Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 8, doc. 33
volume linkBern 1988
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2001B#1000/1508#273* | |
Dossier title | Passage à travers la Suisse des troupes à destination de Vilna (1920–1923) | |
File reference archive | B.56.41.17.10 |
dodis.ch/44675 Le Chef du Département politique, G. Motta, à l’Ambassadeur de France à Berne, H. Allizé12
Par note du 21 décembre 1920.3 Votre Excellence a bien voulu, demander libre passage à travers la Suisse pour certains contingents étrangers destinés à former le détachement international mis sur pied à l’instance de la Société des Nations pour assurer, sur le territoire contesté entre la Lithuanie et la Pologne, le libre exercice de la consultation populaire décidée par le Conseil de la Société. Cette autorisation, demandée par le Gouvernement français en sa qualité de mandataire spécial de la Société des Nations, devait s’étendre également au ravitaillement des troupes dont il s’agit.
Le Conseil fédéral n’a pas manqué de soumettre cette requête à un examen attentif. Tout en rendant pleine justice au but élevé et pacifique poursuivi par le Conseil de la Société, il ne pouvait, dans cet examen, perdre de vue la ligne de conduite immuable que lui trace sa politique de rigoureuse neutralité, telle qu’elle résulte de tous les actes internationaux qui l’ont consacrée.
Le droit de disposer de son territoire est pour chaque Etat un attribut essentiel de sa souveraineté. Pour la Suisse, l’obligation de laisser passer des troupes étrangères n’existe pas même dans le cadre et dans les limites de l’article XVI du Pacte de la Société des Nations. Le but et le sens de la Déclaration de Londres4 sont précisément d’affranchir la Confédération de la limitation conventionnelle de la souveraineté prévue par ce texte. La Suisse ne saurait donc avoir, en aucune circonstance et pour quelle raison que ce soit, l’obligation juridique de consentir au passage d’une troupe étrangère par son territoire.
Le Conseil fédéral n’estime cependant pas que la neutralité perpétuelle de la Suisse lui impose l’obligation internationale de refuser en toutes circonstances le passage de troupes. Sa neutralité empêche la Suisse de prendre part à des actions de guerre autres que celles qui visent à la défense du territoire, de l’indépendance et de l’honneur du pays. En dehors de cette hypothèse, qui se rapporte elle-même à une neutralité, reconnue par les autres Etats, mais voulue avant tout par la Suisse elle-même, la liberté de la Confédération demeure entière. Le fait que la Suisse est devenue membre de la Société des Nations n’a d’ailleurs rien changé à la position juridique du problème.
Sans vouloir diminuer la portée du devoir de solidarité qui incombe à tous les membres de la Société des Nations, le Conseil fédéral est d’avis que, si les manifestations et les effets de ce devoir doivent être appréciés et jugés, en chaque cas particulier, dans un esprit de haute équité, ils doivent cependant l’être aussi dans la plus entière indépendance.
En l’espèce présente, le Conseil fédéral regrette d’avoir dû conclure par la négative. Il a constaté, tant en étudiant la note adressée par le Gouvernement lithuanien au Conseil de la Société des Nations en date du 30 janvier qu’en examinant les renseignements qui lui sont parvenus ultérieurement, qu’un accord précis et complet sur la question du plébiscite n’a pu encore venir à chef entre les deux Etats intéressés. En outre, les intentions qui paraissent ressortir de manifestations récentes du Gouvernement des Soviets ne permettent pas d’écarter la possibilité d’un conflit armé. Si une telle hypothèse venait malheureusement à se réaliser, le Conseil fédéral se serait vu, en tout état de cause, contraint par le devoir d’observer strictement la neutralité de revenir sur la décision prise et de faire interrompre le transit organisé.
Au surplus, il n’est pas apparu que la voie d’acheminement à travers la Suisse fût seule ouverte aux contingents en cause.
Le Conseil fédéral n’est pas arrivé à sa décision sans l’avoir considérée sous toutes ses faces; aussi ne croit-il pas avoir manqué par sa décision à son devoir moral de solidarité vis-à-vis de la Société des Nations, tel qu’il peut se manifester dans les limites de la politique traditionnelle.
Si, dans l’avenir, des demandes analogues devaient lui être adressées, le Conseil fédéral ne manquerait pas de les examiner en tenant compte des circonstances, sans cependant jamais perdre de vue les rapports directs ou indirects que la question pourrait avoir avec celle de la neutralité perpétuelle de la Suisse.
Nous nous permettons de remettre copie de cette pièce au Secrétariat général de la Société des Nations.
- 1
- La présente note répond aussi à la suggestion faite par l’Ambassadeur de France dans sa lettre à Motta, du 9 février 1921: [...] Dans le discours que vous avez prononcé lundi dernier, vous avez dit qu’il avait été décidé de faire savoir à l’Ambassade de France que le Conseil fédéral ne pouvait accorder le passage aux troupes internationales à travers le territoire de la Confédération. – Comme la France n’a agi dans cette affaire que comme mandataire de la Société des Nations, et que la Suisse est également membre de la Société, ne croyez-vous pas, ainsi que je l’avais suggéré à M. Dinichert lundi dernier, que pour éviter tout malentendu, vous devriez faire part de votre décision au Conseil de la Société. – Il serait peut-être d’autant plus opportun de le faire, que de la communication du Secrétariat de la Société des Nations, il semble résulter que l’accord serait complet entre la Pologne et la Lithuanie sur la procédure recommandée par le Conseil au sujet du plébiscite (E 2001 (B) 8/27). Motta est d’avis d’après une note marginale de Dinichert qu’il y a lieu de répondre à l’Ambassadeur, et non à la S.d.N., qui n’a fait aucune communication à la Suisse. (Ibid.).↩
- 2
- Note (Copie): E 2001 (B) 8/27.↩
- 3
- Non reproduite, cf. no 24.↩
- 4
- cf. DDS 712, nos 247, 250.↩
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League of Nations
Vilnius Affair (1921)