opinion est corroborée par une étude à laquelle s’est livrée à ce sujet M. le Dr Rothen, Directeur de la «Radio-Station Marconi», à Berne. Quelle que soit la valeur de ces avis, d’autres pourront en mettre en doute le bien-fondé et soutenir qu’une institution comme la Société des Nations est capable de mener à bien une entreprise de cette envergure. Si leur opinion prévalait, - et c’est une supposition que nous nous devons d’envisager, - la question qui se poserait alors serait la suivante: La Suisse peut-elle autoriser la création sur son territoire d’une station radiotélégraphique soustraite à tout contrôle de sa part et réservée à l’usage exclusif de la Société des Nations?
Abstraction faite de son côté technique, le problème se présente sous un double aspect: Il touche à notre neutralité et à notre défense nationale. A la neutralité d’abord, parce qu’il n’est pas sûr que l’établissement d’une station de ce genre sur notre territoire soit compatible avec les obligations résultant de notre neutralité militaire; à notre défense nationale ensuite, parce qu’on doit se demander si, en cas de guerre, la présence sur notre sol d’une station qui échapperait à tout contrôle de notre part ne pourrait pas rendre illusoires, à un moment donné, certaines mesures prises par le haut commandement pour assurer le secret de son système de défense ou d’attaque.
En ce qui concerne la neutralité, il nous suffira de rappeler ici qu’il a toujours été dans l’intention de la Suisse d’observer, en cas de guerre de la Société des Nations avec un Etat ou des Etats en rupture de Pacte, la plus stricte neutralité militaire. Nous ne saurions permettre, sur notre territoire, aucun acte qui pourrait constituer une immixtion dans les opérations militaires, ou pourrait être regardé comme une faveur faite à l’un des belligérants au détriment de l’autre. A cet égard, le Conseil Fédéral, dans son message aux Chambres fédérales concernant l’accession de la Suisse à la Société des Nations, du 4 août 19192 est allé jusqu’à considérer comme incompatible avec notre neutralité le fait pour certains officiers supérieurs de séjourner, en cas de guerre, au siège de la Société. Que dire alors de l’installation sur notre territoire de la station radiotélégraphique projetée?
Le cas a déjà été envisagé par le Conseil Fédéral dans le Message précité. «La neutralité ne serait pas atteinte, déclare-t-il, par l’existence sur notre territoire d’une station de télégraphie sans fil ou par fil de la Société des Nations, à la condition qu’elle n’ait pas été installée pendant la guerre et qu’elle serve aussi aux communications publiques.» L’article 3, lettre b, de la Convention de La Haye, concernant les droits et les devoirs des Puissances et des personnes neutres en cas de guerre sur terre, interdit bien, en effet, aux belligérants d’utiliser toute installation radiotélégraphique «établie par eux avant la guerre sur le territoire de la Puissance neutre dans un but exclusivement militaire, et qui n’a pas été ouverte au service de la correspondance publique». On peut d’ores et déjà admettre que la Société des Nations ne se servirait pas de sa station radiotélégraphique dans un but exclusivement militaire; mais pour qu’elle puisse l’utiliser dans le cas d’une guerre collective déclanchée sur la base de l’article XVI du Pacte, il faudrait encore - et, aux termes de l’article 3 de la Convention de La Haye précitée, ce serait la preuve qu’elle n’a pas un caractère militaire exclusif - que cette station fût ouverte au public en temps normal comme en temps de guerre. Or, même en admettant que la Société des Nations s’en tienne à la Convention de La Haye et n’insiste pas pour avoir l’usage exclusif de la station dont il s’agit, on peut se demander si le fait que la station radiotélégraphique serait entre ses mains n’aurait pas pour résultat de favoriser ses intérêts au point que l’Etat ou les Etats en rupture du Pacte trouveraient que l’équilibre est rompu à leur détriment et reprocheraient à la Suisse de ne pas se conformer aux devoirs découlant de la stricte neutralité militaire qu’elle s’est imposée. Il serait d’ailleurs difficile de faire droit à une réclamation de ce genre, si fondée fût-elle, puisque nous envisageons, par hypothèse, le cas d’une station qui serait exploitée par la Société elle-même et dont le contrôle nous échapperait complètement. Dans une éventualité de ce genre, qui nous dit que nous ne nous exposerions pas aux pires conséquences, les Etats en guerre avec la Société pouvant, en arguant de la violation de nos devoirs de neutralité, prendre la détermination de chercher à détruire une station qui, de par les renseignements de toute nature qu’elle transmettrait, leur paraîtrait, à tort ou à raison, jouer un rôle néfaste dans le cours des opérations?
A supposer, au surplus, que la question d’une station radiotélégraphique pût être réglée de manière à mettre le principe de notre neutralité militaire à l’abri de toute critique, le problème ne serait pas encore résolu pour nous; car, comme nous l’avons déjà relevé, la question de neutralité mise à part, il resterait encore celle de savoir si, en cas de guerre ou en cas d’une menace de guerre qui nous amènerait à occuper nos frontières, les exigences de notre armée et de la défense nationale autoriseraient la présence, sur notre sol, d’une station radiotélégraphique dont les émissions ne seraient pas contrôlées.
Nous nous sommes bornés à indiquer de façon toute sommaire les premières objections auxquelles nous paraît se heurter, du double point de vue de la neutralité et de la défense nationale, l’idée qui s’est fait jour à Genève de doter la Société des Nations d’une station radiotélégraphique lui appartenant en toute propriété. Vu l’importance que cette question présente pour la Suisse, vous nous obligeriez vivement en l’étudiant à votre tour et en nous faisant part, le moment venu, des observations et des réserves qu’elle vous paraîtra devoir appeler.
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