Classement thématique série 1848–1945:
II. LES RELATIONS BILATERALES ET LA VIE DES ETATS
II.5. Belgique
II.5.2. Le traité d’arbitrage
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 8, doc. 308
volume linkBern 1988
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2200.44-02#1000/598#230* | |
Old classification | CH-BAR E 2200.44-02(-)1000/598 18 | |
Dossier title | Traité d'arbitrage Belgo-Suisse (1921–1928) |
dodis.ch/44950
Nous avons eu l’honneur de recevoir votre lettre du 18 de ce mois2 par laquelle vous avez bien voulu nous communiquer la copie d’une lettre de M. Jaspar3, aux termes de laquelle le Gouvernement belge «est disposé à procéder à un échange de vues préliminaire avec le Gouvernement fédéral dans le but de mettre en harmonie le traité d’arbitrage de 19044 avec le Protocole général de signature concernant le statut de la Cour permanente de Justice internationale, Protocole qui a été ratifié par les deux Gouvernements». Vous nous priez en même temps de vous faire parvenir nos instructions.
Les instructions que vous avez reçues en date du 3 juin 19215 pourraient suffire, à notre sens, pour ce premier échange de vues. Elles avaient d’ailleurs amené votre Légation à remettre au Gouvernement belge un aide-memoire6 qui énonçait précisément les questions préliminaires que soulève la conclusion d’un nouveau traité d’arbitrage avec la Belgique. Cet aide-mémoire contient donc tout ce qu’il faut pour constituer le point de départ de la négociation. Nous pouvons, au surplus, en matière d’arbitrage, aller avec le Gouvernement belge aussi loin qu’il le voudra, du moins jusqu’à la conclusion d’un traité comportant des obligations aussi étendues que celles qui découlent d’une adhésion au deuxième Protocole de Genève concernant la juridiction obligatoire de la Cour permanente de Justice internationale. Ce qu’il importerait de connaître, c’est la base plus ou moins restreinte sur laquelle le Gouvernement belge serait prêt, de son côté, à entamer avec nous des pourparlers préliminaires.
Vous vous souvenez des quatre questions que nous avions posées et qui nous paraissent dominer tout le problème. Nous demandions
a) s’il serait possible d’établir, tout au moins dans une certaine mesure, un rapport de connexité entre le traité à conclure et l’article 36, alinéa 2, du Statut de la Cour de Justice internationale;7
b) si, au lieu de se borner à soumettre les différends à une procédure d’arbitrage, le traité à substituer à la Convention du 15 novembre 1904 ne devrait pas instituer une procédure de conciliation;
c) si le principe de l’arbitrage obligatoire ne devrait pas être mis, dans des conditions à déterminer, à la base du nouveau traité;
d) enfin, s’il ne serait pas conforme aux intérêts de la Société des Nations, comme aussi aux intérêts des deux Parties de donner, sauf convention contraire, pleine compétence à la Cour de Justice internationale pour statuer sur le fond des litiges susceptibles, au sens du traité à conclure, de solution arbitrale.
Une réponse précise du Gouvernement belge à ces quatre questions permettrait d’emblée de circonscrire les pourparlers préliminaires dans le cadre où pourrait venir se fixer définitivement le traité projeté. Le tout est de connaître jusqu’où les intentions de la Belgique pourront concorder avec les nôtres. Cela obtenu, la discussion préalable envisagée par le Ministre des Affaires étrangères aurait atteint son but. – La Communication que vous a faite M. Jaspar est trop laconique pour permettre de sonder les intentions belges. Si ce laconisme est voulu et s’il faut interpréter au pied de la lettre les termes dont s’est servi le Ministre belge des Affaires étrangères, on pourrait peut-être inférer de sa réponse que la Belgique ne veut pas, pour le moment, d’un traité qui s’écarterait, quant au fond, du traité de 1904. Il ne s’agirait, dans ce cas, que d’une adaptation de pure forme au Statut de la Cour de Justice de La Haye. Si cette hypothèse était fondée, nous le regretterions pour notre part, car la Convention qui nous lie actuellement avec la Belgique laisse à désirer sous bien des rapports. Le simple fait de prévoir la juridiction de la Cour de Justice pour les litiges susceptibles de solution arbitrale conformément à la convention de 1904 ne constituerait pas une grande amélioration. Prévoir, pour le règlement de litiges internationaux, une juridiction qui offre toutes garanties d’impartialité, c’est bien; mais ce qui vaudrait mieux encore, c’est d’éviter que le recours à cette juridiction soit rendu illusoire par les exceptions d’incompétence dont chaque Partie peut librement exciper. Ainsi, pour s’en tenir à la convention du 15 novembre 1904, il suffit, aux termes de son article 2, qu’une des Parties se retranche derrière la réserve de l’honneur, de l’indépendance ou de la souveraineté pour que toute la procédure d’arbitrage en soit paralysée. Il s’ensuit que le traité se trouve, quant à son application effective, à la merci de l’arbitraire d’une seule des Parties. Au cas donc où le Gouvernement belge ne croirait pas pouvoir apporter tout au moins certaines dérogations de principe au régime de l’absolue liberté, autant vaudrait s’abstenir de conclure tout exprès une convention dont le but unique serait de prévoir la juridiction toute facultative de la Cour de Justice internationale. Un traité de ce genre n’irait guère plus loin que l’article XIII du Pacte de la Société des Nations. Sa portée pratique serait, dans ces conditions, plus fictive que réelle.
Ce que nous désirerions, pour notre part, c’est que le principe de l’arbitrage obligatoire fût introduit dans la nouvelle convention à tout le moins sous une forme atténuée. On pourrait envisager, par exemple, un des trois systèmes suivants:
1. Tous les litiges d’ordre juridique seraient soumis, à la demande d’une seule des Parties, à la Cour permanente de Justice internationale; ou bien:
2. Tous les litiges, de quelque nature qu’ils soient, seraient déférés obligatoirement à la Cour permanente de Justice internationale, à moins que l’une des Parties ne soulève une exception d’incompétence tirée de son honneur, de son indépendance ou de sa souverainité (article 2 de la convention de 1904); mais, dans ce dernier cas, c’est à la Cour permanente de Justice internationale, et non pas à chacune des Parties, qu’il appartiendrait de se prononcer sur la légitimité de l’exception; si l’exception était écartée comme non fondée, la procédure judiciaire suivrait son cours et la Cour de Justice internationale statuerait sur le fond: ou bien encore:
3. Les deux catégories de litiges prévues à l’article de la convention de 1904 et qui correspondent à peu près aux catégories de différends spécifiées aux chiffres 1 et 4 de l’article 36, alinéa 2, du Statut de la Cour de Justice seraient soumises obligatoirement à la Cour de La Haye, sans possibilité pour les Parties de formuler une réserve touchant leur honneur, leur indépendance ou leur souveraineté; dans ce cas, le principe de l’arbitrage obligatoire serait réduit à sa plus simple expression; mais il n’aurait pas moins trouvé une place, si modeste fût-elle, dans le traité, ce qui, à notre avis, serait souhaitable.
D’autres combinaisons peuvent évidemment être envisagées. Notre tâche n’est pas de les épuiser, à supposer que cela soit possible, mais bien d’indiquer l’une ou l’autre des solutions auxquelles on pourrait s’arrêter dans le cas où le Gouvernement belge consentirait à se rallier, dans une certaine mesure, à nos vues. S’il y a peu de chances pour que le premier système obtienne ses suffrages, les propositions énoncées ci-dessus, sous les chiffres 2 et 3, pourraient être de nature, en revanche, à orienter la discussion dans un sens déterminé et provoquer, du côté belge, certaines contre-propositions que nous examinerions ensuite avec le plus grand intérêt, pour peu qu’elles s’écartent de nos propres propositions.
En résumé et à supposer que le Gouvernement belge soit d’ores et déjà disposé à investir la Cour de Justice internationale de juridiction pour certains litiges qui viendraient à surgir entre les deux pays, l’échange de vues préliminaire avec le Ministère des Affaires étrangères devrait porter sur la question de savoir
a) Si la Belgique serait d’accord de soumettre à une procédure de conciliation, préalablement à toute procédure arbitrale ou judiciaire, les litiges de quelque nature qu’ils soient qui s’élèveraient entre les deux Etats;
b) Si et dans quelle mesure le Gouvernement belge serait partisan du principe de l’arbitrage obligatoire.
Il serait créé, pour la procédure de conciliation, une commission permanente, qui donnerait aux Parties des avis sans aucun caractère obligatoire. Quant aux avantages que présente cette procédure, nous nous permettons de vous renvoyer au rapport du Conseil fédéral aux Chambres fédérales, du 11 décembre 1919.8
Au cas où les précisions qu’il vous serait donné de recueillir sur ces deux questions de principe seraient suffisantes, nous nous réserverions, pour autant que tel serait là le désir du Gouvernement belge, de lui présenter, le cas échéant, des propositions fermes sous la forme concrète d’un projet du nouveau traité à conclure entre la Suisse et la Belgique.
- 1
- Lettre (Copie): E 2200 Bruxelles 2/18.↩
- 2
- Lettre du 18 décembre 1923, non reproduite, cf. E 2001 (C) 7/2.↩
- 3
- Note du 17 décembre 1923, non reproduite.↩
- 4
- RO, 1905 Tome 21, pp. 569–574, cf. aussi DDS 5, no 53.↩
- 5
- Non reproduites.↩
- 6
- Aide-mémoire du 16 juillet 1921, non reproduit.↩
- 7
- Cité dans la FF, 1921, vol. I, p. 357.↩
- 8
- FF, 1919, vol. V, pp. 809–826.↩