Classement thématique série 1848–1945:
I. LA SUISSE ET LA SOCIÉTÉ DES NATIONS
I.7. Les bureaux et offices internationaux
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 8, doc. 109
volume linkBern 1988
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2001B#1000/1508#172* | |
Dossier title | Généralités (1920–1921) | |
File reference archive | B.56.41.10 |
dodis.ch/44751 Aide-mémoire du Département politique1 LA SOCIÉTÉ DES NATIONS ET LES BUREAUX INTERNATIONAUX
Lors de ses réunions à Genève au mois de juin 1921, le Conseil de la Société des Nations s’est occupé, pour la première fois, de la situation des Bureaux Internationaux qui, aux termes de l’article XXIV du Pacte, peuvent, le cas échéant, être placés sous l’autorité de la Société des Nations.
Sur la base d’un rapport du représentant de la France, M. Hanotaux, le Conseil a tout d’abord décidé de prendre des mesures pour rattacher, soit immédiatement, soit plus tard, trois bureaux internationaux à l’Organisation de la société des Nations. Le Conseil a été saisi de mémoranda du secrétariat Général, concernant le Bureau Hydrographique International, le Bureau International d’Assistance et l’Institut International de Commerce.Le Bureau Hydrographique International a été créé par accord international à la suite de plusieurs conférences qui ont eu lieu en 1919. Ce bureau, qui n’a pas encore commencé à fonctionner, rentre dans la catégorie des «bureaux internationaux pour le règlement des affaires internationales, créés après l’entrée en vigueur du Pacte de la Société des Nations», et qui, aux termes de l’alinéa 1 de l’article XXIV du Pacte, seront placés sous l’autorité de la société. Avant d’accepter la tutelle de ce Bureau, le Conseil de la Société a cependant décidé, conformément à une proposition du Secrétariat Général, d’attendre sa constitution définitive et complète.
Il est possible qu’à la suite du rattachement du Bureau Hydrographique International à la Société des Nations, la Suisse sera aussi appelée à collaborer aux travaux de ce Bureau, bien qu’elle ne figure pas au nombre des 19 Etats qui l’ont constitué.
Le siège du Bureau Hydrographique a été récemment fixé à Monaco, malgré la proposition de la Commission permanente consultative pour les questions militaires, navales et aériennes qui a exprimé l’avis qu’il conviendrait de l’établir au siège même de la Société des Nations, dans le voisinage immédiat du Secrétariat Général. Cette dernière proposition semble avoir été écartée en raison du fait que le Secrétariat Général de la Société n’était pas en mesure de prêter au Bureau une aide matérielle.
Le Bureau International d’Assistance, dont le siège est à Paris, a été créé en 1907 à la suite d’une série de conférences internationales d’un caractère plutôt privé. N’ayant pas été constitué par une convention internationale, ce Bureau n’est pas visé directement par les termes de l’article XXIV du Pacte. Néanmoins, ainsi que le fait observer le rapport présenté par M. Hanotaux, les Congrès qui l’ont établi ont été suivis par des délégués désignés officiellement par un grand nombre d’Etats et le Bureau peut, en conséquence, bénéficier d’un traitement à peu près analogue à celui des bureaux publics proprement dits. Après avoir constaté que le Bureau International d’Assistance est un organisme utile dont les travaux ne font pas double emploi avec ceux d’aucune autre organisation, le Conseil de la Société des Nations a décidé de le placer sous l’autorité de la société. Il est cependant parti du point de vue que la Société des Nations, en prenant le Bureau sous son autorité, n’assumait aucune responsabilité financière.
Il ne semble pas que la Suisse doive formuler, quant à elle, des objections contre cette décision, d’autant plus que l’organisation actuelle du Bureau ne doit en subir aucun changement. Le Bureau, dont le Président actuel est M. Emile Loubet, est dirigé par un comité exécutif composé d’un Français, d’un Belge et d’un Suisse et d’un Secrétaire français. La dernière conférence générale du Bureau, à laquelle la suisse a été représentée, a eu lieu à Paris en 1920, sous la présidence de M. Emile Loubet.
L’Institut International de Commerce, dont le Conseil de la Société des Nations, s’est également occupé au cours de sa session de juin 1920, a été fondé en 1919 par la Conférence Interparlementaire du Commerce. Son siège a été établi à Bruxelles. L’Institut, qui a pour tâche de centraliser, de coordonner et de publier les renseignements de statistique et de législation commerciales et qui publie également les traités de commerce de tous les pays, n’a pas été créé par un traité collectif, ni par un autre arrangement de droit international. La Suisse n’a pas été représentée jusqu’à présent dans cet organisme officieux.
Or, le Gouvernement belge a prié le Conseil de la Société des Nations de reconnaître l’Institut comme organe officiel de statistique et de documentation économique de la Société. Reconnaissant que cette question demandait mûres réflexions, le Conseil s’est borné, en se conformant à la proposition du Secrétariat Général, à demander un préavis à la Commission Provisoire Economique et Financière de la Société.Les premières résolutions adoptées par le Conseil de la Société des Nations en vue de l’application de l’article XXIV du Pacte sont intéressantes à plus d’un point de vue. Elles intéressent naturellement, au premier chef, la Suisse comme siège et comme «Vorort» d’un nombre relativement grand de bureaux internationaux.
1. Une des premières questions qui se pose est celle de savoir si le Conseil est vraiment compétent pour prendre des décisions tendant à rattacher des bureaux internationaux à l’Organisation de la Société des Nations. On peut reconnaître sans autre au Conseil la compétence de prendre des mesures préparatoires en vue d’établir un contact plus étroit entre le Secrétariat Général et les bureaux internationaux, comme il l’a fait dans les cas du Bureau Hydrographique International et de l’Institut International de Commerce. Mais en décidant tout de suite de placer le Bureau International d’Assistance sous l’autorité de la Société des Nations, le Conseil est allé, de son propre chef, beaucoup plus loin. On est donc en droit de s’attendre à ce que l’Assemblée soit appelée, au cours de sa prochaine session, à statuer, de son côté, sur la question.
Si, cependant, le statut des bureaux internationaux, ou du Bureau International d’Assistance en particulier, ne devait pas être inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée, et si le rapport du Conseil sur sa gestion n’y faisait non plus allusion, on peut se demander s’il ne serait pas opportun de réserver formellement, pour des cas futurs, le droit à l’Assemblée de se prononcer sur l’attitude de la Société des Nations à l’égard des bureaux internationaux.
2. Le rapport présenté par M. Hanotaux, approuvé par le Conseil, formule quelques principes relatifs à l’interprétation des termes de l’article XXIVdu Pacte qui méritent d’être relevés. Les considérations émises au sujet de la forme du rattachement des bureaux internationaux s’inspirent d’une modération et d’un sens des réalités qui prouvent que le Secrétariat Général veut procéder avec la prudence qui lui est dictée par les circonstances.
Le rapport établit qu’il faut présumer que les auteurs du Pacte «ont entendu laisser aux organismes internationaux existants une large autonomie et non les fusionner intimement avec les organismes propres à la Société». Le rapport continue en précisant que l’exercice de l’autorité de la Société «ne devrait impliquer ni le droit d’intervenir dans l’organisation intérieure du bureau (nomination de fonctionnaires, ressources), ni le droit d’imposer des modifications à l’organisation établie (changement du siège officiel, extension du domaine d’activité, etc.)». La Société des Nations devrait toutefois pouvoir signaler et recommander à l’attention du Bureau International toute amélioration qui pourrait être apportée à son fonctionnement dans l’intérêt commun.
A ces considérations très justes, le rapport ajoute la réflexion que l’autorité de la Société pourrait aussi s’exercer dans les cas où des abus se seraient révélés, lorsque, par exemple, un bureau empiéterait sur les attributions de quelque autre organe international, lorsqu’il se refuserait à une juste coopération et lorsque son activité serait insuffisante. On peut se demander s’il serait vraiment indiqué, tout au moins dans un avenir rapproché, de confier la compétence esquissée dans ce dernier passage au Secrétariat Général de la Société des Nations. Le contrôle qui s’impose, est en effet, généralement exercé d’une manière tout aussi satisfaisante et peut-être plus constante par les Etats dans le territoire desquels les bureaux internationaux ont leur siège.
Il serait donc, semble-t-il, préférable que, du moins au commencement de l’activité de la Société des Nations, l’autorité de la Société ne se manifeste que sous la forme d’un appui moral accordé aux bureaux officiellement affiliés. On doit, en effet, supposer, comme le dit le rapport de M. Hanotaux, que, de leur côté, les bureaux seront désireux de prêter à la Société, dans leur domaine spécial, toute l’assistance et tous les renseignements utiles.
3. Comme nous l’avons déjà dit, et, comme le rapport présenté par M. Hanotaux le reconnaît d’ailleurs expressément, l’article XXIV du Pacte ne vise que les bureaux internationaux créés par traités ou par accords collectifs. Il peut cependant y avoir un intérêt à rattacher à l’Organisation de la Société des Nations les autres bureaux d’utilité générale et d’intérêt international créés par des conférences officieuses ou même privées, les bureaux que le Secrétariat Général de la Société qualifie comme «bureaux semi-publics». Le rapport approuvé par le Conseil propose – et non sans fondement, semble-t-il que l’étendue de l’autorité de la Société sur ces bureaux soit plus grande que dans le cas des bureaux créés par traités collectifs, car, tout d’abord, la demande de ces organismes tendant à être affiliés à la Société des Nations est tout à fait facultative et, d’autre part, ces bureaux solliciteront, en partie du moins, une assistance matérielle de la part de la Société qui peut appliquer en leur faveur la disposition du dernier alinéa de l’article XXIV du Pacte.
Le rapport de M.Hanotaux précise, ce qui est nécessaire, que pour tous les bureaux internationaux non créés par accords collectifs, l’obligation de formuler une demande d’affiliation doit être nettement établie. Il suggère, en outre, que le Conseil pourrait adopter une résolution fixant les formalités à remplir et la nature de l’autorité de la Société.
Cette dernière proposition ne peut, semble-t-il, être accueillie que sous toutes réserves par les Etats non représentés au Conseil. Il s’agirait, en effet, d’une résolution qui complète sur un point important les dispositions de l’article XXIV du Pacte. Il est vrai qu’une résolution qui précise la portée de cet article et qui détermine son application est désirable à plus d’un point de vue, et peut constituer une garantie pour un certain nombre de bureaux internationaux. Mais on devrait insister sur la nécessité de laisser à Y Assemblée de la Société des Nations le soin de fixer les termes de cette résolution.
4. Un point qui n’a pas échappé au Conseil est le fait qu’un certain nombre de ces bureaux peuvent faire double emploi avec d’autres organisations existantes. La délégation suisse à la première Assemblée avait déjà signalé le danger qu’il y aurait de créer à côté d’organisations existantes de nouveaux organismes établis sous les auspices de la Société des Nations. Pour obvier, dès le début, à un danger de ce genre, le rapport de M. Hanotaux déclare qu’il convient de subordonner la décision de la Société, plaçant le bureau sous son autorité, au résultat d’une enquête confiés au Secrétariat Général ou à un autre organisme compétent de la Société, et portant sur la constitution du bureau, le personnel, la situation financière et le but proposé. Il serait peut-être utile de relever expressément ce dernier point dans la résolution de principe que l’Assemblée devrait être appelée à prendre à l’égard des bureaux internationaux.
- 1
- E 2001 (B) 8/19.↩