M. le Conseiller National Cattori vous aura parlé de la conversation qu’il a eue à Rome, au cours de son séjour, avec M. Mussolini.2
L’audience a eu lieu le 29 mai sur la demande que j’avais adressée plusieurs jours auparavant au Président du Conseil. Celui-ci, comme vous savez, est assailli de visiteurs; il en vient de partout. J’ai vu récemment une dame venue de Londres et un Américain venu de Boston exprès pour obtenir quelques minutes d’entretien avec le Duce. La réponse du Président s’est donc fait attendre quelques jours, ce qui n’a rien de surprenant: c’est lui-même qui a fixé la date et l’heure du rendezvous.
M. Mussolini a exprimé à nouveau à M. Cattori ses bons sentiments à l’égard de la Suisse, et il lui a parlé du Tessin dans les termes qui conviennent. Cependant, il faut relever ces mots: «Non voglio ehe il Ticino si germanizzi». Il se peut aussi qu’il ait dit: «Il Ticino non deve diventar tedesco». M. Cattori vous aura rapporté les termes exacts; le sens est celui que je vous indique. C’est évidemment la note qui domine dans les rapports que le Ministère reçoit du Tessin, soit de ses agents fascistes, soit du Vice-Consul de Locarno, dont nous connaissons les appréciations absurdes. Le Président a parlé encore de la situation économique et fait allusion au projet de zones franches, ce qui peut nous faire croire qu’il est en rapport avec Emilio Colombi.
En effet, une chose est certaine, c’est que le Président, tout en nous témoignant d’excellents sentiments, et en montrant qu’il a bien saisi tous les aspects du problème que les irrédentistes voudraient soulever à la légère, demeure en rapport avec le groupe des «Giovani Ticinesi».3 Cela implique de notre part une extrême vigilance.
C’est pourquoi je serais particulièrement heureux d’apprendre que le Conseil fédéral, poursuivant l’exécution d’un programme étudié avec les représentants du Tessin, donnera satisfaction le plus possible aux vœux légitimes de ce Canton.
La nomination de M. Federzoni au Ministère de l’Intérieur n’est pas entièrement rassurante. Sans doute, il est un fort galant homme, mais il est un nationaliste ardent, de l’école de Corradini.4 Ace propos, je vous serais très obligé de me faire savoir si vous avez repris récemment l’examen d’un projet de Traité d’arbitrage avec l’Italie. Peut-être le moment serait-il venu de pressentir le Palais Chigi.5