Language: French
1.4.1921 (Friday)
Le Ministre de Suisse à Paris, A. Dunant, à la Division des Affaires étrangères du Département politique
Letter (L)
Renseignements au sujet du nombre des citoyens suisses engagés volontairement dans l’armée française durant la guerre. Estimations sur les victimes et sur les légionnaires.

Classement thématique série 1848–1945:
II. LES RELATIONS BILATERALES ET LA VIE DES ETATS
II.12. France
II.12.4. Légion étrangère et possibilités de travail
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Printed in

Antoine Fleury, Gabriel Imboden (ed.)

Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 8, doc. 59

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Bern 1988

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Cover of DDS, 8

Repository

dodis.ch/44701 Le Ministre de Suisse à Paris, A. Dunant, à la Division des Affaires étrangères du Département politique1

Par dépêche du 30 novembre dernier, No B. 37/I.F.I.N.2, vous avez bien voulu m’autoriser à demander aux autorités françaises des indications sur le nombre des citoyens suisses engagés, durant la guerre, dans les Armées de la République, ainsi que sur le nombre des pertes subies par eux.

Vous me faisiez savoir, en même temps, que les renseignements qu’il me serait possible d’obtenir à ce sujet ne manqueraient pas de vous intéresser.

Les données fournies par la presse sont assez variables et sujettes à caution. Le total généralement indiqué par les journaux oscille, pour les engagés volontaires de nationalité suisse, entre 8 et 10 000. Le chiffre des pertes subies par ces mêmes volontaires varie entre 3 et 5000. Ces chiffres sont vraisemblablement très audessus de la vérité.

Par contre, ceux que me donne, dans une note récente3, le Ministère des Affaires étrangères, me paraissent devoir être considérés comme inférieurs à la réalité.

Le Quai d’Orsay m’écrit que du 1er janvier 1914 au 1er janvier 1921, 1826 légionnaires ayant déclaré être de nationalité suisse, ont contracté un engagement au titre de la Légion. Il ajoute que sur ce nombre 889 seulement habitaient la France avant leur engagement et que les 937 autres sont donc venus de l’étranger pour s’engager. Le Ministère expose enfin que parmi tous ces légionnaires, 887 ont été tués par l’ennemi ou portés disparus.

Notre compatriote M. Frédéric Mange, Président de l’œuvre des Volontaires suisses4, à qui je m’étais également adressé, me dit que, malgré les tentatives répétées, il n’est jamais arrivé à réunir des données sûres sur la question dont il s’agit. Il attribue le résultat négatif de ses efforts au fait que l’Administration militaire française s’est constamment refusée à le renseigner en invoquant un règlement qui interdit de fournir à des tiers aucune information sur les individus engagés à la Légion.

Vous n’ignorez pas, en effet, que les candidats s’engagent très fréquemment sous un nom d’emprunt et peuvent ainsi cacher leur véritable nationalité.

Il faut tenir compte, en outre, du fait que beaucoup d’engagés de nationalité étrangère ont été incorporés dans certaines troupes spéciales pour lesquelles ils avaient des aptitudes, au lieu d’être versés à la Légion. C’est ainsi que nous avons trouvé des peintres suisses dans des sections de camouflages. Certains de nos compatriotes servaient dans les services d’électricité ou de télégraphie, ainsi que dans les corps alpins. On cite, en particulier, un sergent instructeur de nationalité suisse dans le corps des skieurs.

L’appréciation personnelle de M. Mange fixe le chiffre des engagés volontaires suisses à 6 ou 6500 et leurs pertes en morts et disparus à 2500 environ.

Le capitaine André Courvoisier qui appartient à la Banque suisse bien connue Courvoisier, Berthoud & Cie et qui, en 1918, s’est particulièrement distingué au front, croit pouvoir affirmer5, d’après les renseignements qu’il a recueillis durant son séjour à la Légion, que le nombre des engagés suisses s’est élevé, du 1er août 1914 à la fin des hostilités, à 6000 et que seuls 400 d’entre eux ont été libérés en février 1919. Le même officier estime le nombre des morts à 3000.

Je ne crois pas inutile de vous signaler en terminant que, dans une lettre adressée à M. le Général Messimy, ancien Ministre de la Guerre, par un officier appartenant au Ministère de la rue St-Dominique, le chiffre des légionnaires se disant de nationalité suisse qui ont servi dans les Armées françaises entre le 2 août 1914 et le 15 février 1917 est fixé à 2000 environ.

1
Lettre (Copie): E 2200 Paris 1/1645.
2
Non reproduite.
3
Note du 30 mars 1921.
4
Cf. lettre de F. Mange à A. Dunant du 5 janvier 1921.
5
Dans une lettre à Dunant du 28 janvier 1921.