Classement thématique série 1848–1945:
II. LES RELATIONS BILATERALES ET LA VIE DES ETATS
II.15. Italie
II.15.1. Questions de poltique générale et intérieure
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 8, doc. 99
volume linkBern 1988
Plus… |▼▶Emplacement
Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2300#1000/716#897* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2300(-)1000/716 395 | |
Titre du dossier | Rom, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 21 (1921–1921) |
dodis.ch/44741
Le grand événement parlementaire de ces derniers jours a été le discours de Mussolini. Je vous ai déjà écrit2 spécialement en ce qui concerne son allusion au Tessin et à la Suisse.
Le discours tout entier a été écouté avec une très grande attention. C’était le début du «fascismo» à la Chambre et la première fois qu’un de ses représentants, et en même temps le chef reconnu du parti, essayait d’exposer un programme politique. Le groupe siège à l’extrême droite et Mussolini a débuté en déclarant qu’il était non seulement antisocialiste, mais antidémocrate. C’est ici une nouveauté à la Chambre italienne où depuis une trentaine d’années tous les partis revendiquent des idées et des étiquettes libérales, démocratiques, progressistes. Il est de bon ton dans la jeunesse intellectuelle, non socialiste, d’affirmer que la démocratie a fait faillite et que même le parlementarisme est démondé. Vous retrouverez les mêmes principes développés en France dans le groupe de l’Action française qui comprend tant d’écrivains de talent, avec cette différence que l’Action française est ardemment monarchiste et conservatrice, tandis que l’école de Mussolini emprunte au socialisme une partie de son programme et se déclare plutôt républicaine. Sur ce dernier point vous savez que le groupe est divisé. La majorité paraît tenir encore à la maison de Savoie. C’est en somme un parti césarien et d’allures populaires, mais militariste, passionément nationaliste, xénophobe, méprisant la Société des Nations et tous les idéalismes abstraits: c’est un des plus beaux fruits de la guerre européenne.
Ce parti, de même que le groupe nationaliste, qui siège à côté de lui, dirige contre M. Sforza une campagne de plus en plus acharnée. On lui reproche d’avoir sacrifié Fiume et la Dalmatie aux Yougo-Slaves, de s’être laissé jouer par la France et même par l’Allemagne, de n’avoir pas su profiter du différend francoanglais; on lui reproche surtout d’être modéré, conciliant et de ne pas précipiter l’Italie dans de nouvelles aventures.
Ces attaques contre M. Sforza seraient aussi dirigées, me dit-on, par le groupe de la «Banca Commerciale» qui dispose de plusieurs journaux et elles seraient également encouragées sous main par M. De Martino, Ambassadeur d’Italie à Londres où il a brusquement et tout récemment remplacé, sans aucun motif appréciable, M. Imperiali, bien que celui-ci fut très sympathique au «Foreign Office». Je sais de source certaine que ce changement a été très mal accueilli en Angleterre.
Ces attaques ont fait répandre le bruit de la chute prochaine de M. Sforza. Mais pour le moment je n’en crois rien:3 MM. Giolitti et Sforza s’entendent trop bien ensemble et le premier a besoin d’avoir aux Affaires étrangères un collaborateur qui soit technicien, c’est-à-dire un diplomate et non pas un parlementaire. M. Giolitti fera donc tout ce qui est en lui pour garder M. Sforza. Du reste, les vacances sont prochaines.
Pour en revenir aux «fascisti», un de nos compatriotes nous signale une forme spéciale de leur xénophobie. Les «fascisti» interdisent maintenant aux commerçants d’exposer dans leurs vitrines des marchandises étrangères. C’est le cas par exemple des chaussures Bally, répandues dans toute l’Italie et exposées partout dans les montres des marchands de chaussures. Nous ne pourrions, naturellement, pas laisser passer de pareils excès sans protestation. Heureusement que sur ce terrain nous ne serons pas les seuls à nous plaindre. Nous aurons avec nous les autres étrangers. Le Gouvernement doit commencer à trouver que le «fascismo» est un élément compromettant. Malheureusement, l’histoire de ces dernières années nous montre quelle influence ces courants violents de la rue, inspirés par la passion nationale, ont constamment exercé sur la politique du Royaume.
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