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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 8, doc. 149
volume linkBern 1988
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001B#1000/1505#56* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(B)1000/1505 5 | |
Dossier title | Conclusion d'un Traité d'arbitrage avec l'Allemagne (1921–1924) | |
File reference archive | B.14.2 • Additional component: Deutschland |
dodis.ch/44791 La Division des Affaires étrangères du Département politique aux Légations de Suisse1
Pour votre information personnelle, nous avons l’honneur de vous remettre sous ce pli le texte français et allemand du Traité d’arbitrage et de conciliation entre la Suisse et l’Allemagne2, qui a été signé à Berne, le 3 décembre, par les Plénipotentiaires des deux Parties, M. le Professeur Max Huber et M. le Dr Friedrich Gaus, jurisconsulte de l’Office allemand des Affaires étrangères.
Dans notre rapport politique No 55, du 16 décembre3, nous vous avions déjà exposé dans ses très grandes lignes l’économie de la Convention, en accordant davantage de place aux observations d’ordre politique que susciteraient certaines clauses du protocole final.
Nous saisissons cette occasion pour commenter brièvement les dispositions essentielles de ladite Convention.
Le traité ainsi que le protocole final qui s’y trouve annexé ont été approuvés par le Conseil fédéral dans sa séance du 19 décembre 1921.4 Ils seront soumis, au début de l’année prochaine, à la ratification des Chambres fédérales.5
D’une manière générale, on peut dire que le présent Traité accuse un grand progrès sur les tentatives qui ont été faites jusqu’ici pour soumettre, par voie de conventions spéciales, les litiges internationaux à l’arbitrage ou à la conciliation. Par l’entremise de leurs négociateurs, les deux Gouvernements ont cherché à tirer parti, dans la plus large mesure possible, des expériences faites au cours de ces vingt dernières années, dans le domaine de l’arbitrage et de la conciliation. En tout état de cause, le Traité qui vient de voir le jour est la première Convention internationale spéciale conclue par la Suisse dans le sens et l’esprit des principes que le Conseil fédéral a exposés dans son rapport concernant les traités internationaux d’arbitrage, du 11 décembre 19196, approuvé par l’Assemblée fédérale. Le premier, il réalise pratiquement une idée en faveur de laquelle le Conseil fédéral s’était prononcé tant dans le rapport précité que dans son message du 4 août 19197 concernant l’accession de la Suisse à la Société des Nations, à savoir que nos rapports avec les Etats restés à l’écart de la Société des Nations doivent faire, en prévision des litiges qui pourraient surgir entre eux et la Suisse, l’objet d’une réglementation aussi générale et équitable que possible.
Le Traité s’inspire dans une large mesure du Statut de la Cour permanente de Justice Internationale, notamment en ce qui a trait à l’étendue de la juridiction (article 2) et au droit applicable (article 5). Il s’en écarte en ce sens que, contrairement au principe consacré par l’article 26, alinéa 2, dudit Statut, il est loisible à chacune des Parties de s’opposer à l’application du Traité d’arbitrage en excipant du fait qu’il s’agit d’une affaire qui affecte son indépendance, l’intégrité de son territoire ou d’autres intérêts vitaux d’une importance extrême. Cependant, et ce point doit être souligné d’une façon toute particulière, ce n’est plus, conformément à la pratique suivie jusqu’ici en matière d’arbitrage, à l’Etat qu’il appartient de se prononcer souverainement sur la question de savoir si, dans tel cas donné, le traité est applicable ou non. Le Traité confère cette compétence au tribunal luimême, qui statue sur cette exception d’incompétence à la majorité des voix (article 9). Il en sera de même si l’une des Parties invoque le fait que le litige est avant tout de nature politique, mais le tribunal, dans ce cas, n’est plus lié par la règle de la majorité. Il suffit que deux membres de la Cour se refusent à reconnaître la légitimité de l’exception pour que cette dernière soit écartée (article 4, alinéa 2).
En ce qui concerne l’exception tirée de l’indépendance, de l’intégrité du territoire ou d’autres intérêts vitaux d’une importance extrême, la compétence dévolue au tribunal eût été plus apparente que réelle si ce dernier avait été constitué à l’instar des tribunaux prévus par les Conventions spéciales d’arbitrage usuelles. Mais le Traité germano-suisse a fort sagement rompu avec l’usage suivant lequel la cour arbitrale est composée en majeure partie de juges relevant des Etats en litige, le sort du différend étant en quelque sorte laissé à la merci du surarbitre. Aux termes de son article 6, le tribunal se compose de 5 membres, dont deux seulement sont nommés respectivement au gré de chacune des Parties. Il en résulte cette conséquence très importante que le prétoire compte sur son siège une majorité de personnes absolument indépendantes et est ainsi en mesure de statuer, en toute liberté, soit sur les exceptions susvisées, soit sur le fond même du litige.
Reste un troisième point très important à signaler. Si l’exception d’incompétence est acceptée par le tribunal dans les conditions prévues à l’article 4, les Parties ne recouvrent pas pour autant leur liberté d’action. La procédure suit son cours mais sous une forme nouvelle. On quitte le terrain de l’arbitrage pour entrer dans le domaine de la conciliation. Ce processus est, comme on le voit, l’inverse de celui que le Conseil fédéral avait indiqué dans son rapport d’il y a deux ans sur les traités internationaux d’arbitrage. Il a été adopté à la demande expresse de l’Allemagne, qui tenait à faire de l’arbitrage en quelque sorte le centre de gravité de toute la convention. Dans cette procédure, le tribunal fait place à un Conseil permanent de Conciliation, qui est composé également d’une majorité de membres libérés de toute attache avec les Parties et offre ainsi une garantie en faveur d’une solution impartiale des litiges internationaux.
Quant au Protocole final8 signé le même jour par les Plénipotentiaires, il avait pour but de préciser l’esprit dans lequel serait appliquée la Convention et surtout de résoudre d’avance le problème qui se poserait lorsqu’entre l’Allemagne et un Etat tiers s’élèverait un conflit auquel la Suisse serait intéressée en tant que Membre de la Société des Nations. La solution adoptée à cet égard est claire: un conflit de ce genre ne pourra jamais être considéré comme un litige entre les Parties contractantes au sens du Traité.
- 1
- Circulaire: E 2001 (B) 5/5.↩
- 2
- Non reproduit, cf. RO, 1922, Tome 38, pp. 349–360; sur la négociation, cf. no 111.↩
- 3
- Non reproduit, cf. E 2001 (D) c 1/2.↩
- 4
- Non reproduitcf. E 1004 1/281, n” 3654.↩
- 5
- L’échange des ratifications eut lieu à Berne le 25 avril 1922, cf. RO, 1922, Tome 38, pp. 349-360.↩
- 6
- FF, 1919, vol. V, pp. 809-826.↩
- 7
- FF, 1919, vol IV, p. 567 ss.↩
- 8
- Non reproduit, cf. RO, 1922, Tome 38, pp. 359–360.↩