J’ai l’honneur de vous exprimer mes remerciements pour votre lettre du 15 mai2 qui m’est parvenue le 21, et de laquelle je vois, avec intérêt, que M.le Professeur Burckhardt a eu l’occasion de causer dernièrement à Sir Cecil Hurst du problème d’un traité d’arbitrage et de conciliation entre la Suisse et la Grande-Bretagne.
J’ai eu l’occasion de parler de cette affaire à M. le Professeur Huber qui a fait un court séjour à Londres la semaine dernière. Vous vous rappelez peut-être que, lors de mon entretien au mois de janvier, je vous avais suggéré de me remettre un projet de traité que je pourrais montrer au Foreign Office, pour apprendre ce qu’on en penserait ici. Vous avez alors été d’accord en principe, et j’ai eu l’intention de revenir sur cette proposition, lorsque M. Huber m’a rendu attentif au désavantage qu’un pareil procédé pourrait avoir sur le cours des pourparlers. Il a dit notamment, que selon son expérience, de tels procédés ne font que rarement avancer les choses, surtout lorsqu’on se voit en face d’un gouvernement qui n’a pas beaucoup d’enthousiasme pour le problème en lui-même. La contre-partie est encline à donner une réponse négative, en motivant le refus par le fait que l’une ou l’autre des clauses ne lui paraît pas être opportune. Elle saisit cette occasion de dire non, d’une façon générale, sans proposer des changements et sans entrer en matière, et il est alors difficile de revenir à la charge. J’avoue que cette manière de voir est certainement justifiée jusqu’à un certain point et je crois qu’il serait indiqué d’abandonner l’idée de soumettre un projet au Foreign Office.
M. Huber est d’avis qu’il faudrait combiner un mémoire au Département Politique, qui donnerait une idée générale de nos intentions en matière de traités d’arbitrage. Dans ce mémoire seraient groupés des résumés des différentes espèces de traités que la Suisse a conclus ou a l’intention de conclure avec les Etats étrangers. Chaque résumé, qui serait traité dans un paragraphe spécial, donnerait un aperçu sur l’esprit et l’extension de la convention et il serait ainsi possible au fonctionnaire compétent du Foreign Office de se faire une idée sur les catégories de conventions qui pourraient entrer en ligne. En remettant ce mémoire, à titre officieux, par exemple à Sir Cecil Hurst lui-même, je pourrais lui demander si l’une ou l’autre de ces catégories, et le cas échéant laquelle, pourrait faire l’affaire du Gouvernement Britannique. Il me semble qu’il lui serait difficile de dire que dans aucun cas son Gouvernement ne pourrait entrer dans notre manière de voir, d’autant plus que le Département Politique serait en mesure de soumettre des schémas de conventions de toutes espèces, de la forme la plus forte (Italie) à une suffisamment atténuée pour pouvoir être prise en considération, même par un Gouvernement aussi prudent que celui de Grande-Bretagne.
Il m’intéresserait beaucoup de connaître votre manière de voir sur ce qui précède et je ne fais pas de démarches avant d’avoir votre réponse3.
La question des traités n’a pas reparu au Parlement depuis mon dernier rapport, mais il est fort probable qu’on en parlera de nouveau dans le courant de ces prochaines semaines4.