Classement thématique série 1848–1945:
I. LA SUISSE ET LA SOCIÉTÉ DES NATIONS
I.9. La coopération intellectuelle
Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 8, Dok. 206
volume linkBern 1988
Mehr… |▼▶Aufbewahrungsort
Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
Signatur | CH-BAR#E2001B#1000/1508#309* | |
Dossiertitel | Généralités (1921–1923) | |
Aktenzeichen Archiv | B.56.41.23.2 |
dodis.ch/44848
Par lettre B 56/41/23/2-DR du 26 juin 19222 vous voulez bien nous communiquer la liste des membres de la commission de coopération intellectuelle constituée par le Conseil de la Société des Nations.
Vous ajoutez que ces membres ne sont pas des délégués de leurs gouvernements respectifs, mais qu’ils agissent, en principe du moins, sous leur propre responsabilité et selon leurs inspirations personnelles. Vous nous signalez néanmoins que M. de Reynold serait volontiers disposé à examiner les suggestions de l’autorité fédérale concernant le problème qu’étudiera la commission dont il fait partie. Vous désireriez connaître notre point de vue relativement au programme de coopération intellectuelle internationale contenu dans la documentation que vous nous avez transmise précédemment, en particulier par votre lettre du 13 septembre 1921.3
La proposition du Conseil de la Société des Nations, faite le 2 septembre 1921 sur le vu d’un rapport de M. Bourgeois, avait la teneur suivante:
«L’Assemblé invite le Conseil à procéder à la désignation d’une commission pour l’étude des questions internationales de coopération intellectuelle et d’éducation. Cette commission comprendra un maximum de douze membres désignés par le Conseil. Elle présentera à la prochaine Assemblée un rapport sur les mesures que la Société pourrait prendre en vue de faciliter l’échange intellectuel entre les peuples, notamment en ce qui concerne la communication des informations scientifiques et des méthodes d’éducation.
«En attendant l’examen de ce rapport par l’Assemblée, cette commission servira d’organe consultatif au Conseil, qui pourra lui soumettre toutes questions techniques de cet ordre qui se présenteraient jusqu’à la prochaine réunion de l’Assemblée.»
« L’étude du projet de création d’un bureau international de l’éducation proposée dans la résolution du Conseil du 1er mars 1921 sera également confiée à la dite commission.»
Nous avons en outre dans notre dossier le rapport qui a été présenté à l’Assemblée de la Société des Nations par la cinquième commission (Professeur Gilbert Murray, rapporteur) et dont vous nous avez dit qu’il avait été accepté tel quel par l’Assemblée. Ce document porte le numéro A. 97.1921. Il se termine comme suit:
«La commission approuve le projet de résolution présenté, au nom du Conseil, par M. Léon Bourgeois, à savoir la nomination par le Conseil d’une commission chargée de l’étude des questions internationales de coopération intellectuelle; cette commission se composera de douze membres au plus, et comprendra des femmes.»
M. Murray, rapporteur, ajoute:
«Il convient de signaler que ce texte n’est pas le même que celui du rapport de M, Bourgeois. Il contient à la fois une omission et une addition. On a placé les mots ‹et éducation› après ‹coopération intellectuelles D’autre part, on a ajouté une phrase pour demander l’admission des femmes dans la commission.»
Il nous paraît qu’il convient surtout de relever la légèreté qui a présidé à la rédaction de la résolution présentée par M. Murray et adoptée par l’Assemblée. Cette résolution supprime les mots «et éducation» dans le premier alinéa de la proposition de M. Bourgeois. Elle ne dit cependant pas, et ce serait pourtant d’une importance essentielle, s’il faut considérer aussi comme supprimés les termes «et des méthodes d’éducation» à la fin du premier alinéa de la proposition Bourgeois et comme supprimé également le troisième alinéa de cette même proposition. En d’autres termes la commission de M. Murray a-t-elle voulu que la commission de coopération intellectuelle à créer ne s’occupât point des questions d’éducation, ou a-t-elle fait un essai timide de correction purement rédactionnelle de la langue de M. Bourgeois en raccourcissant le titre de la future commission, mais sans lui enlever rien de ses compétences? Le préambule de la résolution de la commission Murray ne fournit sur ce point aucun éclaircissement. Nous admettrons que la modification dont il s’agit ne visait qu’à la forme.
La résolution Bourgeois corrigée par la commission Murray, est le fruit d’une conception nuageuse. La commission pour l’étude des questions internationales de coopération intellectuelle doit présenter à la prochaine assemblée un rapport sur un objet mal précisé, servir entre temps d’organe consultatif pour toutes questions techniques «de cet ordre», et étudier le projet de création d’un bureau international de l’éducation. Même le préambule de la proposition Bourgeois contient plus de phrases que d’idées et ne contribue guère à éclaircir le but d’une commission dont l’existence semble importer plus que la tâche. M. Bourgeois ne s’aventure qu’avec prudence et fait presque autant de réserves que de suggestions. Ainsi il déclare: «Nous avons tous le sentiment que, pour la Société des Nations, il n’est pas de tâche plus urgente que de s’occuper de ces grands secteurs d’opinion internationale que sont les systèmes et les méthodes d’éducation, les recherches scientifiques et philosophiques... Par exemple on peut immédiatement supputer le gain que représenteraient pour notre Société toutes mesures nouvelles qui, grâce à une équivalence mieux définie des diplômes des divers pays, un échange plus fréquent des chaires entre professeurs de diverses nationalités, entretiendraient entre les nations une circulation plus active de maîtres et d’élèves... Nous sommes donc d’accord sur l’urgence qu’il y a, pour la Société des Nations, à faire apparaître toutes les affinités entre l’Idée politique qu’elle représente et tous les aspects de la vie intellectuelle qui lient les nations entre elles.»
Cependant il se hâte d’ajouter:
«Mais dans la mesure même où ces affinités d’ordre spirituel nous paraissent être vitales, nous devons y toucher avec plus de précaution que s’il s’agissait de relations d’ordre matériel... Il ne s’agit nullement de porter atteinte à l’originalité des esprits nationaux dont la diversité même est la condition essentielle du progrès général des idées humaines... Le travail intellectuel n’a pas attendu notre Société pour s’organiser entre les nations. Et vraiment, si une vie intellectuelle internationale n’avait déjà pris corps depuis longtemps, notre Société n’aurait jamais commencé d’exister. Il s’agit donc simplement de simplifier, d’amplifier, les relations déjà existantes et c’est aux universitaires, aux savants, aux académiciens, de nous dire, etc.»
On ne peut se défendre, en lisant le rapport de M. Bourgeois comme d’ailleurs le mémoire préliminaire du secrétariat général de la S. d. N., de l’impression que le Conseil de la Société des Nations a cédé sans grand enthousiasme aux pressions exercées sur lui en vue d’augmenter encore le nombre des organes de la bureaucratie internationale. L’institution de la commission de coopération intellectuelle n’est qu’un préliminaire de la création d’un bureau international de l’éducation. Elle s’est faite du reste avant qu’on fût en mesure de donner à cette commission des attributions mieux définies que par des considérations théoriques assez creuses. Nous n’attendons guère de son activité que des tentatives en vue de pousser les Etats membres de la S. d. N. à des dépenses nouvelles sans profit effectif, car, comme l’a relevé excellemment M. Bourgeois, les savants ont déjà noué euxmêmes les relations internationales propres à encourager l’avancement des connaissances humaines.
Puisque M. de Reynold a l’amabilité de se déclarer prêt à examiner les remarques de l’autorité fédérale, nous vous proposons de l’engager à observer la plus grande réserve à l’égard des propositions de la commission de coopération intellectuelle qui seraient de nature à entraîner des frais pour notre pays.4
- 1
- Lettre: E 2001 (B) 8/30. Organisation internationale du travail intellectuel.↩
- 2
- Non reproduit. Cf. no 194, note 1.↩
- 3
- Non reproduit.↩
- 4
- Sur la participation de la Suisse à la mise sur pied de l’organisation internationale de coopération intellectuelle, cf. FF, 1923, vol.I, pp. 26, 56–57 et FF, 1926, vol. II, pp. 884–885, 904-905.↩
Tags