Classement thématique série 1848–1945:
II. LES RELATIONS BILATERALES ET LA VIE DES ETATS
II.12. France
II.12.1. La question des zones franches de Haute-Savoie et du Pays de Gex
Également: Explication des vues suisses en vue de soumettre à un arbitrage le contentieux au sujet des zones. Le projet français de compromis d’arbitrage est insatisfaisant sur plusieurs points essentiels, aux yeux du Conseil fédéral. Annexe de 14.2.1924
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 8, doc. 321
volume linkBern 1988
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2#1000/44#1679* | |
Dossier title | Schiedsordnung vom 30.10.1924 betr. die Freizonen von Hochsavoyen und Gex (1923–1924) | |
File reference archive | B.137.2 |
dodis.ch/44963
En me référant à votre lettre d’avant-hier2 et en vous confirmant mon télégramme No . 9 d’aujourd’hui3, j’ai l’honneur de vous faire savoir que la remise à M. Peretti de la Rocca, Directeur politique du Quai d’Orsay, de la note du Conseil fédéral concernant l’arbitrage de droit dans la question des zones4 s’est effectuée sans aucun incident, à midi.
J’ai tout d’abord donné à mon interlocuteur un très bref compte rendu verbal de la note en indiquant que nous insistons pour que le Gouvernement français réexamine la question et se prononce quant au caractère de l’arbitrage proposé. Puis, conformément à vos instructions, j’ai ajouté que si le Cabinet de Paris entrait dans nos vues sur l’arbitrage de droit, nous ne nous refuserions pas à la constitution d’un tribunal arbitral spécial moyennant que l’accord pût se faire sur un mode de désignation des arbitres un peu différent de celui proposé dans le projet français de compromis. Je me suis servi exactement des termes contenus dans votre lettre du 18 de ce mois et M. Peretti en a pris note sur son calepin pour rapporter mes propos à M. le Président du Conseil.
Le Directeur politique n’a pas exprimé d’opinion quant à notre insistance – bien légitime – pour obtenir du Gouvernement français le seul arbitrage possible, c’est-à-dire celui sur la question de droit; il était parfaitement courtois, a exprimé une fois de plus l’avis qu’il n’était pas possible que l’on n’arrive pas à une entente entre deux pays voisins et m’a dit vouloir soumettre le plus vite possible ma communication à M. Poincaré, actuellement surchargé de travail par la discussion matin et après-midi, à la Chambre du projet de loi sur les économies à réaliser et les nouvelles ressources fiscales à trouver; en outre, M. Poincaré est souffrant d’une bronchite et quand il rentre le soir chez lui, c’est pour y trouver son médecin et se faire poser des ventouses.
J’ai aussi abordé avec M. Peretti la question de la publication, que vous désirez prochaine, mais d’un commun accord avec le Gouvernement français, des notes et projets de compromis échangés.5 Là aussi, M. Peretti m’a déclaré vouloir en référer au Président du Conseil, mais il m’a fait part de son opinion personnelle qui est, en général, contraire à la publication trop hâtive de documents diplomatiques; il estime que tant qu’on est en conversation et qu’on n’a pas abandonné l’espoir d’aboutir, il est prématuré de saisir l’opinion publique des notes diplomatiques échangées, parce que le public peut s’énerver sur le texte de telle ou telle note qui n’est qu’un échelon de toute la négociation; à titre d’exemple, M. Peretti m’a cité le cas récent de la négociation extrêmement délicate avec l’Espagne, au sujet de Tanger. A deux ou trois reprises on était sur le point de tout interrompre et si, à ce moment-là on avait livré à la publicité de la presse une note, il est fort probable que cela eût excité l’opinion publique au point de rendre très difficile un replâtrage. Heureusement que la négociation a pu se poursuivre sans être du domaine public et qu’elle a abouti. On a aussitôt remis à la presse le texte des dernières notes échangées entre l’Ambassadeur d’Espagne et le Quai d’Orsay (voir journaux d’aujourd’hui). – J’ai fait valoir auprès de M. Peretti que la Suisse est un pays d’opinions très avisées, portant depuis toujours le plus vif intérêt à la chose publique, et que le Conseil fédéral serait, pour cette raison, très désireux de recevoir l’acquiescement du Gouvernement français pour une prochaine publication. M. Peretti m’a dit qu’il me donnerait à bref délai l’avis de M. Poincaré à ce sujet.6
Enfin, avant de terminer ma visite, j’ai exprimé l’espoir très vif que la France accepterait définitivement l’arbitrage que nous proposons et j’ai donné nettement à entendre à mon interlocuteur que si tel ne devait pas être le cas, le Conseil fédéral ne pourrait pas considérer le litige comme terminé et se verrait amené à recourir à la Société des Nations. M. Peretti n’a pas eu l’air autrement surpris de ce que je lui disais là, il devait sans doute y être préparé par des rapports de M. Allizé et il s’est borné à me répondre: «oh, la Société des Nations est une assemblée politique qui ferait une cote mal taillée.» Et maintenant qu’il nous reste à attendre la décision que prendra le Gouvernement français, je me demande si je dois de nouveau mettre en batterie ma lourde artillerie et faire agir auprès de M. Poincaré les personnalités qui firent déjà des démarches au mois de novembre dernier en faveur de notre thèse. Faut-il laisser le Président du Conseil mûrir sagement la question, ou bien serait-il opportun de tenter d’exercer sur lui une pression qui, évidemment, pourrait, vu sa seconde édition, l’énerver et aller à fin contraire. Evidemment c’est très délicat et je vous avoue que je suis hésitant et serais fort heureux de connaître votre opinion à cet égard.7
- 1
- Lettre: E 2/1679.↩
- 2
- Non reproduite.↩
- 3
- Non reproduit.↩
- 4
- Reproduite en annexe. L e Conseil fédéral a approu vé le projet denote et le projet de compromis arbitral dans ses séances des 5 et 8 février 1924; il se prononce sur la form e définitive des textes à remettre à la France, le 12 février 1924; cf. E 1004 1/290.↩
- 5
- Cf. lettre de Motta du 8 février 1924 in E 2/1679; dans sa lettre du 10 février, le Ministre de Suisse à Paris exprime son désaccord à propos de ce désir de Motta de publier les documents échangés avec Paris et il «demande instamment de n’en rien faire avant qu’il y ait eu accord à ce sujet avec le Quai d’Orsay. A deux reprises déjà on ne m’a pas caché ici que la manière de procé- der du Conseil fédéral consistant à rendre publics, sans entente préalable avec le Gouvernement français, des documents émanant de ce dernier, avait causé quelques surprises et n’était pas conforme aux usages; vous vous souvenez que M. Poincaré m’en a parlé [...] ( E 2/1679). Dans sa séance du 12 février, le Conseil fédéral prend une position différente de celle de Motta au sujet de la publication des documents en question: In der Beratung wird betont, es wäre doch besser, sich in bezug auf die Veröffentlichung ganz an den diplomatischen Brauch zu halten und nicht gegen den Willen Frankreichs die Dokumente zu veröffentlichen. In der Mitteilung an die Presse über die Stellungnahme des Bundesrates wäre dann daraufhinzuweisen, dass nach diplomatischer Übung solche Dokumente nicht einseitig veröffentlicht würden (E 1004 1/290).↩
- 6
- Par télégramme no 10, du 15 février 1924, Dunant communique à Berne: Voir mon rapport d’hier sur les Zones. Peretti téléphone que le Président du Conseil est absolument opposé à la publication qui est le meilleur moyen pour ne pas aboutir. En outre, M. Poincaré regrette la grande ampleur de votre communication, car il estime que de nombreux détails présentent certaines contradictions avec le but de ma démarche.↩
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